15/04/2016

Archiduchesse Sophie

La princesse Frédérique Sophie Dorothée Wilhelmine de Wittelsbach, née le 27 janvier 1805, à Munich était la fille de Maximilien Ier Joseph roi de Bavière et de Caroline Frédérike Wilhelmine, princesse de Bade. 

L'archiduchesse Sophie en 1836
Lithographie de Josef Kriehuber 
Le roi de Bavière, duc des Deux-Ponts-Birkenfeld, issu d’une branche cadette de la Maison de Bavière, dut sa couronne royale à deux circonstances exceptionnelles, l’absence de descendance mâle directe dans la ligne aînée de l’Electeur et duc de Bavière et l’érection du duché de Bavière en Royaume en 1806, grâce à Napoléon.

Les princesse Ludovica, Marie et Sophie de Bavière
La fratrie de Sophie se composait de Louis (1786-1868), Augusta-Amélie (1788-1851), Caroline-Auguste (1792-1873) Charles-Théodore (1795-1875), comme issus de la première union de son père avec la princesse Wilhelmine de Hesse-Darmstadt (1765-1796) et de Elisabeth (1801-1873), Amélie (1801-1877), Marie (1805-1877), la jumelle de Siphie, et Ludovika (1808-1892), issues comme elle de la seconde union.

Elevée dans une famille francophile et bonapartiste, la princesse Sophie parlait parfaitement le français et admirait Napoléon et les gloires de l’Empire. Sa sœur Augusta avait épousé sur ordre le prince Eugène de Beauharnais, beau-fils de Napoléon, et connaissait avec lui un bonheur partagé. Le couple vécut d’ailleurs à Munich à la chute de l’Empire, le prince étant unanimement aimé et respecté tant par la famille royale que par le peuple.  

Sophie fut une enfant intelligente et espiègle, faisant la joie de toute sa famille.

Comme pour beaucoup de princesses son destin fut scellé par les autres. Le Congrès de Vienne, en 1814, décida qu’elle devait épouser l’Archiduc François-Charles, deuxième fils de l’Empereur François Ier d’Autriche, appelé à monter sur le trône, en raison de la débilité du fils aîné, l’Archiduc Ferdinand.

Archiduc François-Charles
A la vue du portrait de son futur et après l’avoir rencontré Sophie pleura trois jours dans sa chambre. Il était loin de représenter l’idéal pour une jeune fille romantique comme elle. Sa mère lui ayant fait comprendre qu’elle n’avait pas le choix, Sophie décida d’accepter son sort et le mari qu’on lui destinait et “d’être heureuse malgré tout”. Le 4 novembre 1824, elle épousait François-Charles en la Chapelle des Augustins à Vienne.

La famille impériale en 1826 par Leopold Fertbauer

Impératrice Caroline Augusta, empereur François Ier, François duc de Reichstadt, archiduchesse Sophie, Marie-Louise duchesse de Parme, archiduc Ferdinand et archiduc François-Charles
Elle retrouva à la cour sa soeur, Caroline-Augusta, quatrième épouse de l’Empereur François, qui devait ainsi sa belle-mère. Mais les qualités personnelles de Sophie firent d’elle en réalité la première dame de la Cour, position que sa soeur ne lui contesta pas et que ne contesta pas non plus, plus tard, l’épouse de Ferdinand, la princesse puis impératrice, Maria-Anna de Savoie.

Napoléon François Charles Joseph Bonaparte
Roi de Rome, duc de Reichstadt
Portrait par Moritz Daffinger
Elle y rencontra celui que l’on appelait “Le délicieux Reichstadt”, le fils de Napoléon et de Marie-Louise. La position ambigüe à la Cour du jeune duc ne l’empêchait pas de jouir de l’affection de son grand-père l’empereur et de toute sa famille Habsbourg qui chérissait l’enfant au destin malheureux. La romantique Sophie, sans doute émue par la situation du neveu de son mari, peut-être touchée par la beauté du jeune homme, eût avec lui une idylle platonique. La mort du jeune homme le 22 juillet 1832 laissa Sophie, alors enceinte de son deuxième enfant, le futur Maximilien du Mexique, complètement effondrée. Elle l’avait soutenu dans les derniers mois de sa vie et avait communié avec lui lorsqu’il reçut les derniers sacrements. Son chagrin fit dire à certains que l’enfant qu’elle portait était du duc de Reichstadt, hypothèse fantaisiste quand on connait la personnalité de Sophie, trop consciente de sa position et de ses devoirs et la promiscuité dans laquelle vivait la Famille Impériale. Leur relation, au vu et au su de tous, fut d’ailleurs parfaitement admise par le mari de Sophie, François-Charles, et par l’ensemble de la famille.

