23/05/2013

La Sainte Couronne de Hongrie


Les regalia parmi lesquels la Sainte Couronne 



























La Sainte Couronne de Hongrie est un des regalia les plus porteurs de symbole en Europe et un des plus
anciens qui ait été transmis à ce jour, en Europe.
Appelée également la “Couronne de Saint Etienne”, elle a une origine qui reste inconnue.
Deux traditions s’affrontent.
Selon l’une, dite “la Légende de Hartvik”, nom d’un évêque du XIème siècle, elle aurait été envoyé par
le pape à Etienne Arpad, fondateur du Royaume de Hongrie, “Saint Etienne” (967-1038)
pour son couronnement, soit Noël 1000 soit le 1er janvier 1001.
Le pape aurait été Sylvestre II (946-1003) et la couronne aurait en fait été préparée pour Miesko Ier
(925-992) roi de Pologne de la dynastie des Piast. Dans un songe, des anges apparus au Saint-Père lui
auraient révélé qu’un autre roi avait envoyé un messager et c’est à lui que le couronne devait être remise.
Outre le fait que Miesko était mort avant le couronnement de Saint Etienne, il n’existe au Vatican
aucune trace du fait. Il est probable que le pape a envoyé une lettre de bénédiction pour le nouveau
souverain mais pas de couronne.
Selon l’autre légende, Otto III, Empereur Romain Germanique du 21 mai 996 au 23 janvier 1002, aurait
offert cette couronne à Etienne Arpad avec son consentement doublant la bénédiction pontificale.
La réalité est que l’on ignore quand la couronne apparut et qui fut le premier roi couronné avec.
Les deux légendes servant à illustrer deux visions du royaume de Hongrie, la première un royaume
indépendant et catholique créé avec la seule bénédiction pontificale, la deuxième un royaume
indépendant certes mais avec l’assentiment de l’Empereur Romain Germanique.

L'empereur François Joseph
Une chose est certaine, la Hongrie, dite “ des Terres de Saint-Etienne”, dont le territoire couvrait
la Hongrie actuelle, augmentée de la Transylvanie et de la Slovaquie, la Croatie en faisant partie mais
comme royaume séparé, n’a jamais été terre d’Empire. Son souverain n’a jamais été électeur ni
vassal de l’Empereur.
L’objet lui-même, au-delà de sa signification symbolique, présente la caractéristique d’être une couronne
latine – le diadème – surmontée d’une couronne grecque. Le tout est dominé par une croix penchée.
Elle forme une ellipse de 20,39 cm par 21,59 cm. En or, elle pèse 2056g et est décorée de dix-neuf
panneaux d’email, de pierres semi-précieuses et de perles.



La Sainte Couronne (vue de face)
La Sainte Couronne (vue de l'arrière)

Le panneau frontal de la couronne grecque représente un Christ Pancreator, d’inspiration byzantine.
Il est entouré en dessous, dans la couronne latine, à gauche d’un panneau représentant Saint-Michel,
à droite, Saint Gabriel.
Le panneau arrière représente l’Empereur Byzantin Michel VI Dukas (1050-1078), toujours dans la
couronne grecque, entouré du roi de Hongrie Geza Ier (1074-1077) et de l’Empereur Constantin
dans la couronne latine. Les autres panneaux de la couronne latine représentent Saint Georges,
Saint Côme, Saint Damien et Saint Demetrius. Sur la couronne grecque nous trouvons également
à nouveau un Christ Pancreator et les Saints Barthélémy, Jean, André, Pierre,Thomas, Jacques,
Philippe et Paul.
Rarement couronne fit de telles références à la religion chrétienne en portant les symboles des
Evangiles mais aussi du pouvoir impérial symbolisant depuis Constantin l’union du spirituel et
du temporel.
A ces seuls symboles, la couronne de Saint-Etienne justifie son nom de Sainte à défaut d’avoir été
vraiment portée par le premier roi et saint de Hongrie.
La croix qui la surmonte est penchée. Pourquoi ? On l’ignore. Il y a bien sûr des interpretations qui
relèvent de la symbolique, d’autres du simple accident, tombée à terre, enfermée dans un coffre trop petit.
Ce qui rend cette couronne encore plus caractéristique nous reste donc inconnu.
Couronne à l’origine mystérieuse, à la symbolique religieuse forte, elle est surtout et avant tout le
symbole le plus sacré et le plus absolu de la nation hongroise.

