12/12/2019

Les grands mariages Habsbourg Bourbons au XIXe siècle. François I/II d'Autriche et Marie-Thérèse de Bourbon des Deux-Siciles


Armes de François II, empereur romain germanique 
François de Habsbourg-Lorraine est né à Florence le 12 février 1768, où son père Pietro-Leopoldo y est grand-duc. Il sera en 1790 empereur romain germanique sous le nom de Léopold II. Sa mère est Marie-Louise de Bourbon, infante d’Espagne, fille de Charles III roi d’Espagne et Marie-Louise de Saxe.

François en 1770 à 2 ans par  Anton Raphael Mengs
Il reçoit le prénom de son grand-père paternel, l'empereur François Ier décédé trois ans plus tôt. Sa grand-mère paternelle, Marie-Thérèse, que l'Europe surnomme avec respect "la grande" ou simplement "l'impératrice"  est à la nouvelle de la naissance de son premier petit-fils, folle de joie de voir sa dynastie consolidée, courut au Burgtheater qui jouxte le palais impérial et s'écria en patois viennois : "notre Poldi à un gamin". François n’avait que douze ans à sa mort.
Elevé en Toscane, l'éducation du jeune archiduc est marquée par la culture Italienne. Il en parle parfaitement la langue et celle-ci restera sa langue favorite tout aux long de sa vie. Il parle, bien entendu l’allemand et le français. 
Il eut une enfance heureuse au milieu de ses frères et soeurs, dans l’ambiance familiale que ses parents avaient su créer, suivant eux-même de près l’éducation de leurs enfants. Il a été su rapidement qu’il serait l’héritier des trônes de la Maison d’Autriche. Comme il a été vu, son oncle l’empereur Joseph II n’avait pas d’enfants. Aussi en 1784, à seize ans, il quitta Florence pour parfaire son éducation en vue de la succession impériale. C’est Joseph II lui-même qui prit en charge son éducation. Il le trouvait mou, attardé, enfant gâté. François était loin de l’indulgence de la Cour de Florence. Mais il craignait et admirait à la fois son oncle. Il avait conscience qu’il ne lui voulait que du bien en le formant à la dure. Pour parfaire son éducation, il fut envoyé dans un régiment stationné en Hongrie. 
François II, empereur romain germanique en 1792
en tenue du couronnement
A la mort de Joseph II, il agit au nom de son père qui venait de Toscane pour monter sur ses trônes. François prit alors goût à l’exercice du pouvoir. La maladie puis la mort de son père, à l’âge de quarante quatre ans,  au début de 1792, firent de lui l’empereur à l’âge de vingt quatre, plus jeune qu’il ne l’avait souhaité.

Elisabeth de Würtemberg par Johann Baptist von Lampi l'ancien
En 1788, il avait épousé épouse Elisabeth de Würtemberg (1767-1790), fille du duc Frédéric-Eugène de Wurtemberg et Frédérique-Dorothée de Brandebourg-Schwedt et belle-sœur du tsar Alexandre Ier de Russie.  Une fille naît mais elle meurt à un an.
A peine six mois après la mort de sa première femme, soit le 15 septembre 1790, il épousa sa double cousine germaine, Marie-Thérèse de Bourbon, princesse de Naples et de Sicile, fille de Ferdinand Ier et de Marie Caroline.

Marie Thérèse de Bourbon de Naples vers 1802 par Johann Baptist von Lampi l'Ancien
François fut veuf trois fois et se remaria chaque fois très peu de mois après son veuvage. Après Marie-Thérèse, il épousa en 1808, sa cousine Marie Louise d’Autriche-Este (1787-1816 ) 
 Marie-Louise d’Autriche-Este
puis en 1816,  Charlotte de Bavière. Il n’eut aucune issue de ses dernières épouses. Cet appétit au mariage peut s’expliquer par l’appétit sexuel de François, qui en bon catholique n’imaginait sans doute pas l’oeuvre de chair en dehors des liens du mariage. La nouvelle elle impératrice était fille du roi de Bavière, soeur de la princesse Auguste qui a épousé le prince Eugène de Beauharnais et de l'archiduchesse Sophie qui a épousé l'archiduc François-Charles. Elle fut donc la belle-mère de sa soeur.
Charlotte, dite Caroline Augusta, de Bavière par Franz Schrotzberg 
François eut à faire face aux guerres de la Révolution et de l’Empire, dont il fut l’ennemi acharné.
Il ne fut pas d’un grand secours à Louis XVI et Marie-Antoinette, sa tante. Il était indifférent à leur sort et leur mort ne fut pas une tragédie pour lui. Il avait refusé la négociation ouverte par Danton pour échanger Marie-Antoinette.


François II au moment de la Révolution française
Il serait fastidieux d’énumérer l’ensemble des guerres qu’il eût à mener et les batailles qu’il perdit.
Le 6 août 1806, il prononça la dissolution du Saint-Empire Germain Germanique, sous lequel il régnait comme François II et devient le premier empereur d’Autriche sous le nom de François Ier.


