Armes des Wendel
“De gueules, à trois marteaux (précédemment des étendards) d'or, emmanchés du même, liés d'azur, dont deux passés en sautoir et le troisième brochant en pal et renversé, au tube de canon d'or posé en fasce, rangé en pointe, à une bordure d’argent.” Telle est la définition des armes parlantes des Wendel.
Comme pour beaucoup de familles, nobles ou non nobles, il y a toujours une incertitude sur l’origine. Pour les Wendel, l’origine semble être à Bruges, où à l’époque de Charles le Téméraire, ils s’appelaient De Wendel, le De étant l’article défini “le” en flamand. Leur nom se retrouve dans la liste des échevins de la ville, mais on ne sait rien de ce qu’ils faisaient, malgré un statut qui semblait éminent.
Bruges vers 1550
Bruges au temps des De Wendel
La querelle religieuse qui a ensanglanté le XVIe siècle les a obligés à quitter Bruges et émigrer à Coblence. Leur nom y apparait pour la première fois en 1605 sur un acte d’état-civil, la naissance de Jean-Georges, fils de Jean Wendel et Marie Wanderen. Qu’ont-ils fait au cours du XVIIe siècle ? Rien d’autre que les autres, qui avaient le courage et surtout le besoin de se battre pour un prince dans une Europe dévastée par les guerres, dont celle de Trente ans (1618-1648) qui a opposé les Habsbourg catholiques aux princes protestants du Saint-Empire. Les Wendel se battirent du côté Habsbourg et de leur allié, le duc de Lorraine.
Jean-Georges Wendel né le 18 octobre 1605, épousa Marguerite de Hammerstein et devint colonel d’un régiment de Cravates (Croates) sous les ordres de l’empereur Ferdinand III. Jean-Georges décèdera en 1708 à l’âge de 103 ans. Son fils Christian, né à Coblence le 3 avril 1636, est lui aussi officier dans la cavalerie impériale. En 1656, il épouse en premières noces Dorothée Agnès Jacobs et veuf se remarie avec Claire Sauerfeld (1740-1712) le 4 janvier 1660, à Luxembourg. Ce mariage lui apporte une partie du fief de Longlaville, près de Longwy et installe la famille en Lorraine. Il achète le reste du fief à la famille d’Eltz qui possède les forges d’Ottange. Le couple a six enfants, dont trois garçons, François qui mourut en 1742, sans enfants, Jean Martin, dont il sera parlé ci-après, et Jean Baptiste qui devint avocat au Parlement de Metz en 1721.
Jean Martin nait le 22 février 1665 à Longlaville, sur le domaine de sa mère. On ne sait pas grand chose de sa vie jusqu’en 1704, où se dessine enfin le destin de la famille. Il a travaillé à la forge pour la famille d'Eltz, de nobles luxembourgeois. Vers 1700, il a épousé Anne Marie Meyer qui lui apporte un petite dot.
Haut-Fourneau au XVIIIe
Quand il apprend qu'une forge, location du roi de France (c'est-à-dire qu'elle fond exclusivement pour le royaume de France) est à l'abandon. Il signe, le 26 mars 1704, un contrat le liant au Roi de France et acquiert ainsi : les forges de la Rodolphe et le fourneau de la Magdeleine, 2 affineries, 1 chaufferie et une maison de maître inhabitable, pour la somme de 9.621 livres, et un loyer annuel de 100 livres. Il s'affaire dans un premier temps à faire fonctionner au mieux les forges puis réhabilite la maison en 1720. Il est installé à Hayange.
Une forge au XVIIIe
Un maître de forges était un gentilhomme qui exploitait des mines de fer et transformait le minerai en métal. Exploitant le sous-sol de terres lui appartenant il ne dérogeait pas, tout en pouvant faire commerce de son industrie. Jean Martin Wendel n’en est pas encore à la noblesse. Il y aspire. Etre maître de forges n’est pas une sinécure, il faut extraire le minerai, le laver, puis le chauffer pour le transformer en fonte. L’extraction se fait en surface et la combustion des fourneaux dévore des forêts entières. Quand tout va bien, le maître de forges vit noblement dans son château, tout près de sa forge. Quand tout ne va pas bien, il doit faire comme Jean Martin, c’est-à-dire “être aux fourneaux”. Il doit remettre en état ce qu’il vient d’acheter, il doit acheter des forêts pour alimenter son fourneau.