François Ier,  Empereur d'Autriche et du Saint-Empire
A la mort de l’Empereur François Ier, en 1835, le Chancelier Metternich imposa de ne pas modifier l’ordre successoral, contrairement à la volonté de l’Empereur, et permit l’accession au trône de l’Archiduc Ferdinand (1793-1875), incapable de régner. Le chancelier conservait ainsi la haute main sur la politique de l’Autriche et de l’Europe. 

Ferdinand Ier, empereur d'Autriche
Portrait par Léopold Kupelweiser
L’Archiduchesse Sophie n’approuva pas cette décision qui privait son mari, à peine plus capable que son frère, du trône et ne lui permettait pas à elle de jouer le rôle politique qu’elle envisageait. 

L'archiduchesse Sophie et ses enfants par Peter Fendi
En effet la jeune femme romantique, mère de cinq enfants, François-Joseph né en 1830, Maximilien née en 1832, Charles-Louis en 1833, Marie-Caroline née en 1835 et morte en 1840, et enfin Louis-Victor né en 1842, avait laissé la place à la femme politique. 


L'archiduchesse Sophie et son fils aîné l'archiduc, puis empereur, François-Joseph
Portrait par Josef Karl Stieler
La famille impériale en 1835
A droite, le couple archiducal François-Ferdinand et Sophie.
A gauche le couple impérial Ferdinand et Maria-Anna, et les autres frères de l'empereur.
Considérée, selon les critères de l’époque, comme une très belle femme – son frère le roi Louis Ier de Bavière mit son portrait dans sa Galerie des cent plus belles femmes d’Europe - elle dut se contenter d’être officieusement la première dame de l’Empire, tenant le salon le plus brillant de Vienne, recevant les gloires de l’époque, parmi elles Chopin, Liszt et tant d’autres, admirée de tous. Johann Strauss lui dédia une valse. Vienne et l’Europe se pressaient aux portes de son salon.

Le salon de musique de l'archiduchesse Sophie à Laxenburg

Archiduchesse Sophie
On donna son nom à une salle de Bal la “Sophiensaal” ainsi qu’à un établissement de bains. 

Salle de Bal "Sophie"

Les Bains "Sophie"
Le “Printemps des Peuples” en 1848 emporta ce monde né du Congrès de Vienne et avec lui le Chancelier Metternich. Il risquait aussi d’emporter la monarchie des Habsbourg. 

Bureau de Sophie à Laxenburg
Le meuble lui-même dans le plus pur style Bidermeier
L’Archiduchesse Sophie ne l’entendait pas ainsi. Elle s’était mariée par devoir, il était aussi de son devoir de sauver sa nouvelle famille. Les trois premières dames de l’Empire, l’Impératrice douairière, Caroline-Augusta, sa soeur et belle-mère, l’Impératrice consort, Maria-Anna, sa belle-soeur, et Sophie elle-même décidèrent - ce fut “Le Complot des Dames” -  que l’Empereur Ferdinand devait abdiquer et l’Archiduc François-Charles, à sa suite, renoncer au trône en faveur de son fils François-Joseph, âgé de dix-huit ans. 

L’Archiduchesse Sophie renonçait donc à être impératrice au profit de son fils car elle avait conscience que la monarchie des Habsbourg avait besoin d’un sang jeune. Il n’était bien sûr pas question qu’elle renonçât à jouer un rôle. 
Par son caractère et sa fermeté, et avec l'appui de l’Eglise, elle assit les débuts du règne de son fils aîné sur un régime absolutiste et autoritaire.
Bien que quatre de ses sœurs fussent souveraines, Amélie et Marie toutes deux successivement reines de Saxe et Elisabeth reine de Prusse, Caroline-Augusta impératrice d'Autriche, et que son neveu Maximilien fut roi de Bavière, Sophie était la véritable tête de la Famille. Les Viennois l’appelaient d’ailleurs  avec affection “Unsere Kaiserin”, notre impératrice.

François-Joseph et Elisabeth au moment de leur mariage 
La dynastie à nouveau assise, il convenait à l’empereur de perpétuer la race. Sophie décida donc que François-Joseph devait épouser une princesse non de son choix à lui, amoureux d’une de ses cousines Habsbourg, Elisabeth, de la branche palatine de Hongrie, mais de son choix à elle dans la Maison de Bavière. Et elle choisit sa nièce la belle et sage  Hélène, fille du duc Max en Bavière et de la duchesse Ludovica. Mais François-Joseph tomba éperdument amoureux de l’autre soeur, Elisabeth. Bien que contrariée dans son projet, Sophie n’en accepta pas moins Elisabeth de bon coeur et fut disposée à l’aimer. 