François, empereur d'Autriche par Friedrich von Amerling
En 1813, dans la coalition contre Napoléon, il joua un rôle majeur dans sa défaite et c’est à Vienne que débuta le Congrès de la Paix, sous les auspices de son ministre le prince de Metternich.
Sous son règne se développa une police et une censure de garde envergure. Il avait même jusqu’à faire espionner sa propre famille. Dans sa vie privée, il était un homme simple et abordable pour tous ses sujets.

Il est difficile de dire que son mariage avec sa cousine napolitaine fut un mariage politique. Ce fut un mariage de convention entre membres de la même famille. A partir de ce mariage, toutes les unions qui suivirent entre la Maison de Bourbon et la Maison d’Autriche n’eurent plus qu’un caractère familial.


La famille impériale par Josef Kreutzinger  en 1805
La jeune princesse napolitaine était l’aînée de sa fratrie. Ce fut  un mariage heureux fondé sur une bonne intelligence mutuelle, malgré la différence de caractère. les différences de personnalité.  François a été décrit comme un personnage mélancolique, timide, réservé, sérieux, avec une préférence pour un style de vie spartiate, avec une apparence pâle et hagard. 


Marie-Thérèse de Bourbon de Naples par Élisabeth Vigée-Le Brun en 1790.
Marie-Thérèse, quant à elle, a été décrite comme une blonde aux yeux bleus et gracieux, aux lèvres charnues, mais au nez large, à la personnalité vive, au tempérament chaud et au caractère sensuel.
Marie-Thérèse s’est très bien adaptée à sa nouvelle vie et à son nouvel environnement. Elle n’avait pas le mal de son Naples natal. Elle aimait les divertissements et participait avec enthousiasme à la vie de cour. Elle aimait danser, participer à tous les bal de la cour même pendant ses grossesse. Elle a particulièrement apprécié la valse, introduite récemment et devenue à la mode durant sa vie à Vienne.

Selon la princesse Hedwige de Holstein-Gottorp, dans son journal lors de sa visite à Vienne en 1798–1799, l’impératrice était réputée d’une jalousie telle qu'elle ne permettait à François  de participer à la vie sociale sans elle ou de rencontrer d'autres femmes. On disait qu’elle était si passionnée qu’elle épuisait son époux. Malgré ses qualités, ses dons, sa charité, elle n’était pas aimée des Viennois qui lui reprochaient son intolérance et sa volonté d’isoler l’empereur. Ils la trouvaient vaine. Selon un témoin, François qui était seul un jour dans le jardin, la vit venir et lui dit :  “Ne peux-tu jamais me laisser seul pour que je puisse respirer un instant? Pour l'amour de Dieu, ne me suis pas tout le temps.” 



François II
Elle ne fut pas sans influence sur la vie politique du pays car elle conseillait son mari et l’encourageait dans sa politique anti-française, contre Napoléon. 
On peut imaginer que le mariage de sa fille ainée, Marie-Louise, avec “l’ogre corse” n’eut pas été de son goût


Marie-Louise impératrice des Français par Jean-Baptiste Isabey 
Le couple eut douze enfants, dont sept atteignirent l’âge adulte. Outre Marie-Louise, ils eurent Ferdinand (1795-1873), empereur  malgré une débilité certaine.


Archiduc Ferdinand, futur empereur
Puis vinrent Marie Léopoldine (1797-1826)  devenue impératrice du Brésil, 


Archiduchesse Marie-Léopoldine, impératrice du Brésil 
par Joseph Kreutzinger en 1815

Marie Clémentine (1798-1881) qui épousa son oncle, Léopold de Bourbon de Naples, prince de Salerne, frère de l'impératrice Marie-Thérèse et de la reine des Français, Marie-Amélie.


Archiduchesse Marie-Clémentine, princesse de Salerne,
belle-mère du duc d’Aumale par Johann Peter Kraft

Marie Caroline 1801-1832) princesse héritière de Saxe, 


Archiduchesse Marie-Caroline, princesse héritière de Saxe

François-Charles 1802-1878) époux de Sophie de Bavière, 


Archiduc François Charles
par Ferdinand Georg Wal
dmüller

Maria Anna (1804-1858), souffrant de débilité mentale.


Archiduchesse Maria-Anna

L’empereur François adorait son petit-fils, Franz, fils de Napoléon et de Marie-Louise. Il le titra duc de Reischtadt et essaya de lui rendre la vie la plus agréable possible, compte tenu de l’absence de son père. Le précepteur avait reçu l’ordre de ne pas lui appeler de Napoléon, mais si l’enfant posait une question à son sujet, il était hors de question de lui en dire du mal. Le jeune prince fut aussi aimé par tous ses oncles et tantes.
Elle mourut en couches le 13 avril 1807. François mourut le 2 mars 1835, laissant le souvenir d’un patriarche entouré et aimé de ses enfants et de ses sujets. Ses funérailles furent grandioses. 
Son fils Ferdinand n’aurait pas dû lui succéder. Il était convenu que François-Charles, avec l’aide de son épouse, l’archiduchesse Sophie, monte sur le trône. Metternich au nom du principe de légitimité en décida autrement. En fait il voulait conserver la haute main sur la politique impériale et continuer la “Sainte-Alliance”, ce qui ne fut pas du goût de l’archiduchesse Sophie qui aurait aimé voir son mari monter sur le trône et dirigé le pays à travers lui.



