03/12/2021

L'impératrice Eugénie et ses dames d'honneur -

 




Ce tableau a été commandé à Winterhalter par l’impératrice Eugénie en 1855 pour l’Exposition Universelle ouvrant en mai 1855. 

L’impératrice paya certainement l’œuvre avec les deniers de sa cassette personnelle car la commande n’émanait ni du Ministère d’Etat; ni du Ministère de la Maison de l’Empereur. Winterhalter parvint à l'achever en quatre mois avec l'aide de son atelier pour être prêt à l'ouverture de l’exposition.

Il occupait la place d’honneur à l’exposition et une médaille de première classe vint récompenser le peintre.

Très représentative de l’art officiel sous le Second Empire, cette œuvre présente un caractère artificiel évident : scène de cour dans un décor forestier, robes de bal portées en plein jour, luxe des toilettes atténué par la simplicité des parures et la rareté des bijoux, omniprésence des fleurs, dans les cheveux, à la main, sur les corsages et dans le décor. 




Esquisse du tableau, collection du prince Fürstenberg


La censure musela la plupart des critiques. Mais la Revue Universelle des Arts le jugea comme “ayant l’éclat des papiers peints, toutes les allures de la gouache et la flaccidité de la décoration théâtrale”. Dans la revue des Deux-Mondes on put lire “Le portrait de l’impératrice et de ses dames d’honneur est tout simplement une parodie de Watteau dont les proportions ne permettent pas l’indulgence.”


Malgré les critiques, il obtint un immense succès populaire. Il y en eut de nombreuses gravures et figura en bonne place sur les calendriers et les boites de confiserie.

Il n’est sans doute pas la meilleure peinture de Winterhalter mais le jugement porté aujourd’hui est plus nuancé qu’à l’époque. Le temps a fait son œuvre et la nostalgie du faste du Second Empire a succédé aux critiques acerbes dont il fut l’objet pendant longtemps. La toile offre aussi un intérêt documentaire : elle donne une image précise de la mode dans les premières années du Second Empire.

Sous le règne de Napoléon III, le tableau était accroché à Fontainebleau. En 1881, il fut restitué à l’impératrice comme bien personnel. Elle le fit accrocher dans le hall d’entrée de sa propriété de Farnboroughill où il resta jusque’à sa mort. Que devait penser la vieille dame qu’était devenue la glorieuse impératrice en l’ayant tous les jours sous les yeux ?

En 1927, il fut vendu chez Christie’s pour la somme de trois mille neuf cent trente sept livres sterling dix schillings (236 000 livres aujourd’hui). Gageons que s’il passait en vente aujourd’hui, ce serait plusieurs millions voire dizaines de millions qu’il faudrait débourser. Il fut acquis par la baronne d'Alexandry d’Orengiani, d’une famille savoyarde qui œuvra pour le rattachement de la Savoie à la France en 1860. L’acquisition put être faite avec l’aide financière du mécène le vicomte de Noailles, du baron de Beauverger et du comte de Cambacérès. Ils en font don au château de La Malmaison, qui en 1952 le mit en dépôt au château de Compiègne, où il est toujours. (Source le catalogue de l’exposition Winterhalter à Paris en 1988). 





Le tableau exposé à Compiègne


Le tableau semble respecter l’ordre protocolaire. L’impératrice est assise la plus haute avec à sa droite la princesse d’Essling, Maîtresse de la garde-robe, à sa gauche, la duchesse de Bassano, Première Dame d’Honneur, et à leurs pieds un demi-cercle de Dames du Palais, avec dans l’ordre la baronne de Pierres, la vicomtesse de Lezay-Marnésia, la comtesse de Montebello, la marquise de Las Marismas, la marquise de La Tour-Maubourg et enfin debout la baronne de Malaret.


Mais qui sont ces belles dames aux atours apprêtés  de façon si “champêtre”?




L’impératrice


María Eugenia Ignacia Agustina de Palafox y Kirkpatrick, 11ème comtesse de Mora avec grandesses d’Espagne de première classe,17ème baronne de Quinto, 18ème marquise de Moya, 19e comtesse de Teba, 16ème marquise d’Ardales, 9ème marquise d’Osera et 9ème comtesse d’Ablitas — dite Eugénie de Montijo, Sa Majesté l’Impératrice des Français. 



La princesse d’Essling


Anne Debelle, Princesse d’Essling (1802-1887) Maîtresse de la Garde-Robe de l’impératrice de 1853 à 1870, fille posthume du général de la Révolution et du Cosulat, Jean-François Joseph Debelle. En 1823, elle épousa François-Victor Masséna, 2ème duc de Rivoli et 3ème prince d’Essling, fils du Maréchal d’Empire Victor Masséna, ornithologue distingué. Ils sont les ancêtres  de l’actuel prince Masséna.