François-Joseph et Elisabeth, quelques années après
L'incompréhension qui se révéla tout de suite entre les deux femmes rendit la vie familiale intenable à François-Joseph obligé de choisir en permanence entre sa mère qu'il admirait, et sa femme qu'il adorait.
L’histoire des rapports entre les deux femmes est bien connue.

L'archiduchesse Sophie en 1856 au plus fort de la crise avec sa belle-fille
Portrait par Franz Schrotzberg
L'archiduchesse Sophie n'était pas la méchante et tyrannique belle-mère présentée parfois ; elle voulait la grandeur de l'Autriche et de sa Maison souveraine. Bien que manquant de tact et de patience envers sa belle-fille qui se montrait fantasque et incapable de remplir correctement les devoirs de sa charge, elle fut une excellente mère pour ses quatre fils et une excellente grand-mère, proche de tous ses petits-enfants. 
Les quatre frères en 1859.
Archiduc Louis-Victor, empereur François-Joseph,
archiduc Charles-Louis
et archiduc Maximilien, futur empereur du Mexique

L’archiduchesse Sophie ne comprenait pas que sa belle-fille préférât sa vie privée à sa vie officielle. Elle ne comprenait pas non plus ses longues absences, dont elle, Sophie, portait une part de responsabilité. Femme du siècle passé, elle ne pouvait comprendre Elisabeth, femme du siècle futur, qui considérait la monarchie comme anachronique mais dont elle vivait fastueusement et avec fort peu de contraintes.

La famille impériale en 1859.
Debout : François-Joseph, Maximilien, Charlotte, Louis-Victor, Charles-Louis
Assis : Elisabeth avec Rodolphe sur ses genoux, Gisèle, Sophie et François-Charles
Sophie conserva son influence politique sur son fils jusqu’à la succession de défaites en Italie, face à la France et au Piémont, avec la bataille de Solférino, puis en Bohême face à la Prusse à Sadowa,  qui impliquaient le retrait de l’Autriche d’Italie et d’Allemagne. Elles lui firent comprendre que son  temps était passé.

François-Charles et Sophie
Deux évènements majeurs atteignirent Sophie au plus profond d’elle-même, en 1867, la signature du Compromis austro-hongrois mettant la Hongrie qu’elle n’aimait pas beaucoup, à parité avec l’Autriche, perçu comme une victoire de l’Impératrice Elisabeth et surtout la mort de l’Empereur Maximilien, son fils préféré, au Mexique. Elle refusa de recevoir l’Empereur Napoléon III et l’Impératrice Eugènie en visite officielle en Autriche à l’été 1867. Elle les jugeait, avec raison, responsables de l’aventure mexicaine.

François-Charles et Sophie
L’Archiduchesse Sophie ne fut dès lors qu’une bonne grand-mère. Parmi ses petits-enfants, Giselle, Marie-Valérie, François-Ferdinand, Otto et Ferdinand, Rodolphe, l’espoir de la dynastie fut son préféré. Rodolphe à Mayerling et François-Ferdinand à Sarajevo moururent tragiquement. Ferdinand, par suite d’un mariage inégal, fut exclu de la famille, Gisèle et Marie-Valérie, mariées l’une en Bavière avec un cousin Wittelsbach et l’autre en Autriche avec un cousin Habsbourg-Toscane, Otto marié avec une princesse de Saxe, eurent une descendance prolifique et dynaste tant en Autriche qu’en Bavière.

Salon de l'archiduchesse Sophie à Schönbrunn
L’Archiduchesse Sophie mourut à Vienne le 28 mai 1872. Sa belle-fille, Elisabeth, l’accompagna dans ses derniers moments. Nul ne sait ce qu’elles se dirent mais Elisabeth en sortit apaisée. Son époux François-Charles mourut en 1878. Ils avaient formé malgré leurs différences de caractère et d’intelligence un bon couple.
En conclusion, il est possible de dire que l’Archiduchesse Sophie fut loin d’être la caricature autoritaire dont on se souvient par films interposés.
Femme de devoir - elle avait accepté son mariage avec résignation, en se promettant d'être heureuse malgré tout - elle avait renoncé au titre impérial pour la sauvegarde de la dynastie de Habsbourg-Lorraine - elle était également une femme politique dont les idées conservatrices, liées à la supranationalité de la Maison d'Autriche, ne convenaient plus en une période où la souveraineté nationale devenait nouvelle source de pouvoir. Sophie ne pouvait pas comprendre - elle dont le mariage avait été arrangé au Congrès de Vienne - que l'Europe de la Sainte-Alliance avait vécu.
Il est intéressant de voir la parenté immédiate de celle qui fut au coeur de ce que que l’on appellerait aujourd’hui un “network royal” .