Armes de l’empereur d’Autriche




07/11/2019

Les grands mariages Habsbourg - Bourbons d'Espagne, de Naples et de Parme au XVIIIe

I - Joseph II et Isabelle de Parme

Joseph de Habsbourg-Lorraine, archiduc d’Autriche, empereur germanique, roi de Bohême et de Hongrie / Isabelle de Bourbon, princesse de Parme, Petite-Fille de France 

Joseph II
Joseph (Josef Benedikt Anton Michel Adam) de Habsbourg-Lorraine est le premier souverain autrichien à porter ce nom, composé de celui de son père, François-Etienne de Lorraine et de sa mère Marie-Thérèse de Habsbourg.
Il est né à Vienne le 13 mars 1741, quatrième enfant du couple impérial, après ses soeurs, Marie-Elisabeth, Marie-Anne et Marie-Caroline.
A sa naissance, sa mère se bat pour ses droits à la succession de son propre père, Charles VI, mort en 1740, contre la Prusse, la Bavière, la Saxe, la France, le Piémont-Sardaigne et l’Espagne. C’est la fameuse guerre de succession d’Autriche qui a duré huit ans. De par la Pragmatique sanction, édictée en 1713 et reconnue par la quasi totalité des Etats, elle est bien l’héritière des possessions de la Maison d’Autriche. Son père, qui a renoncé à son duché de Lorraine au profit de la France, est grand-duc de Toscane. Mais il n’est pas encore empereur.
Joseph II naquit dans une ambiance difficile car l’avenir de ses parents est loin d’être certain. 
La couronne impériale a échappé à la Maison de Habsbourg, à la mort de Charles VI, pour passer dans la Maison de Bavière sur la tête de Charles VII (1697-1745).
Marie-Marie-Thérèse est certes couronnée  “roi de Hongrie” deux mois après la naissance de Joseph et reine de Bohême, avec de grandes difficultés.
La mort de Charles VII en 1745 permet l’élection de François-Etienne à la dignité impériale. En échange Marie-Thérèse dut céder la Silésie à Frédéric II et le duché de Parme à Philippe de Bourbon d’Espagne, gendre de Louis XV. 

Joseph accéda à la dignité impériale à la mort de son père en 1765. Il n’avait que vingt-vingt-quatre ans. Il ne devint chef de la Maison d’Autriche, roi de Hongrie et de Bohême qu’en 1780 à la mort de sa mère.  

Procession de Joseph II lors du couronnement à Francfort

Pendant quinze ans, ils formèrent un couple hybride, chacun étant jaloux des prérogatives de l’autre. Joseph II était certes empereur, mais Marie-Thérèse ne cédait en rien du pouvoir que lui donnaient les couronne de Hongrie et de Bohême. Il n'était chargé que de la représentation et des affaires militaires et exclu de la politique étrangère et des décisions politiques internes de l’empire. 
Les titres officiels de la Maison d’Autriche sont : 
Rois de Jerusalem, de Hongrie, de Bohême, de Dalmatie, de Croatie, de Slavonie, de Galicie et de Lodomérie,
Archiducs d’Autriche,
Ducs de Bourgogne, de Lorraine, de Styrie, de Caranthie et de Carniole,
Grands-ducs de Toscane
Grands princes de Transsylvanie
Ducs de Brabant, Limbourg, Luxembourg, Gueldres, Wurtemberg, Haute et Basse Silésie, Milan, Mantoue, Parme, Plaisance, Guastalla, Auschwitz, Zator, Bar, Montferrat et Teschen,
Princes de Souabe et de Charleville
Comtes princiers de Habsbourg, Flandres, Tyrol, Hannegau, Kybourg, Gorizia, Gradisca,
Marquis d’Anvers, Burgau, Haute et Basse Lusace, Pont-à-Mousson, Nomeny, Moravie,
Comtes de Namur, Provence, Vaudémont, Blâmont, Zutphen, Saarwerden, Salm, Falkenstein,
Seigneurs de la Marche des Wendes et de Malines.

Ces titulaires ne sont pour la plupart qu’honorifiques, voire résiduelles d’un passé lointain. La réalité réside en Autriche, Hongrie, Bohême, Dalmatie, Croatie, Slavonie, Galicie, Lodomérie, Styrie, de Caranthie et de Carniole, Toscane et Transsylvanie, même s’il convient d’y ajouter quelques autres titres mineurs.

Enfant difficile, Joseph était supposé remplir les espoirs de ses parents mais ne leur donnait pas toujours la satisfaction qu’ils en attendaient. Il semble qu’il ait méprisé son père, au caractère fort peu guerrier, réussissant plus en affaires que sur les champs de bataille, jouisseur et débonnaire. Il aimait et craignait sa mère.

Joseph II fut un des modèles du monarque éclairé, accompagné par Frédéric II et Catherine II. Son éducation soignée fit de lui un souverain inspiré par les idées de son siècle. Il croyait au progrès et à la science. Il était un adepte de la Raison. 