Le couronnement de François Joseph à Budapest

Aucun roi de Hongrie ne pouvait être considéré comme vraiment roi s’il n’avait pas été couronné avec
elle. Ce n’était pas la naissance qui donnait la légitimité au roi mais son couronnement. Aucune loi ne
pouvait être proclamée en Hongrie par le souverain tant qu’il n’avait pas été couronné.
C’est ainsi qu’au cours de son histoire, la Hongrie connut une succession de dynasties toutes aussi
légitimes les unes que les autres, tout autant que le titulaire du royaume avait été couronné avec elle.
La ville du couronnement était Poszony ( aujourd’hui Bratislava ) capitale de la Hongrie historique.
Les deux derniers couronnements eurent lieu toutefois à Budapest, devenue capitale de la Hongrie au
XIXème siècle.
La couronne ne servait d’ailleurs qu’une seule fois, le jour du couronnement.

Charles IV

Les dynasties successives furent, après les Arpad, les Anjou, dans la descendance d’un frère de
Saint-Louis, puis les Luxembourg, par Sigismond,  mari de la dernière des Anjou, Marie Ière, puis
les Jagellon, les Hunyadi ( Mattias Corvin, seul roi hongrois depuis les Arpad) les Habsbourg et
les Habsbourg-Lorraine.

L'empereur Matthias II de Habsbourg avec la Sainte Couronne,
la croix étant encore verticale au XVI ème siècle 

Ce fut le double mariage de Marie de Habsbourg avec Louis II Jagellon, d’une part et Ferdinand de
Habsbourg avec Anne Jagellon, soeur de Louis II, qui permit aux Habsbourg de devenir de façon
légitime les souverains de la Hongrie et ce jusqu’en 1918. Une des plus glorieuses illustration de
“ Tu Felix Austria Nubes ” (Toi, Heureuse Autriche, tu te maries).
Trois femmes durant cette période furent couronnées avec la Sainte Couronne, Marie-Thérèse de
Habsbourg, qui fut “roi de Hongrie”, couronnée en 1741, Elisabeth de Wittelsbach, qui fut couronnée
avec son mari François-Joseph Ier, en 1867, et Zita de Bourbon-Parme, qui fut couronnée avec
son mari Charles IV en 1916. Si Elisabeth et Zita étaient impératrices consorts en Autriche, elles
étaient reine de droit en Hongrie. La couronne n’était pas posée sur leur tête à la différence de leur
mari, mais sur leur épaule droite.

L'impératrice Elisabeth d'Autriche en tenue de couronnement

Symbole de la Nation Hongroise, la Sainte Couronne avait deux gardiens, l’un de confession
catholique, l’autre de confession protestante, choisis dans les familles de la plus haute aristocratie
hongroise. Seuls les deux gardiens, le Palatin et le Primat de Hongrie avaient le droit de la toucher.