La famille impériale vers 1830
Fille de roi, elle fut également belle-fille d’empereur - nièce d’une impératrice consort, de deux reines consorts, d’un grand-duc souverain et d’une grande-duchesse souveraine consort - soeur d’un roi, d’une impératrice consort et de trois reines consorts - belle-soeur d’un empereur et d’une impératrice consort - mère de deux empereurs - tante de trois rois, de deux impératrices consorts, d’un roi consort et de deux reines consort, d’une grande duchesse souveraine consort - cousine germaine d’une impératrice  consort, d’un grand-duc souverain, d’une grande-duchesse souveraine consort.

L'archiduchesse Sophie en 1866



25/03/2016

Coronation Chicken




Le 6 février 1952 le Roi George VI s’éteignait et la Princesse Elizabeth devenait Sa Majesté la Reine Elizabeth II du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord etc...

Une fois la période de deuil passée, il fallut songer au couronnement. Et ce n’était pas une mince affaire. 

Il fallait préparer l’Abbaye de Westminster pour recevoir plus de deux mille invités, la Famille Royale au grand complet, les pairs du royaume et leurs épouses, le personnel politique du royaume et des états du Commonwealth, les ambassadeurs...bref il fallut construire deux étages de tribunes. 

Il fallut songer à la robe de Sa Majesté et là non plus ce ne fut pas une mince affaire. Mais on y arriva grâce au talent de Norman Hartnell qui sut combiner la rose d’Angleterre, le chardon d’Ecosse, le poireau du Pays de Galles, le trèfle d’Irlande, la feuille d’érable du Canada, le mimosa d’Australie...

La reine Elizabeth et le prince Philip
Il fallut régler le délicat problème des amours de la Princesse Margaret et du Group Captain  Peter Townsend. Et ce fut fait aux dépens de deux coeurs brisés mais dans le respect de la tradition royale.

Et enfin il fallut songer au déjeuner qui devait suivre la cérémonie. Et là  non plus ce ne fut pas simple.

Les temps étaient difficiles pour le Royaume-Uni, l’Inde, perle de la Couronne britannique était désormais indépendante, l’effort de guerre avait ruiné l’économie du pays et les tickets de rationnement avaient encore cours.

Il n’était donc pas question de se lancer dans un festin à la Lucullus. Il fallait rester sobre mais impérial.

Constance Spry, une fleuriste and Rosemary Hume, un chef,  proposèrent un plat de leur invention à base de poulet froid et de sauce au curry qui respectait les deux impératifs, quoi de plus sobre un poulet et quoi de plus impérial que du curry.

L’idée fut adoptée par le Palais et on servit aux invités de Sa Majesté ce qu’il est convenu d’appeler désormais “The Coronation Chicken”.

Table de gala à Buckingham Palace
RECETTE DU POULET DU COURONNEMENT
CORONATION CHICKEN 

La fameuse recette créée pour le déjeuner du Couronnement de la Reine Elizabeth le 2 Juin 1953

INGREDIENTS pour 8 personnes

1 gros poulet de plus de 2 kilos à pocher, 
1 cuiller à soupe d’huile végétale 
1 petit oignon
, 1 cuillère à soupe de curry en pâte, 
1 cuillère à soupe de concentré de tomate, 
100 ml de vin rouge, 
1 feuille de laurier, 
le jus d’un demi-citron
, demi abricots en boite
, 300 ml de mayonnaise faite maison
, 100 ml de crème fouettée. 
Sel, cube Maggi volaille et poivre. Cresson et Radis

PREPARATION

Pocher le poulet dans de l’eau bouillante  à laquelle on a ajouté un cube Maggi de volailles, pendant une bonne heure.

Sortir le poulet, retirer la peau et le découper en morceaux

Dans un plat à four mettre les morceaux sous le grill jusqu’à ce qu’ils soient dorés.
Laisser refroidir

Hacher les oignons très fins et les mettre à blondir dans une poêle à chaleur moyenne pendant trois minutes environs. Ils doivent être tendres et translucides.