Joseph II par Anton von Marton en 1775


Son œuvre réformatrice est énorme, il publia plus de 6000 décrets et 11000 lois en 10 ans. Elle touche tous les domaines. Sitôt maître absolu, il voulut imposer ses réformes. D'abord religieuses, inspirées des Lumières, elles consistaient à soumettre l'Église à l'État : réduction du nombre de séminaires, suppression de congrégations et d'ordres contemplatifs jugés inutiles, tolérance à l'égard des chrétiens non catholiques
Parmi les autres réformes, il faut citer sa réforme territoriale de l'administration, la création d'un statut de la fonction publique réservée aux titulaires de titres universitaires et non plus à la noblesse du royaume, une réforme totale de l'enseignement imitée de Frédéric II, l'instauration d'un mariage civil, la suppression des jurandes, l'abolition du servage et des monopoles de vente seigneuriaux, la possibilité du rachat des corvées, l'accession à la propriété des paysans en tenure. 
La réforme la plus audacieuse pour l'époque fut l'institution d'un impôt de quotité (par tête) payable par tous les propriétaires, sans exception, et basé sur un cadastre général. Joseph II entreprend donc de supprimer les privilèges de la noblesse et du clergé. Ses successeurs reviendront sur beaucoup de ses réformes.
Joseph II a laissé un souvenir contrasté. Il était difficile de ne pas admirer sa volonté mais il n’agit pas l’art et la manière de faire partager ses vues. 
Il était de son devoir, et de la volonté de sa mère, de se servir de sa position pour assurer la continuer la destinée de la Maison de Habsbourg-Lorraine.
La France étant devenue l’alliée de l’Autriche en 1756, il fut décidé qu’il épouserait une princesse de la Maison de Bourbon. Il ne pouvait épouser une des filles de Louis XV. On lui choisit une de ses petites-filles, Isabelle, fille de Philippe de Bourbon, duc de Parme, fils cadet du roi d’Espagne et de Marie-Louise Elisabeth, dite Madame Première ou Madame Infante, fille aînée du roi de France.
Cette union qui avait un but essentiellement politique et dynastique fut brève mais heureuse. 

Isabelle de Bourbon, Infante d’Espagne, Princesse de Parme
Petite-Fille de France par Nattier en 1749
Isabelle, née à Madrid le 31 décembre 1741, n’était que petite-fille de deux rois. Mais ces deux rois étaient Bourbons tous les deux. Elle reçut une éducation soignée.  
Philippe de Bourbon, Infant d’Espagne, duc de Parme par Van Loo
Pour sa mère cela signifiait, en matière d'éducation, donner la priorité aux disciplines qu'une princesse idéale se devait de maîtriser : dessin, peinture, musique et histoire sainte. Or Isabelle n'était pas de cet avis. Suffisamment intelligente pour ne pas heurter de front ses parents, elle pressentit que jouer à la bonne élève était pour elle le seul moyen de préserver sa liberté. Elle comprit surtout qu'elle avait tout à gagner de la présence de Condillac. En plus d’’une éducation musicale avec le violon, elle bénéficia d’une éducation intellectuelle avec la philosophie, l’histoire et la théologie. On peut prendre pleinement la mesure de cette éducation dans  les textes qu'Isabelle rédigea : Méditations chrétiennesRemarques politiques et militairesRéflexions sur l'éducation, où elle condamne l'abus d'autorité et les châtiments corporels, ou encore son Traité sur les hommes, dans lequel elle écrit "Tout blâmer dans les autres, tout approuver en eux, c'est leur coutume. En un mot, doués de raison, ils sont moins raisonnables que les animaux qui en sont privés").
Isabelle et sa mère, Marie-Louise Elisabeth de Bourbon, Fille de France par Nattier
Sa mère, plus française que parmesane, s’était éloignée d’elle et de ses frères et soeurs. Cela explique peut-être le tempérament sombre et mélancolique, voire morbide de la jeune  princesse.
Mariage de Joseph et Isabelle par Martin van Meyrtens
A dix-huit ans, le 16 octobre 1760, elle épouse l’archiduc Joseph. Elle séduit la cour et sa belle-famille et son mari par sa beauté et son intelligence. Elle est séduite par sa belle-sœur, l’archiduchesse Marie-Christine, duchesse de Teschen, à laquelle elle écrit des lettres enflammées, des lettres d’amour. Elisabeth Badinter en a publié un certain nombre dans son ouvrage “Je me meurs d’amour pour toi”. Il est cependant difficile de voir une relation lesbienne entre les deux femmes, et ce d’autant moins que l’archiduchesse était parfois excédée par l’ardeur des sentiments de sa belle-soeur. 
L’archiduchesse Marie-Christin, duchesse de Saxe 
par Martin van Meyrtens


« Je vous écris encore, sœur cruelle, bien que je sois à peine partie, je ne peux supporter d'attendre de connaître mon destin, et de savoir si vous me considérez digne de votre amour, ou bien si vous voulez que je me jette dans le fleuve ... Je ne réussis à penser à rien, seulement que je suis très amoureuse. »

Isabelle donna naissance à deux filles, les archiduchesses Marie-Thérèse (1762-1770) et Marie-Christine (1763-1763).

L’archiduchesse Marie-Thérèse
Epuisée par des fausses couches à répétition, Isabelle pressentait qu'elle mourrait jeune - elle ne cesse d'ailleurs de le répéter à sa belle-soeur qu’elle appelle son "Eurydice". 