Charbon de bois ( Gravure de l’Encyclopédie)
Il se heurte au monde rural local qui lui reproche le déboisement, car les paysans trouvaient le bois pour se chauffer dans ces immenses forêts, et qui lui reprochent aussi de polluer la rivière en lavant son minerai. Jean Martin Wendel enlève aux paysans le bois pour se chauffer le poisson pour manger. En outre, dans l’imaginaire de l’époque le feu et le fer, avec leur relent d’enfer, sont perçus comme maléfiques. Il ne se laisse pas décourager pour autant et établit une réputation de sérieux dans la région.
En 15 ans, il bâtit cinq hauts-fourneaux, il achète encore plus de forêts, des terres et deux fermes, jusqu’à faire devenir sa famille, au siècle suivant, le plus grand propriétaire foncier de Lorraine. Il aura emprunté des sommes importantes, l’équivalent de plusieurs millions d’euros aujourd’hui.
Son activité et ses prises de risques sont favorisées par la situation internationale. La Guerre de Succession d’Espagne s’ouvre au début du siècle pour se terminer treize ans plus tard. L’Europe est dévastée, la France ruinée mais la Lorraine épargnée. Jean Martin s’enrichit en approvisionnant la France en affûts de canons et en boulets. La guerre finie, il achète une deuxième forge. Il a de grosses dettes, qu’il honore, mais qu’il purge avec le système établi par Law, qui n’a pas ruiné tout le monde et surtout pas Jean Martin. Il est un homme d’affaires prospère, sans dettes et propriétaire d’un château. Il ne lui reste maintenant qu’à acquérir la noblesse. Les Wendel se prétendent déjà nobles mais sans pouvoir le prouver, le duc de Lorraine les aide et en 1727 confirme leur noblesse. Mais c’est en France, qu’il a si biens servie, que Jean Martin veut être noble. Et en 1730, Louis XV lui confère une charge anoblissante, secrétaire du roi en la chancellerie du Parlement de Metz. Désormais leur blason va proclamer haut et fort qui ils sont. La couronne comtale est là pour faire joli car jamais les Wendel n’ont porté ce titre. Il seront désormais “de Wendel”.
Château d’Hayange au XVIIIe
Il meurt, noblement en son château, en 1737, laissant une fortune évaluée à 700 000 livres. Il a eu quatorze enfants. Ses enfants, sept filles et six garçons, font des mariages flatteurs pour le prestige familial et s’installent encore plus dans le réseau nobiliaire lorrain. Mais au-delà du prestige, il y a aussi l’intérêt économique des unions familiales. Sa fille Reine épouse Gabriel Palteau, plus tard de Veyremange. Il devient commissaire de la guerre puis Intendant Royal des Armées et des Postes. Utile !
De ses enfants, Charles, connu sous la “numérotation” Charles I, est celui qui va continuer l’ascension métallurgique de la famille. Né le 19 février 1708 à Ottange, il passe son enfance sur les lieux de sa fortune future. Le 10 mai 1739, à Sarreguemines, il épouse Anne Marguerite d’Hausen, dont le père, Jean Alexandre ( 1691-1755) est receveur des finances de Sarreguemines, mais aussi propriétaire foncier et industriel dans la faïence et dans le sucre, plus ou moins heureux. Sa fille apporte en mariage la dot de 60 000 livres, somme non négligeable.
Château d'Hausen XVIIIe siècle
La Guerre de Succession d’Espagne avait enrichi le père, les Guerres de Succession d’Autriche et de Sept ans enrichirent le fils. Les forges d’Hayange fournissent les armées du roi de France en boulets, en affûts de canon et en casques pour les cavaliers. Les batailles de Fontenoy(1745), de Lauffeld(1747), de Rossbach (1757) et tant d’autres, sur terre comme sur mer, contribuèrent activement à l’enrichissement de Charles I de Wendel.
Cette activité industrielle très importante ne va pas sans inconvénients. Il faut du bois, beaucoup de bois pour alimenter les hauts-fourneaux. Il en achète mais le duc de Lorraine réglemente l’exploitation des forêts en la limitant. Il faut trouver d’autres forges. Il en achète une près de Sarreguemines. Les guerres demandent encore plus de fer, et le bois ne suffit bientôt plus. C’est de l’ennemi sur terre et sur mer que viendra plus tard la solution. En Angleterre commence l’exploitation du charbon de terre, autrement dit la houille, qui transformé en coke fera des merveilles. Mais Charles I de Wendel n’en maîtrise pas encore la technique.