 Ajouter le curry, le concentré de tomates, le vin rouge, la feuille de laurier et le jus de citron.

Laisser mijoter à feu doux et réduire pendant 10 minutes. Passer le tout et laisser refroidir.
 
Hacher finement  les abricots et réduisez les en purée en les passant au mixer. 

Mettre cette purée dans un bol et le mélanger à la mayonnaise. 

Ajouter la sauce réduite et bien mélanger. 

Ajouter la crème bien fouettée.

Assaisonner avec le sel et le poivre. Eventuellement ajouter un peu de jus de citron.

Enfin bien mélanger avec les morceaux de poulet.

Ajouter (mais ce n’est pas dans la recette originale) des radis en fines rondelles. Cela donnera de la couleur en plus.


A servir froid (un petit séjour au réfrigérateur ne nuit pas) avec une salade de cresson frais et du riz chaud.


A déguster royalement sans se priver.


23/03/2016

Saint Michael's Mount - Cornouailles


St Michael's Mount
Saint Michael’s Mount, l’homologue anglais du Mont Saint Michel, est situé à l’extrême pointe de la Cornouailles, sur la commune de Marazion. Contrairement au Mont Saint Michel, longtemps abbaye, puis prison et de nouveau abbaye, St Michael’s Mount est encore aujourd’hui la résidence d’une vieille famille anglo-normande, les St Aubyn.

Une île à proximité de la côte
La première construction, abbaye à l’origine, semble dater du VIIe siècle. Au XIe siècle, le roi Edouard le Confesseur en fit don à l’abbaye du Mont Saint Michel. La base des bâtiments que nous voyons actuellement fut édifiée au XIIe siècle. Puis St Michael’s Mount redevint indépendant sous le règne du roi Henri V, toute subordination d’un monastère anglais à un monastère étranger devant illégale.

Une architecture gothique revisitée
Objet de convoitises de la part de Jean Sans Terre qui le fit occuper en son nom, puis de la part de John de Vere, 13ème comte d’Oxford qui y tint un siège de 23 semaines contre les troupes du roi Edouard IV, durant la Guerre des Deux Roses en 1473. Il fut ensuite occupé par Perkin Warbeck, prétendant au trône d’Angleterre en 1497. Il vit aussi arriver l’Invincible Armada.

La reine Elizabeth Ier en fit don à son conseiller Robert Cecil, 1er comte de Salisbury. Son fils le vendit à Sir Francis Basset dont le frère Arthur, ardent royaliste y tint tête contre le Parlement et les troupes de Cromwell jusqu’en 1646.

La vie religieuse n’y étant plus qu’un souvenir depuis longtemps, en 1659 St Michael’s Mount fut vendu au Colonel John St Aubyn. Ses descendants y vivent toujours. Les St Aubyn, d’origine normande, arrivèrent en Angleterre avec Guillaume le Conquérant.

John St Aubyn, nouveau propriétaire du Mount, fut créé baronet le 11 décembre 1671 par le roi Charles II. Successivement cinq de ses descendants portèrent le titre et habitèrent le Mount, représentant diverses circonscriptions de Cornouailles à la Chambre des Communes. Le titre s’éteignit dans la première ligne à la mort du 5ème baronet, Sir John St Aubyn en 1839.
Sir John St Aubyn, Brt (1758-1839)
peint par Joshua Reynolds
Le 31 juillet 1866, le titre fut créé à nouveau pour Edward St Aubyn, fils naturel du cinquième baronet. Son fils, John St Aubyn, 2ème baronet de la nouvelle création fut élevé à la pairie avec le titre de Lord St Levan of St Michael Mount en 1887. Il avait jusque là siégé à la Chambre des Communes sous l’étiquette libérale.

Son petit-fils Francis, 3ème lord St Levan épousa The Hon. Gwendolen Nicolson, fille de Lord Carnock qui fut ambassadeur du Royaume-Uni à Istanbul, Saint Petersbourg et Madrid. Le second fils de Lord Carnock, Harold Nicolson, fut aussi un brillant diplomate mais il est beaucoup plus connu aujourd’hui pour avoir été le mari de Vita Sackville-West. Les très sérieuses familles St Aubyn et Sackville-West furent alors dans les cercles mondains de l’entre deux-guerres, Harold et Vita ayant défrayé la chronique de l’époque par leurs amours bisexuelles. Vita eut de nombreuses aventures et parmi ses conquêtes célèbres il y eut Virigina Woolf et Violet Trefusis. Harold eut aussi de nombreux amants parmi lesquels le journaliste Raymond Mortimer. Le couple eut deux garçons, Benedict et Nigel. 