Isabelle était une jeune intellectuelle assoiffée de liberté et en même temps terriblement lucide sur sa condition d'épouse attendue uniquement pour sa capacité à enfanter un héritier. Une princesse qui se savait prisonnière de son sexe. Elle meurt quelques jours après la naissance de sa fille, le 27 novembre 1763. Aucune des deux ne survécut à l’accouchement. 


Isabelle de Bourbon de Parme, archiduchesse d'Autriche 
par Nattier
Joseph II fut inconsolable. Il avait trouvé en Isabelle, une épouse et une âme soeur. leurs intelligences se complétaient. En 1765, il se remaria avec une princesse de Bavière, Josepha. 
Marie-Josèphe de Bavière 
par Martin van Meyrtens

Il aurait aimé épouser la soeur de sa première femme, la princesse Marie-Louise de Bourbon (1751-1819), mais celle-ci était promise au futur roi d’Espagne, Charles IV. Elle fut célèbre pour avoir été portraituré par Goya et avoir eu des faiblesses pour Godoy, selon les rumeurs. 


Marie-Louise de Bourbon future reine d’Espagne 
par Anton Raphael Mengs

L’union de Joseph et de Josepha fut malheureuse. Elle ne dura que deux ans. Il n’aima pas se seconde femme, restant attaché au souvenir d’Isabelle.  Il resta veuf jusqu’à sa mort le 20 février 1790.  

Grandes Armes de Joseph II

II - Léopold II et Marie-Louise de Bourbon, infante d'Espagne
Pierre-Léopold Habsbourg-Lorraine, Leopold II du Saint-Empire, est né à Schönbrunn le 5 mai 1747, fils de François-Etienne de Lorraine et de Marie-Thérèse de Habsbourg. Il est le huitième enfant du couple impérial et le troisième garçon.  

Léopold par Jean-Étienne Liotard en 1762
Léopold fut d'abord destiné à l'état ecclésiastique, et on pense que ce sont justement les études théologiques auxquelles on le contraignit qui l'influencèrent défavorablement envers l'Église. À la mort de son frère aîné Charles, en 1761, il fut décidé qu'il succéderait à son père comme grand-duc de Toscane ce qu’il devint en 1765.

Résidant à Florence, et devenu maître de ses états en 1770, Marie-Marie-Thérèse ayant mis fin à sa tutelle, il entreprit dans son petit état des réformes, durant ses vingt années de règne, qui marquent encore le souvenir des Toscans. La liste de ses réformes est telle qu’il serait fastidieux de les  énumérer toutes.


Léopold II par Anton Raphael Mengs, 1770

Dans un premier temps, il libéra le commerce et le la liberté de travail en abolissant les corporations. La transformation du système fiscal fut entreprise dès les premières années de son règne et en 1769 il abolit le coûteux système de la ferme générale pour laisser place au recouvrement direct des impôts. Il instaura le cadastre permettant de prendre la propriété foncière comme base de l’imposition.  Il s’attaqua à la dette publique.

Il entreprit de grands travaux d’utilité publique comme la mise en valeur des marécages de la Maremme, plaine insalubre le long de la côte méditerranéenne au sud du grand-duché. Son système était simple. Ces terrains étant sans propriétaires, il les attribua à de riches toscans avec l’obligation de les exploiter.

Dans le cadre de sa vaste réforme sanitaire, il promeut le thermalisme en s'appuyant notamment sur le traité consacré aux propriétés des eaux de Montecatini Terme commandé à son médecin personnel et professeur à l'hôpital Santa Maria Nuova, Alessandro Bicchierai.  


Thermes de Montecatini en Toscane 

Le 30 novembre 1786, après un moratoire de fait sur les exécutions (dont la dernière remontait à 1769), Léopold promulgua la réforme du code pénal qui abolit la peine de mort et ordonna la destruction de tous les instruments destinés aux exécutions sur son territoire.

Léopold ne fut toutefois jamais populaire auprès de ses sujets. D'un naturel froid et réservé avec des manières simples, il touchait presque à l'avarice.  C’était faux mais il était perçu ainsi par des Toscans habitués aux fastes des Médicis dont ils abusaient parfois. Comme son frère Joseph II, il s’attaqua à l’Eglise en supprimant les couvents et monastères et en limitant le pouvoir du pape sur ses Etats mais devant la résistance de ses sujet, beaucoup plus religieux que lui, il renonça à ces réformes. 
Dans la période 1779-1782, Léopold, toujours dans l’esprit des Lumières, entama un projet de constitution pour fonder les pouvoirs du souverain sur une relation contractuelle. Là encore cette politique suscita de vives oppositions et son accession au trône impérial l’obligea à remettre ce projet.