La fortune de Charles I suivra celle de Louis XVI. Les guerres d’Amérique épuisent le pays par des ponctions d’argent qui mettent en péril le budget de l’Etat. Charles I fournit au roi ce dont il a besoin pour mener la guerre, mais a du mal à se faire payer. Il meurt le 4 septembre 1784 à Hayange, sans connaître la faillite des finances du royaume qui emporta la monarchie. Son bilan est largement positif. Le patrimoine reçu de son père a été multiplié par quatre. Le nom Wendel est désormais synonyme du “Maitre de Forges”. Né dans une noblesse non reconnue, il a été un des membres proéminents de l’aristocratie lorraine. Il a château à Hayange et hôtel particulier à Metz. A la fin de sa vie, il était plus souvent à Versailles pour se faire payer qu’à Hayange pour gérer ses affaires et ses forges.
Marguerite d’Hausen, dite Madame d’Hayange
Anne Marguerite d’Hausen, son épouse, le remplace et fait tourner l’entreprise sans difficulté. A la mort de son mari, elle prend les rênes de l’empire métallurgique. Elle sera appelée désormais Madame d’Hayange.
Charles et Anne Marguerite eurent cinq enfants, trois filles, Louise (1742-1800), Reine (1743-1825) et Catherine(1746-1812) et deux garçons, Ignace François(1741-1795), Pierre Louis (1745- ) qui sera officier.
Louise épouse en 1776 Louis de Balthazar de Gachéo, lieutenant-colonel, qui aidera à l’entreprise familiale. Reine épouse en 1773 Joseph de Lagasse d’Elseau. Catherine épouse en 1772 Jean de Jacob de la Cottière de Chapuis, capitaine, qui lui aussi s’investira dans la forge.
La dynastie de fer se poursuit en la personne de l’aîné Ignace de Wendel. La première particularité du personnage est que très tôt, il quitta la Lorraine. Après des études à l’Ecole Royale d’Artillerie de Metz, il est nommé sous-lieutenant à 16 ans. En 1757 et 1758, il combat en Allemagne, notamment à Crefeld durant la Guerre de Sept ans. Il sera un officier de carrière, changeant plusieurs fois de garnison : Cherbourg, Le Havre, Granville, Thionville et Metz. En 1772, il épouse Françoise Cécile du Tertre, fille du président à Mortier du Parlement de Metz. Il aurait dû continuer sa carrière d’officier jusqu’à la reprise en mains des forges à la mort de son père.
Jean-Baptiste de Gribeauval (1715-1789)
Mais Jean-Baptiste de Gribeauval (1715-1789) inspecteur de l'artillerie, promu lieutenant général, s’attaque à la modernisation du corps des mines et de l’artillerie. Il fait éprouver à Strasbourg des pièces légères de bataille et démontre qu'elles durent aussi longtemps et et donnent des portées quasi identiques aux lourdes pièces de l'ancienne ordonnance de 1732. Il développe le premier système complet d'artillerie française, divisé en artillerie de campagne, de siège, de place et de côte. Pour pouvoir mettre à bien son programme, il faut non seulement de la fonte mais aussi du fer et de l’acier. Or ces deux derniers sont essentiellement produits par l’ennemi, l’Angleterre. On ignore comment Ignace de Wendel entra dans les grâces du duc de Choiseul mais à l’âge de 27 ans, en 1768, il se voit confier par le secrétaire d’état aux affaires étrangères, la mission de “parcourir les forges du royaume et même de l’étranger”. Il est possible que le nom de Wendel n’ait pas été étranger aux oreilles de Choiseul. La France ne venait-elle pas d’annexer la Lorraine à la mort du roi Stanislas Leszczyńki, en 1766 ?
Etienne François, duc de Choiseul ( 1719-1785) par Louis Van Loo
C’est un véritable tour de France et d’Europe qu’Ignace entreprend alors, les Flandres, l’Alsace, la France-Comté, le Berry, le Nivernais. En Styrie et en Carinthie, il parfait ses connaissances dans la fabrication du fer et de l’acier, les points faibles de l’industrie métallurgique française. En 1775, ce sera l’Angleterre, plus performante dans ce domaine. Ignace est inspecteur général de l’artillerie mais il est surtout un apprenti de haut niveau en vue du perfectionnement de la production métallurgique, dont doit bénéficier son pays et bien entendu les forges d’Hayange. Il faut absolument passer de la production de fonte à celle de l’acier, beaucoup plus souple, où depuis 1735, les Anglais sont passés maîtres.
En 1779, Gribeauval envoie aux forges d’Indret, près de Nantes “ cet officier dont je connais le talent”, alors capitaine au Corps Royal d’Artillerie.