La duchesse de Bassano


Pauline Marie Ghislaine van der Linden d’Hooghvorst ( 1814-1867) duchesse de Bassano, Première Dame d’honneur de l’Impératrice. Fille d’Emmanuel van der Linden d’Hooghvorst, homme politique belge, elle épouse en 1843, Napoléon Maret, 2ème duc de Massano, diplomate et Cgambellan de l’Empereur. Elle avait pour mission d'examiner les candidatures des femmes souhaitant être présentées à la cour, de leur inculquer l’étiquette, et de les présenter, ce qui constituait une part importante du protocole impérial. Elle devait aussi superviser les autres dames de la suite impériale. 

Avec la princesse d'Essling, la duchesse de Bassano était devenue une personnalité connue puisqu'elle avait le devoir d'accompagner l'impératrice aux grands événements publics, elle est donc fréquemment décrite dans les mémoires contemporaines. Pauline de Bassano était décrite comme attirante, stable, impressionnante et quelque peu arrogante.  



La baronne de Pierres et la vicomtesse de Lezay-Marnézia


Jane Thorne (1821-1873), fille d’un officier américain Herman Thorne et Jane Mary Jauncey. Dame du Palais, elle épouse en 1842, Stéphane de Pierres, Premier écuyer de l’impératrice.


Louise Poitelon du Tarde (1826-1891), vicomtesse de Lezay-Marnésia, Dame du Palais .Elle est la fille de Louis-Gabriel Poitelon du Tarde et de Louise-Anne Vétillart du Ribert, elle épouse , en 1845 Joseph-Antoine-Albert de Lezay-Marnésia, Chambellan de l’impératrice. 





La comtesse de Montebello


Adrienne de Villeneuve-Bargemont (1826-1870) comtesse de Montebello. Elle est la fille d’Alban de Villeneuve-Bargemont et d'Emma de Carbonnel de Canisy. Elle épouse en 1846 Gustave Olivier Lannes, fils du Maréchal Lannes, duc de Montebello, à l’époque Commandant de la brigade de cavalerie de la Garde Impériale, puis aide de camp de l’empereur et sénateur de l’Empire. Elle avait la réputation d’être l’une des femmes les plus aimables de la cour. Elle fut une amie de  l’impératrice. 




Les marquises de Las Marismas et de La Tour-Maubourg



Anne-Ève Mortier de Trévise (1829-1900), marquise de Latour-Maubourg, Dame du Palais. Elle est la fille Napoléon Mortier, deuxième duc de Trévise et d'Anne-Marie Lecomte-Stuart. En 1845, elle épouse César de Faÿ, marquis de La Tour-Maubourg, Capitaine des Chasses et Chambellan de l’Empereur. “Elle était grande, de figure agréable, avait beaucoup d’esprit, n’aimait ni le monde ni la toilette et ne se plaisait que dans son intérieur auprès de son mari, le bon César de la Tour Maubourg. Le ménage était des plus unis” ( Conigliano - Le Second Empire, la Maison de l’Empereur)


Claire Emilie MacDonnel (1817-1905), vicomtesse Aguado, marquise de Las Marismas de Guadalquivir, Dame du Palais. Elle est la fille d'Hugh MacDonnel et d'Ida Louise Ulrich, et elle épouse Alexandre Aguado Moreno, marquis de Las Marismas de Guadalquivir (1813-1861), en 1841. Elle appartenait au cercle d'amis proches qui connaissait l'impératrice depuis son enfance en Espagne. C'était une figure de la haute société parisienne, décrite comme une beauté avec un "air toujours adorable" , et surnommée "la femme la plus agréable de Paris" . 





La baronne de Malaret d’Ayguevives


Nathalie de Ségur (1827-1910) baronne de Malaret, Dame du Palais. Elle est la fille d’Eugène de Ségur et de Sophie Rostopchine. Elle épouse le diplomate Joseph Alphonse Paul Martin d'Ayguesvives, baron de Malaret, en 1846. Elle est décrite comme "élégante par ses manières, d'un beau et agréable tempérament et ayant beaucoup d'amis, ce qu'elle méritait amplement." Elle est la mère de Camille et Madeleine de Malaret, “Les Petites Filles Modèles”  - http://blogpatrickgermain.blogspot.com/2016/12/la-vraie-vie-des-petites-filles-modeles.html


Il faut noter qu’après la chute de l’empire, la princesse d’Essling et la marquise de Las Marismas, par fidélité à l’impératrice se retirèrent de la vie publique.  





Le “Dolce Farniente” peint par Winterhalter en 1836 

qui inspira peut-être la composition du tableau impérial