Léopold II et Joseph II par Pompeo Batoni 
Il était très attaché à Joseph II, dont il imitait la volonté de réformes mais dont il constatait aussi les échecs. Aussi son règne fut-il plus nuancé, n’imposant pas la force pour arriver à ses fins. Il ne réussit pas tout, mais son administration stable, cohérente et intelligente, qui savait progresser pas à pas, mena le grand-duché à un niveau élevé de prospérité. 
Son accession au trône de Toscane fut une des conditions posées à son mariage avec l’Infante Marie-Louise d’Espagne, célébré le 5 août 1765. Ce mariage satisfaisait les ambitions de la politique matrimoniale de sa mère. 
Marie-Louise de Boubon infante d’Espagne au moment de son mariage
Marie-Louise de Bourbon, née le 24 novembre 1745 en Campanie, est la cinquième fille de Charles III d'Espagne et de Marie-Amélie de Saxe, alors souverains de Naples et de Sicile. Elle était donc la petite-fille de Philippe V d’Espagne et d’Elisabeth Farnèse.  
Charles III d'Espagne par Anton Raphael Mengs


Marie Amélie de Saxe, reine d’Espagne
Devenue grande-duchesse de Toscane, peu de temps après son mariage, Marie-Louise était considérée comme une beauté. Elle avait en outre un tempérament agréable, étant généreuse et simple. 
Palais Pitti à Florence
Installé au Palais Pitti, à Florence, le couple eut une vie heureuse. Consciente de ses devoirs de femme et de souveraine, Marie-Louise les accomplit en mettant au monde seize enfants. Léopold ne lui était pas fidèle mais cela n’a pas nui à leur relation conjugale, la grande-duchesse continuant à être fidèle et loyale à son mari.  
A peine arrivés en Toscane, elle secourut les malheureux, victimes de la famine, ce qui lui gagna les faveurs de ses sujets. Le couple menait une vie simple et retirée, lui dans son cabinet de travail et elle à s’occuper de ses enfants qu’elle éleva simplement au plus proches des réalités de la vie et de la nature. La vie de cour était réduite au stricte nécessaire, quelques  amis intimes composant leur cercle. 
Palais Pitti

On peut noter parmi leur seize enfants, Marie-Thérèse (1767-1827) reine de saxe, François II du Saint-Empire et premier empereur d’Autriche (1768-1835), Ferdinand III (1769-1824), grand-duc de Toscane, Charles d’Autriche (1771-1847) duc de Teschen, vainqueur de Napoléon, Joseph (1776-1847), Marie-Clémentine, princesse héréditaire de Naples (1777-1801), mère de la duchesse de Berry, Antoine (1779-1835) Grand-Maître de l’Ordre Teutonique, Jean (1782-1859) marié morganatiquement à Anna Plochl, fille d’un maître de postes et Rainier (1783-1853). Nés en Toscane ces enfants reçurent une éducation italienne. Ils parlaient italien entre eux, langue qu’ils conservèrent leur vie durant. 
La famille grand-ducale de Toscane par Johann Zoffany
Léopold accède à l’Empire au décès de Joseph II, en 1790. Son règne ne dura que deux ans car il mourut le 1er mars 1792. Marie-Louise le suivit de trois mois. 
Couronnement de Léopold II comme roi de Hongrie à Presbourg
Ce couple s’il ne fut pas exemplaire, du moins de sa part à lui, fut une réussite diplomatique et personnelle. Il est amusant de noter qu’il était archiduc d’Autriche et empereur et qu’elle était infante d’Espagne, mais c’est en Italie qu’ils passèrent l’essentiel de leur vie.  


Grandes Armes de Léopold II

III -  Ferdinand Ier de Bourbon, roi des Deux-Siciles et Marie-Caroline de Habsbourg-Lorraine, archiduchesse d’Autriche 


Ferdinand de Bourbon de Naples
Ferdinand de Bourbon est né à Naples le 12 janvier 1751. Il est le fils de Charles III de Bourbon (1716-1788), lui-même fils de Philippe V, roi d’Espagne et d’Elisabeth Farnese. Sa mère était Marie Amélie, princesse de Saxe (1724-1760). Son père Charles III eut l’étonnante destinée d’être successivement duc de Parme de 1731 à 1735, roi de Naples et de Sicile de 1734 à 1759 et enfin roi d’Espagne de 1759 à 1788. Ferdinand naquit donc prince italien. Il fut lui-même rois de trois royaumes successifs, bien que constituant la même unité territoriale, roi de Naples, roi de Sicile et enfin roi des Deux-Siciles. 
Il fut considéré comme un souverain éclairé et l’archéologie lui doit le soutien qu’il apporta aux fouilles d’Herculanum et de Pompei, entreprises sous l’égide de son père en 1738, en fondant le Musée archéologique de Naples.  


Musée de Naples
En 1767, après l’expulsion des Jésuites du Royaume de Naples, il décida que leurs bâtiments abriteraient le nouveau musée. Peu de temps après, il convola avec 


Marie Caroline en 1768 par Anton Raphael Mengs
Marie Caroline (Maria Carolina Louise Josepha Johanna Antonia) de Habsbourg, archiduchesse d’Autriche, princesse royale de Bohême et de Hongrie, un pion de plus sur l’échiquier de Marie-Thérèse dont, née le 13 août 1752 à Schönbrunn,  elle était le treizième enfant. 
Le mariage fut célébré à Vienne le 7 avril 1768. La mariée n’avait pas quinze ans.