John Wilkinson en 1776 par Gainsborough
Ignace a pour mission d’aider William Wilkinson (1744-1808) à améliorer les performances des canons destinés aux Insurgés américains. Les Wilkinson sont une dynastie de métallurgistes anglais. John Wilkinson (1728-1808) par ses inventions modernisera toute l’industrie métallurgique anglaise. En 1775, il a construit le premier pont en fer.
William Wilkinson (1744-1808)
Le 7 avril 1780, Ignace de Wendel signe donc un marché valable pour 15 ans afin de prendre la direction de la fonderie d’Indret. Le ministre de la marine, Sartine, déclare : “J'ai décidé que le sieur Wendel sera chargé par régie de l'exploitation de cette fonderie jusqu'à ce que tous les différents établissements, ainsi que les modèles et les chassis soient finis, afin que les arrangements qu'il y aura à faire lorsqu'il devra s'en charger par entreprise soient plus aisés et moins compliqués”. Il en deviendra donc, non pas le régisseur comme son prédécesseur, mais l'entrepreneur. C'est-à-dire qu'il n'aura que la fabrication des bouches à feu. Le contrat est extraordinaire. Les vieilles fontes détenues par la Marine lui seront octroyées en priorité, les conditions de ces cessions sont également définies : “je les paierai sur le pied de cinquante livres le millier de celles qui seront jugées bonnes à refondre pour faire des canons pour l'armement des vaisseaux du Roy” et “quarante livres le millier de celles dont l'emploi me sera interdit pour le service du Roy”. Il a la faculté de travailler sans condition pour le commerce mais il reste entendu que cette activité annexe ne pourra en aucun cas être prioritaire sur celle dévolue à la Marine. Il sera donc autorisé à construire d'autres hauts fourneaux si la nécessité s'en fait sentir pour l'exploitation des lieux. Il en restera propriétaire durant les 15 années, etc…
En 1783, il perd son épouse, Cécile, avec laquelle il a eu quatre enfants : Antonia, Charles-Antoine (1774-1832), Antoine Louis (1776- ), François Antoine Charles (1778-1825).
Les Usines d’Indret
Si Indret reste la manufacture d’armes, les hauts-fourneaux, eux, seront construits au Creusot, à Montcenis précisément. Pourquoi Ignace de Wendel a-t-il choisi ce lieu ? Tout simplement parce que le site est riche en minerai et en charbon et que la Loire est une bonne voie de communication, jusqu’à Nantes. En 1785 la première fonte au coke est effectué sur le territoire français au Creusot. Clin d’oeil de l’histoire, Le Creusot deviendra le centre des affaires et des industries des grands concurrents de Wendel, les Schneider.
Le Creusot d'Ignace de Wendel
Ignace de Wendel voit les choses en grand : hauts-fourneaux plus puissants accompagnés de souffleries également plus puissantes, abandon des chariots pour transporter le minerai au profit de wagonnets sur rails, à traction animale. Les idées sont là, les moyens techniques aussi mais la situation du Trésor royal ne permet pas le financement sur fonds publics. Ignace décide de financer les investissements. Il ne peut investir des capitaux familiaux d’Hayange, son père ayant les pire difficultés à se faire payer. Il lui faut donc emprunter aux banquier Perier et de la nouvelle Caisse d’Escompte. Ils créent la société “Perier, Bettinger et Cie”. Les travaux de la nouvelle fonderie commencent en 1782. En 1785, au Creusot, les hauts-fourneaux de 13 mètres de haut produisent 5000 tonnes de fonte. Le coke, tant envié des Anglais, est désormais la base de la fonderie. En 1787, Ignace de Wendel achète de nouvelles mines de fer, puis il achète la manufacture des cristaux de Sèvres. La société “Perier, Bettinger et Cie” devient “La Manufacture des fonderies royales d’Indre et de Montcenis et des Cristaux de la Reine”.
Il reçoit la Croix de Saint-Louis en quittant l’armée pour se consacrer aux affaires. Il sera le chevalier de Wendel. Il coule en un temps record les 667 canons demandés par le maréchal de Castries, à la plus grande satisfaction de ce dernier. Tout va bien pour la nouvelle entreprise. Les finances sont saines et ses équipes sont satisfaites de travailler pour lui car il fait édifier pour elles des maisons salubres, élever des églises et bâtir des écoles. Ignace est un modèle de l’Homme des Lumières auxquelles il a adhéré et fut toute sa vie. Il est déjà un monarchiste constitutionnel.