Sir Harold Nicolson (1886-1968)
Portrait par David Rolt
The Hon.Vita Sackville-West, lady Nicolson (1892-1962)
Portrait par László
L’attachement au Mount fut cependant plus fort que l’attraction londonienne. Le 4ème baron John Lord St Levan y maintint la tradition de sa famille. N’ayant pas d’enfant, il passa la main en 2003 à son neveu, James St Aubyn, qui, avec son épouse Mary, née Bennett, habite la demeure ancestrale.

Lord et Lady St Levan
Au cours des siècles d’importantes modifications architecturales ou de décoration intérieure furent apportées ainsi qu’au XXème siècle des innovations comme l’installation du chauffage central ou d’un monte-charge pour les bagages sans lui faire perdre son charme pour autant.

Le Grand Hall
James et Mary St Aubin, lord et lady St Levan depuis 2013, habitent le Mount en permanence, ayant renoncé à la facilité de la vie citadine. Leur existence est rythmée par les marées. Ils accueillent famille et amis plus souvent qu’ils ne vont en visite tant la vie y est prenante.

Un petit salon
En 1954, le 3ème baron St Levan donna le Mount au National Trust, tout en signant un bail de 999 ans permettant à la famille St Aubyn de continuer à y habiter.

La bibliothèque
Bien sûr, le Mount est ouvert au public et c’est avec plaisir que James et Mary vous font visiter l’intérieur ou les magnifiques jardins. Des visiteurs célèbres furent la reine Victoria, le roi Edouard VII ou la reine Elizabeth, la reine mère et plus récemment le prince de Galles et la duchesse de Cornouailles. Chaque année le Mount attire plus de 250 000 visiteurs.

Le prince de Galles et la duchesse de Cornouailles en visite au Mount
The Hon. Mrs Robert Boyle, née Fiona St Aubyn, soeur de James, a écrit un livre délicieux en collaboration avec Stanley Ager, le butler de sa grand-mère Gwendolen Lady St Levan, dans lequel elle évoque outre les grandes manières anglaises, les affres d’une visite royale. Pas si simple d’avoir un membre de la famille royale à la maison même si l’on est habitué à son cercle ! Le livre qui vient d'être réédité connait un grand succès aux Etats-Unis, à l'instar de Downton Abbey

Dernière édition du Butler's Guide
Le St Aubyn Estate comprend aujourd’hui le Mount et toutes les constructions qui y sont bâties où vit le personnel nécessaire à l’entretien d’un tel domaine, un ensemble de cottages, fermes et bâtiments commerciaux sur les 2500 hectares de la propriété en dehors de l’île.


Un lieu idéal de vacances en Cornouailles pour les amoureux de beaux bâtiments, de la mer et d’histoires de pirates. 

Pour plus d’informations touristiques sur le Mount cliquez ICI 





17/03/2016

Karen Blixen, l’autre reine du Danemark





La baronne Blixen est née Karen Christentze Dinesen le 17 avril 1886 à Rungstedlund à 20 kilomètres au nord de Copenhague dans une famille de la riche bourgeoisie terrienne. Son père Adolph Wilhelm Dinesen était officier de l’armée danoise mais également un écrivain reconnu. 

Adolphe Denisen
Sa mère Ingeborg Westenholz était issue d’un milieu de négociants extrêmement fortunés et cultivés.


Ingeborg Westenholz
Son père fût élevé au château de  Katholm, une propriété de près de 1200 hectares et sa mère au Manoir de Mattrup une propriété de près de 2 000ha, toutes les deux dans le Jutland. 

Château de Katholm


Manoir de Mattrup
Le capitaine Dinesen était un être complexe. Libéral dans un milieu très conservateur – il fut élu sous cette étiquette au Parlement danois en 1892 -  officier danois suite à l’affaire des duchés en 1864 où dans la guerre que lui fit intentionnellement la Prusse, le Danemark perdit les duchés du Holstein et de Schleswig,  il s’engagea dans l’armée française en 1870 pour combattre les Prussiens. Puis il voyage au Canada et aux Etats-Unis au cours de l’année 1871. Il y vécut même en trappeur pendant six mois. 

Cabane d'Adolph Denisen dans le Wisconsin
Après un voyage dans la région de Constantinople, il acheta en 1879, grâce à son héritage, prélude à son mariage, la propriété agricole de Rungstedlund où naquit Karen.