Epousée, à défaut d’une autre - sa soeur Maria Josefa avait été choisie, mais elle mourut avant - Marie Caroline, très proche de sa jeune soeur, Marie Antoinette, n’était pas ravie à l’idée de ce mariage. Mais l’alliance austro-espagnole, accompagnée de l’alliance française, primait les sentiments de la princesse. Elle prit le temps pour arriver, accompagnée de son frère, le grand-duc de Toscane, dans ses nouveaux états. Un mois pour faire Vienne - Naples, en s’arrêtant à Bologne, Florence, Rome, même à l’époque c’était long.
En le voyant, elle dit : “Qu’il est laid…”. L’aventure matrimoniale commençait sous de mauvaises auspices, d’autant que le lendemain de la nuit de noces, le mari déclara : “Elle dort comme une morte et transpire comme un cochon.”


Ferdinand et Marie Caroline
Malgré ces premières déclarations, et bien qu’il n’y eut jamais d’amour entre eux, ils n’en eurent pas moins de dix-huit enfants, dont  sept atteignirent l’âge adulte. Ils sont les ancêtres des Habsbourg, des Bourbons et des Orléans actuels.  Et du prince Jean-Christophe Napoléon !

La famille royale de Naples par Angelica Kauffma
Une de leurs fille fut en effet Marie-Amélie, reine des Français. 


Marie-Amélie de Bourbon de Naples, future reine des Français, en 1782 
par Angelica Kauffman
Grâce au peu d’intérêt du roi pour la chose politique, Marie Caroline sut se faire une place prépondérante dans les affaires du Royaume. Il chassait, elle président le Conseil. Elle initia une vie sociale brillante à Naples. 
Adepte de la maçonnerie, elle s’opposa sur ce sujet au marquis Tannucci, premier ministre apprécié du roi et et de son père. Il gouvernait selon les principe des Lumières et en opposition au pouvoir de l’élite. Il avait su faire du Royaume, une puissance comptant dans l’échiquier international. Naples était alors la ville le plus peuplée d’Europe et son rayonnement était immense. Le renvoi de Tannucci ouvrit la période des favoris. Le premier fut le marquis de Sambucca, une marionnette entre ses mains.  
Sir John Acton par Emanuelle Napoli
Le second fut Sir John Acton  (1736-1811) dont l’action fut bénéfique au royaume de Naples. Avec l’aide de la reine, il reconstitua la marine. Il passa des accords commerciaux avec Gênes et la Russie. Il accrut l’influence britannique au dépens de l’Autriche, de l’Espagne et de la France.
Les actions et les attitudes conjuguées de la reine et de Sir John, ne fut pas du goût de l’aristocratie napolitaine, encore très attachée à l’Espagne et à ses privilèges. Il mit Horatio Nelson, le futur vainqueur de Trafalgar, à la tête de la marine. 
Il serait fastidieux de relater ce que furent ses actions. Une chose est certaine, il avait l’appui total de reine. Une autre l’est moins, il aurait été son amant. Malgré les ragots de la ville et les doutes du roi, rien ne prouve une telle intimité entre eux.  


Sir William Hamilton par David Allan
Sir William Hamilton (1730-1803), archéologue et vulcanologue de renom, devint l’intime du couple. Il fut “Envoyé extraordinaire”  de Grande-Bretagne à Naples de 1764 à 1800. Ses différentes observations des fouilles, de la géographie, des volcans, des tremblement de terre, fournirent de nombreux communiqués à la Royal Society de Londres. 

Sir William et lady Catherine Hamilton par David Allan
Il aimait sa femme Catherine qui mourut en 1782. En 1786, il entama une relation avec Emma Hart, une courtisane, qu’il épousa en 1791, la faisant la “Lady Hamilton” dont nous le nom est familier. Elle devint par la suite la maîtresse de Nelson.  La reine Marie-Caroline, Sir John Acton, Sir William et Lady Hamilton formèrent un quator mondain et politique dont la renommée est parvenue jusqu’à nous. 

Emma Hart, lady Hamilton par George Romney
La reine fut aussi une patronne des arts, encourageant la présence d’artistes, favorisant le développement de l’artisanat d’art et de luxe.

Elle eut aussi comme sa mère à s’occuper du mariage de ses enfants. Là aussi une ligne matrimoniale stricte fut adoptée.


Marie-Thérèse (1772-1807) épousa son cousin germain, l’empereur François II/I  d’Autriche.

Marie-Thérèse de Bourbon de Naples, impératrice d'Autriche,
 par Madame Vigée-Lebrun
Marie-Louise (1773-1802) épousa son cousin germain, Ferdinand III, grand-duc de Toscane. 
Marie-Louise de Bourbon de Naples, grande-duchesse de Toscane
 par Joseph Dorffmeister
François (1777-1830) roi des Deux-Siciles épousa sa cousine germaine, l’archiduchesse, Marie-Clémentine.

François Ier de Bourbon de Naples
par Madame Vigée-Lebrun
Marie-Christine (1779-1849) épousa Charles-Félix de Savoie, roi de Sardaigne  


Marie-Christine de Bourbon de Naples
par Elisabeth Vigée-Lebrun en 1790
Marie-Amélie (1782-1866) épousa Louis-Philippe, duc d’Orléans, puis roi des Français.

Marie-Antoinette (1784-1806) épousa son cousin, Ferdinand de Bourbon, princes des Asturies. 