Canon français en 1794
Sa mère gérant les forges d’Hayange depuis la mort de son mari, Ignace n’a pas à s’en occuper et peut se consacrer totalement à Indret et au Creusot. Mais les difficultés de la monarchie ne lui permettent pas d’investir les 600 000 livres dont Ignace a besoin pour continuer. A la veille de la Révolution Le Creusot ne produit plus qu’un quart de sa production de 1787. En deux ans, les perpectives de développement sont envolées. Seules restent les dettes.
Les Wendel, désormais nobles, se voient menacés par les idées nouvelles, même s’ils continuent à travailler pour les armées françaises en 1791 et en 1792 par la fourniture de canons pour la flotte. Mais la Terreur se profile, et en 1794, la fonderie du Creusot est réquisitionnée. Ignace court à la ruine. Il en est de même pour sa mère. La dame d’Hayange a réussi à maintenir l’entreprise, avec l’aide de ses gendres, Alexandre de Balthazar et Victor de la Cottière, malgré les défauts de paiement de l’Etat et malgré l’hostilité grandissante de la population, quant aux coupes de bois et au lavage du minerai dans la rivière. Elle déclare à qui veut l’entendre qu’elle travaille en forgeant des armes pour la République. Elle n’est pas une noble oisive, vivant de ses rentes. Son petit-fils, Louis de Baltazar, est soupçonné d’être passé à l’armée des princes de Coblence, ce qui n’était pas vrai. Mais arrêté, il est guillotiné le 25 octobre 1793.
Ignace est revenu à Hayange et même si sa mère a obtenu des autorités une sorte de brevet l’autorisant à travailler pour l”intérêt général, il comprend, lui, le constitutionnaliste convaincu, que ses idées libérales n’ont plus de valeur en cette période de terreur. Et il choisi d’émigrer, tout d’abord à Luxembourg, où il a des biens, puis en Allemagne. Malgré les services qu’il a rendus à son pays, il n’est pas rayé de la liste des Emigrés à la chute de Robespierre, il survit à Weimar, tentant de négocier ses services auprès du duc, dont Goethe est le principal ministre. Il entre en négociation avec eux pour tenter de construire un haut-fourneau mais c’est un échec. Il n’a plus la force de se battre et le 2 mai 1795, à la suite d’une prise trop forte d’opium, il meurt. Goethe lui rendra hommage en écrivant “Un honnête homme, déjà avancé en âge…Son malheur avait été si grand que ni la sympathie du prince, ni l’activité bienveillante de ses mandataires n’avaient pu le consoler. Loin de sa patrie, en un coin paisible de la forêt de Thuringe, il est tombé, lui aussi, victime de l’immense Révolution”
A Hayange, malgré un fils et des gendres en Emigration, un petit-fils guillotiné, Marguerite de Wendel continue à fournir aux armées. Elle n’a pas le choix. En 24 heures, elle réussit à fabriquer 850 gros boulets, 84 gros obus et 4800 balles. Mais le 30 décembre 1793, les forges sont mises sous séquestre. Le 5 avril 1794, elle est emprisonnée à Metz pour être traduite devant le Tribunal révolutionnaire.
Le Tribunal révolutionnaire
La chute de Robespierre la sauve de l’exécution. Elle retourne à Hayange pour vivre dans deux pièces du château, de la charité d’anciens domestiques. On lui rend ses biens à la condition d’acquitter une somme de 589 076 francs qu’elle n’a pas. Elle écrit au ministère de la Guerre : “ La veuve de Wendel, propriétaire des forges d’Hayange et d’autres…de tous temps exploités par la famille pour le service de l’artillerie. Elle n’a cessé depuis plus de soixante ans de livrer les munitions nécessaires aux arsenaux de terre et de mer…” Rien n’y fait, ses biens sont considérés comme biens d’émigrés et restent sous séquestre. Ils seront vendus pour la somme de 16 millions. Marguerite de Wendel n’en touche rien. Avec le peu qu’il lui reste, elle règle son passif en se libérant de quelques dettes envers ceux qui l’avaient soutenue. Elle se retire à Metz pour mourir dans la pauvreté le 4 janvier 1802.
L’ascension sociale, l’enrichissement, la contribution à la fourniture et donc à la gloire des armées françaises, tout ceci est du passé. Les guerres de l’Ancien Régime l’avait enrichie, les guerres de la Révolution la ruinèrent. Il n’y avait plus d’avenir pour la famille de Wendel.