15/06/2020

La comtesse Edmond de Talleyrand-Périgord - 2/2

La duchesse de Courlande avait de grandes obligations envers le Tsar qui lui faisait verser des indemnités énormes à la suite de l’abandon par son mari de ses droits souverains sur le duché au profit de la Russie. Elle fit semblant de résister en évoquant le caractère indépendant de sa fille, sur laquelle elle prétendait n’avoir que peu d’influence. Elle évoqua les fiançailles officieuses de celle-ci avec le prince Czartoryski. Si sa fille le préfère à tout autre, la duchesse n’est pas ravie de son choix comme elle l’avoue au tsar. 
Prince Adam Czartoryski
Alexandre Ier répondit à ces arguments : “..Adam Czartoryski se soucie nullement de se marier et qu’il se laissera toujours gouverner par sa mère, qui est une vieille polonaise intrigante et dangereuse. Je ne vois dans tout ceci qu’en jeune tête que l’on s’est plu à exalter, car Adam est un excellent homme, sans doute, mais il est devenu si sauvage et si triste que rien en lui ne me semble propre à séduire une personne de quinze ans. Enfin, ma chère duchesse,  je n’accepte aucune excuse, j’ai donné ma parole ; je demande la vôtre, et je la demande comme un témoignage de l’amitié que vous m’avez promise et que je crois mériter.”  (id )La mère était face à un ultimatum doublé de chantage. Ou Dorothée se soumettait au désir du tsar, où la duchesse perdait tous les avantages que le tsar lui avait procurés. Se posant en victime de l’autocrate, la duchesse n’en était pas moins ravie. Le mariage de sa fille avec le neveu de l’homme le plus puissant d’Europe, après Napoléon, allait lui fournir l’occasion de vivre à Paris  dans le cercle le plus haut du pouvoir. En lui demandant de “ ne pas refuser sans avoir bien pesé les avantages qui peuvent résulter les avantages qui peuvent résulter pour toute votre famille de cette alliance.” (id)
C’était un ordre. Dans la société de l’époque, il était impensable qu’une fille refusât le parti proposé par ses parents. Et en Russie, il était impensable qu’une famille refuse d’obéir à un ordre du tsar. Il fallait à Dorothée pour pouvoir se marier l’autorisation de sa mère et de l’empereur. Mais Dorothée résiste, évoquant son engagement auprès du prince Czartoryski, veux de trois ans, ayant confiance en lui et ses intentions. Profondément mécontente, sa mère lui répondit qu’elle ne répondrait à la demande de Talleyrand que dans trois jours. Elle lui demanda d’être poli face le comte de Périgord. Elle lui donnait un délai. Le comte Batowski s’évertua à lui vanter non seulement les vertus du jeune homme mais aussi la qualité et l’ancienneté de sa famille. Edmond de Talleyrand se trouvait dans une situation ridicule et il en avait conscience, aussi restait-il muet la plupart du temps. 
Une lettre de l’abbé Piattoli brisa la résistance de la jeune princesse : “Toutes nos espérance sont détruites; j’ai enfin reçu des nouvelles de la Pologne; elles ne sont pas du prince Adam mais d’un ami commun qui m’annonce que le mariage du prince avec Mademoiselle Matuschewitz est arrangé, que tout Varsovie en parle, et que la vieille princesse est enchantée.” (id)
Pour Dorothée, c’était la fin de ses espérances. Le prince Adam Czartoryski ne se maria qu’en 1817 avec une princesse Sapiezanska. Cette nouvelle était fausse. La lettre avait été inspirée à l’abbé Piattoli par la duchesse et le comte Batowski. L’abbé se laissa persuadé que son élève ne pourrait jamais être heureuse dans une famille qui ne voulait pas d’elle. Il mentit pour le bien de Dorothée. Une amie de sa mère, la comtesse Olinska, en rajouta donnant des détails sur le mariage projeté. Dorothée n’eut alors plus d’hésitation. Celui qu’elle aimait l’avait trahi, elle était donc libre d’épouser qui elle voulait et pourquoi pas Edmond de Talleyrand-Périgord dont l’union avec lequel offrait tant d’avantages et satisferait au moins deux personnes, le tsar et sa mère. 
Signature du contrat de mariage
“J’espère, Monsieur, que vous serez heureux dans le mariage que l’on a arrangé pour nous. Mais je dois vous dire, moi-même, ce que vous savez sans doute déjà, c’est que je cède au désir de ma mère, sans répugnance à la vérité, mais avec la plus parfaite indifférence pour vous. Peut-être serai-je heureuse, je veux le croire mais vous trouverez, je pense, mes regrets de quitter ma patrie et mes amis tout simples et ne m’en voudrez pas de la tristesse que vosu pourrez, dans les premiers temps du moins, remarquer en moi. - Mon Dieu, me répondit M.Edmond, cela me paraît tout naturel. D’ailleurs moi aussi, je ne me marie que parce que mon oncle le veut, car à mon âge on aime bien mieux la vie de garçon.” (id)
Il était difficile d’être moins romantique dans ce premier échange entre les futurs époux.
Le mariage de Dorothée eut lieu le 23 avril 1809 à Francfort, sans ses sœurs qui étaient hostiles aux Français et à cette union et sans Talleyrand qui avait initié ce mariage. Francfort avait été choisi car le prince-primat, Charles-Théodore de Dalberg, ami de Talleyrand avait accepté de célébrer l’union d’un catholique et d’une protestante. Etaient présents le père du marié, Archambaud de Talleyrand-Périgord, la mère de la mariée, la duchesse de Courlande qui accompagnait sa fille à Paris. Les témoins étaient M. d’Hédouville, M. de Salignac-Fénelon, M.Rapp, et le comte Léopold de Beust. 
 Général-comte Rapp (1771-1821)
témoin au mariage

Quand le prince de Bénévent vit enfin sa nouvelle nièce, il fut déçu par elle qu’il trouva maigre et chétive mais séduit par la mère  « à la peau d’une blancheur éblouissante, l’ oeil vif et caressant, il trouva charmante cette grande dame rompue aux intrigues amoureuses comme aux intrigues politiques et bientôt une tendre intimité s’établit entre eux, elle se transforma bientôt en une longue liaison, passionnée et jalouse du coté de la duchesse, sensuelle chez Talleyrand »   (F. de Bernardy)

Les dames de Courlande entraient dans la famille de Talleyrand par la grande porte mais surtout par le lit.
La comtesse Edmond de Talleyrand-Périgord à 17 ans

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