Charles, Zita et Otto
le jour du couronnement à Budapest
En 1783, la couronne jusque là gardée à Poszony (Bratislava ou Presbourg) fut transférée à Vienne,
sur la décision de Joseph II, au déplaisir des Hongrois qui se voyaient ainsi dépouillés du symbole
de leur indépendance au profit d’une monarchie allemande unitaire, ou du moins voulant l’être.
Elle fut toutefois rendue au Hongrois lors des couronnements de Léopold II et François Ier.
En 1848,après avoir proclamé la déchéance des Habsbourg, et une fois battu, Kossuth s’en saisit et
la cachaafin de ne pas permettre aux Habsbourg-Lorraine de la posséder. Mais en 1853, elle retrouva le
chemin du Palais Royal de Buda. En 1945, le baron Perenyi, gardien catholique de la Couronne, prit la
décision de lui faire quitter le pays, devant l’avancée des troupes soviétiques. Grâce à lui, elle put
partir aux Etats-Unis dans les fourgons de l’armée américaine, symbole d’une Hongrie en exil qui
n’acceptait pas l’occupation communiste. En 1978, le Président Jimmy Carter prit la décision de la
renvoyer en Hongrie, à la fureur des Hongrois qui ne voulaient pas que les communistes se
saisissent de ce symbole de leur nation.
La Reine Zita et le Prince Royal Otto

En 2000, la Couronne de Saint-Etienne quitta le Palais Royal de Buda pour être déposée au Parlement,
 situé à Pest. Elle quitta le palais, dans le carrosse du couronnement, entourée d’un régiment de
Hussards, recevant ainsi les honneurs dus à un Chef d’Etat et saluée tout au long du parcours par le
peuple qui avait enfin retrouvé la liberté.

Le parlement de Hongrie à Budapest

Elle a été déposée sous la grande coupole du Parlement de Budapest avec les autres regalia que sont
le sceptre, l’orbe et l’épée et le manteau  du couronnement, où il est possible de les admirer.
Elle continue d’être considéré comme le symbole de la liberté et de la souveraineté du peuple hongrois.
Aucun chef d’état en visite à Budapest ne manque d’aller la saluer, rendant ainsi hommage à toute
une nation.

La Sainte Couronne exposée au parlement de Hongrie



01/09/2011

La Punta, château en Corse, au terrible destin



Château de La Punta près d'Ajaccio, aujourd'hui
Le château de la Punta, ancienne propriété des ducs Pozzo di Borgo, près d’Ajaccio en Corse eut un drôle de destin.

Il naquit dans une vie antérieure, au XVIe siècle, en 1570, aux bords de la Seine pour abriter une des reines de France les plus contestées, Catherine de Médicis veuve du roi Henri II,  sous la forme  du Palais des Tuileries. des oeuvres de Philibert Delorme (vers 1510-1570), architecte principal du palais et de l’architecte Jean Bullant (vers 1515-1578) qui reprit son travail. 


Les façades du palais des Tuileries avec ses deux pavillons aux extrémités, Flore et Marsan

La reine Catherine n’y séjourna toutefois jamais, ses fils non plus. Il fallut attendre Henri IV pour que le souverain s’intéressât à nouveau au palais puis son petit-fils Louis XIV pour que le Palais connût enfin sa belle symétrie. Le déplacement de la Cour à Versailles le fit à nouveau tomber dans l’oubli ou du moins dans un usage fort peu royal servant à ceux à qui le roi voulait accorder la faveur d’un logement.


Le Palais des Tuileries sous le Second Empire

Le 6 octobre 1789 le roi Louis XVI, la reine Marie-Antoinette et leurs enfants s’y installèrent et y affrontèrent leur destin terrible.

Ce ne fût qu’en 1806 qu’il fut rendu à l’usage du souverain. L’empereur Napoléon Ier s’y installa et après lui les rois Louis XVIII, Charles X, Louis-Philippe et l’empereur Napoléon III.

Une vie de cour fastueuse y fut alors tenu jusqu’à la fin du Second Empire. L’Empire disparu en 1870, le destin du palais fut terrible. Le 23 mai 1871, les communards décidèrent de brûler ce joyau architectural symbole de la monarchie française. Ses murs furent aspergés de pétrole, il fut bourré de fûts pleins de goudron, de térébenthine et autres produits inflammables et on y mit le feu. Il mit trois jours à brûler, emportant dans l’incendie les trésors que tant de monarques y avaient accumulés. 