Domaine de Rungstedlund
Le mariage des parents de Karen, célébré en 1881, ne fut pas du goût de Madame Westenholz, belle-mère qui trouvait Adolph Wilhelm Dinesen trop fantasque à son goût. Cinq enfants naquirent Inger (dite Ea en 1883), Karen (en 1885, dite Tanne), Ellen (en 1886, dite Ella), Thomas (en 1892) et Anders (en 1894).

Ingeborg Denisen avec ses trois filles
Karen, alors que sa mère se consacrait à son aînée Inger, fut  le compagnon de promenade de son père dans la campagne environnant le domaine. Il lui transmit son amour de la nature et de la chasse et en fit la confidente enfantine de son âme tourmentée.

Ecrivain, sous le nom de plume de Boganis, Dinesen connut le succès et il est aujourd’hui avec son ouvrage “ Lettres de Chasse ” un classique de la littérature danoise. 



Le 28 mars 1895, il se suicida sans aucune raison apparente, son fils Thomas soupçonna qu’atteint de syphilis, il ne voulut pas connaître la degradation physique et mentale liée à cette maladie, incurable à l’époque. La famille sembla avoir vécu plus tard dans la culpabilité de ce geste.

Karen avait neuf ans et la famille retourna vivre au Manoir de Mattrup, domaine des Westenholz. 

Après une scolarité à la maison, selon le cursus d’une jeune fille de la bourgeoisie cultivée elle étudia l’histoire de l’art à Copenhague, Paris et Rome.

Riche, elle pouvait vivre à sa guise, indépendante des codes de la bonne société, ce qui ne la conduisit toutefois qu’à écrire et publier – une emancipation quasi sacrilège pour l’époque -  dans des revues périodiques danoise en 1905, sous le pseudonyme de Osceola, le nom d’un leader de la tribu des Seminole, sans doute inspiré par les voyages de son père en Amérique du Nord.

Elle s’adonna également à la peinture.

Elle publia son premier ouvrage en 1907, un conte “ Les Reclus ”, puis d’autres jusqu’en 1909. Devant leur peu de succès, elle cessa d’écrire.

Ce fut aussi le temps des amours. A défaut d’être aimée de son cousin, Hans von Blixen-Finecke, pour lequel elle éprouvait une passion, et après une période de désespoir devant l’indifférence du jeune homme, elle épousa le jumeau de celui-ci le baron Bror von Blixen-Finecke, un aristocrate suédois. Ils se marièrent à Mombasa au Kénya le 14 janvier 1914.

Baron Bror von Blixen-Finecke
Le couple, avec de l’argent de la famille de Karen, acheta une plantation de café “ M'Bagathi ” au Kénya d’une superficie d’environ 3000 ha et employa des ouvriers africains de la tribu des Kikuyu. 
Karen avec plateaux en argent, verres en cristal, porcelaines précieuses, meubles, linge, portraits de famille, bijoux et livres rares entendait de faire de sa ferme un lieu de civilisation. 


La maison sur la plantation de café, la "Ferme africaine"
Malgré leurs différences il y eut entre elle et Bror une affection mutuelle. Longtemps après l'échec de ce mariage, elle continua de parler de ces premiers temps de vie commune comme de l'une des périodes les plus heureuses de sa vie. 


Karen Blixen en Afrique, sur sa ferme
Karen aima de suite l’Afrique et les Africains de manière sensuelle – mais non sexuelle car on ne lui connait aucun amant africain -  " Ils entrèrent dans mon existence, écrivait-elle à la fin de sa vie, comme une sorte de réponse à quelque appel de ma nature profonde, peut-être à mes rêves d'enfance, où à la poésie que j'avais lue et adorée longtemps auparavant, ou aux émotions et aux instincts qui gisaient au plus profond de moi ”.



Karen Blixen avait toutefois une grande conscience de son rang et gardait ses distances vis-à-vis des colons qui lui étaient socialement inférieurs. Ses lettres marquent bien le mépris pour la banalité des colons blancs et des Anglais en particulier dont les préjugés raciaux la choquaient. Karen était loin d’être convaincue de la supériorité de la race blanche.

L’affaire dénommée “ Karen Coffee Co. ”, confiée à la gestion du Baron Blixen connut rapidement des déboires financiers en raison de son incompetence en matières financière et agricole. Mais la pire pour Karen restait à venir. Après un an de mariage, elle découvrit que son mari lui avait transmis la syphilis et qu’il la trompait sans honte. 

Le couple s’éloigna et divorça en 1925. Et après s’être soignée avec succès au Danemark en 1915, Karen reprend seule la gestion de l’affaire, condition imposée par sa famille. Son frère, Thomas, vint l’aider de 1918 à 1923. Il fut convaincu que la ferme n'est pas économiquement viable.
Au cours des années suivantes, la situation empirant, Karen ne cessa de demander de l'argent à sa famille pour faire survivre la ferme.  