Après l'incendie en 1871

En 1883, les murs calcinés furent démolis.  Ne restèrent que les  deux pavillons, Flore et Marsan.

Le duc Pozzo di Borgo et son fils, Charles, rachetèrent alors ce qu’ils purent des pierres sculptées par Philibert Delorme et décidèrent de les faire transporter en Corse afin d’y construire un château, inspiré dans sa forme du pavillon créé par Bullant.


Un pavillon reconstitué à La Punta

Ironie du sort, celui qui redonnait vie à ces pierres qui virent entre autres souverains, les deux Napoléon, était le petit neveu de l’un des ennemis les plus acharnés du premier empereur. En effet le comte Charles-André Pozzo di Borgo, à la suite d’une vieille querelle de voisinage et sans doute pour d’autres raisons plus nobles, choisit  les Alliés contre l’Empire. Comble du destin, à la chute de Napoléon, il fut nommé ambassadeur de Russie auprès de Louis XVIII.


Blason des duc Pozzo di Borgo

Rachetées à un certain Achille Picard, qui avait lui-même acheté les ruines du palais pour 33 000 francs (environs 120 000€), les pierres furent numérotées et photographiées, puis expédiées en 185 caisses de Paris à Marseille, en train, puis de Marseille à Ajaccio sur plusieurs bateaux.  





Photomontage - à gauche La Punta devant Les Tuileries

Elles furent entreposées pendant trois ans, le temps de permettre l’ouverture de la route conduisant d’Ajaccio à Alata, village d’où est originaire la famille Pozzo di Borgo,  à 700 mètres d’altitude où le château fut réalisé suivant les plans de l’architecte Albert-Franklin Vincent, par maçons ajacciens et charpentiers, couvreurs , menuisiers et sculpteurs venus du continent et de Paris.



Le château en construction

En 1891, le château était achevé et une petite partie du Palais des Tuileries sauvée.


Le grand salon de La Punta

On peut encore lire sur la façade ces mots graves à la demande des propriétaires

« Jérôme Pozzo di Borgo et son fils Charles ont fait construire cet édifice avec des pierres provenant du palais des Tuileries incendié à Paris en 1871, pour conserver à la patrie corse un précieux souvenir de la patrie française : l’an de grâce 1891 ».


Détail de boiserie du petit salon


Il devint alors la résidence d’été des ducs Pozzo di Borgo successifs et connut une vie mondaine intense.


La lanterne du grand escalier

Hélas le destin le rattrapa à nouveau en 1978. Le château de la Punta brûla. Le désastre ne fût pas total car seule la toiture disparut entièrement mais les dégâts étaient considérables, planchers, plâtres, boiseries abimés. Les murs tenaient debout mais avec des faiblesses de structure faisant craindre le pire.


Après l'incendie de 1978

Le château fut vendu par les Pozzo di Borgo au département de la Corse du Sud, avec les 40 hectares du domaine, pour la somme de dix millions de francs en 1996 (1 540 000€ ). La toiture put alors être reconstituée grâce à un financement conjoint de l’Etat et de la Collectivité territoriale de Corse. 


Restes de rideaux dans le petit salon 
Un couloir au premier étage






















Les murs étaient momentanément sauvés et avec eux leurs prestigieux éléments architecturaux, oeuvres de Philibert Delorme et de Jean Bullant, qui firent pendant plus de trois siècles l’admiration des parisiens.

Le château qui demande maintenant à être restauré et meublé à nouveau ne se visite pas, en dehors de circonstances exceptionnelles, en raison de l’état de délabrement des aménagements intérieurs et de la fragilité des façades. 



Le château dans son environnement dans les années 50


Pour en savoir plus:
Site de l’Association des Amis due château de la Punta



La vue sur la baie d'Ajaccio depuis La Punta