Karen devant un des bâtiments de la ferme
En 1918, elle avait rencontré Denys Finch Hatton, chasseur de grand fauves et pilote, son grand amour africain. Il était le second fils du comte de Winchelsea. Il s’installa à la ferme après le divorce de Karen. Il organisait des safaris pour de riches clients, dont le Prince de Galles en 1928. 

La chambre de Denys dans la ferme
La relation de Karen et Denys, bien que non sans nuages, fut profonde et leur amour mutuellement partagé. Il mourut dans un accident d'avion le 14 mai 1931, à l'âge de 44 ans.

Denys Finch Hatton
La même année la ferme fut vendue car la situation financière de l’exploitation ne permettait plus de continuer et l’entreprise liquidée. Karen Blixen passa les derniers mois à vendre la dernière récolte et tenter d'assurer la situation de ses employés.

Keren Blixen écrivit à propos de l’Afrique: " Je me rends compte combien j'ai été favorisée d'avoir pu mener une vie libre et humaine sur une terre paisible, après avoir connu le bruit et l'inquiétude du monde "

Elle rejoignit Rungstedlund le 31 août 1931, ruinée et désespérée. 

Salon à Rungstedlund
Sa vie, quitter la ferme et l’Afrique, lui semblaient alors un échec total. Elle passerait le reste de sa vie dans la propriété familiale.

Karen Blixen et sa mère en 1936
C’est alors que naquit l’écrivain désormais mondialement connue. 

" Personne n'a payé plus cher son entrée en littérature " , a-t-elle écrit d’elle-même.

Après plusieurs refus, en 1934 est enfin publié sous le pseudonyme de Isak Dinesen “ Sept contes gothiques ” par  un éditeur américain, Robert Haas. Le succès est immédiat.

En 1937, elle publie “ La Ferme Africaine ”, " Den afrikanske Farm ", en danois, " Out of Africa " en anglais.

Couverture d'une des premières éditions
En 1942, elle publie les “ Les Contes d’Hiver ” puis en 1957 “ Les Derniers Contes ”, et en 1958 “ Anecdotes du Destin ” qui comprend “ Le dîner de Babette ”. Il y eût bien sûr beaucoup d’autres publications, même posthumes.


Affiche du film dans sa version française
Elle devint dans les dernières années de sa vie l’un des personages principaux de la littérature et un auteur mondialement reconnu.

L’ensemble de l’oeuvre de Karen Blixen s’apparente beaucoup plus au conte fantastique qu’au roman d’amour tel qu’écrit dans “ La Ferme Africaine ”. Le merveilleux nordique s’illustre dans des histoires mi réalités mi rêves. D’un style classique, inspiré du XIXème siècle, il est à noter que ces livres furent écrits en anglais avant d’être traduits en Danois.

Karen Blixen
Si “ La Ferme Africaine ” fut l’histoire d’amour d’une femme avec un homme et l’Afrique, “ Le dîner de Babette ” fut l’histoire de la générosité, de la gratuité et du don de soi, dans un petit village du Jutland. Les deux firent l’objet de films aujourd’hui cultes. Meryl Streep en Karen Blixen elle-même dans le premier et Stéphane Audran en Babette dans le second.

En 1959, Karen fit un voyage triomphal aux Etats-Unis. Reçue par toutes les meilleures hôtesses de la société américaine, elle eût même le plaisir de dîner en compagnie de Marylin Monroe et de son mari Arthur Miller, comme elle en avait exprimé le souhait.


Avec Marylin Monroe
Elle mourut dans sa maison de Rungstedlund, le 7 septembre 1962. Elle fut enterrée dans le parc de sa demeure. Toute sa vie celle que nous connaissons sous le prénom de Karen fut appelée Tania ou Tanne par ses intimes.

Karen Blixen à la fin de sa vie
Ecrivain mondial, elle ne reçut toutefois pas le Prix Nobel de Littérature mille fois mérité.

Le domaine où elle naquit, vécut une grande partie de sa vie et où elle mourut est aujourd’hui administrée par une fondation “ The Rungstedlund Foundation ”, créée par Karen Blixen et ses frères et soeurs. Il fut ouvert au public en 1991  à la suite de son inauguration par SM la reine de Danemark.

Tombe de Karen Blixen




Extrait de film : Out of Africa 



Extrait de film : Le Festin de Babette