Marie-Antoinette de Bourbon de Naples, princesse des Asturies par Vicent Lopez 
Léopold (1790-1851), prince de Salerne, épousa sa nièce, l’archiduchesse Clémentine, fille de l'empereur François I/II et de Marie-Thérèse, ci-dessus. Ils seront les parents de la duchesse d’Aumale.


Léopold de Bourbon de Naples, prince de Salerne
Comme on peut le voir, les mariages consanguins, entre les deux familles, Habsbourg-Lorraine et Bourbons, furent la règle. 

Sur le plan politique, Marie Caroline jouait sur deux tableaux, alliance avec la protestante Angleterre et retour de l’alliance avec le pape. 

La Révolution avait commencé en France et les Lumières, dont se parait Marie Caroline, furent vite éteintes. Certes, elle n’aimait pas les idées de 1789, mais elle devint une adversaire acharnée de la France et des Jacobins, après l’exécution de son beau-frère  et de sa soeur, Louis XVI et Marie-Antoinette. Elle refusa bien entendu de reconnaître la République française, ce qu’ils furent obligés de faire ensuite. Mais elle signa également une alliance avec la Grande-Bretagne. Elle finit par joindre son royaume aux coalitions  contre la France.

Marie Caroline en 1791
par Madame Vigée-Lebrun
En 1799, la France envahit le royaume de Naples et proclama la République Parthénopéenne. 
En juin 1800, Marie Caroline partit pour Vienne accompagnée des Hamilton et de Nelson. Elle y passa deux ans, en profitant, pour arranger les mariages de ses enfants, l’empereur son neveu ayant épousé sa fille. L’archiduchesse Marie-Louise, future impératrice des Français, était sa petite-fille et sa petite-nièce préférée.  
Le 17 août 1802, elle put retrouver son royaume de Naples et Napoléon eut l’occasion de dire qu’elle en était le seul homme. Lors de la guerre entre la France et l’Autriche, Ferdinand IV avait signé un traité de neutralité avec la France puis peu de temps après il se mit du côté de l’Autriche et de la Russie. La bataille d’Austerlitz ( 2 décembre 1805) mit fin aux rêves de Marie-Caroline.

Ferdinand IV de Naples par Camuccini
Le 27 décembre 1805, Napoléon déclara Ferdinand traître à sa parole et annonça l’invasion  du royaume. Le 31 décembre Joseph Bonaparte (1768-1844) , sur l’ordre de son frère, se mit en route pour déposséder Ferdinand et Marie-Caroline de leur trône. Ce fut André Masséna, futur prince d’Essling et duc de Rivoli, qui prit la ville. Les Anglo-Russes quittèrent Naples laissant Ferdinand seul. Il partit alors partit pour Palerme le 23 janvier. Marie-Caroline le rejoignit un peu plus tard, le 11 février. 
Joseph Bonaparte, roi de Naples
par Gérard
Joseph fut roi de Naples pendant deux ans. Son administration y fut plutôt débonnaire et exemplaire. Il quitta Naples pour Madrid. Il fut remplacé par Joachim et Caroline Murat.
Marie-Caroline put compter sur l’aide de la Grande-Bretagne, mais ses amis Sir William et Lady Hamilton n’étaient plus là,  Lord Nelson avait perdu la vie à la bataille de Trafalgar, et sir John Acton, bien que parti avec eux, ne leur était plus d’un grand secours.

Ferdinand IV tenta un rapprochement avec la France que les Britanniques firent échouer en 1810 car ils redoutaient de perdre la base arrière formidable que constituait la Sicile. En 1812, le roi accorda une constitution libérale à la Sicile, prenant son fils à ses côtés dans la gestion du royaume. Marie Caroline, privée alors de toute influence quitta Palerme pour se réfugier à Vienne où elle arriva en janvier 1814, car son voyage avait duré plus d’un an en passant par Constantinople, Odessa, Lemberg et Budapest. 

Le Congrès de Vienne, en juin 1814, malgré l’opposition des Britanniques, accepte que Ferdinand soit à nouveau roi de Naples et de Sicile.  

Murat, roi de Naples
par Gérard
En 1815, Murat perd le royaume de Naples et Ferdinand revient dans ses Etats napolitains. Il y conserve la plupart des réformes entreprises par les Murat et adopte un Code du Royaume des Deux-Siciles, reproduction du Code Napoléon. L’Eglise toutefois retrouve toute son influence.

Le 8 décembre 1816 le roi proclame à Caserte un décret qui unifie les royaumes de Naples et de Sicile, en supprimant ces deux précédentes entités, pour créer le royaume des Deux-Siciles, le plus grand État de la péninsule italienne. Il devint alors Ferdinand Ier des Deux-Siciles, abandonnant Ferdinand IV de Naples et Ferdinand III de Sicile. La Sicile y perd alors son statut de royaume. 

Et Marie-Caroline ? C’est lors de son voyage  qu’elle apprit la défaite de Napoléon à la bataille de Leipzig, le 19 octobre 1813.  A peine arrivée,  elle s’entremit auprès de Metternich et de son neveu l’empereur pour restaurer son mari dans ses droits napolitains.  
Prince Metternich en 1815 par Thomas Lawrence
Mais elle ne le vit jamais car elle mourut d’une attaque d’apoplexie le 8 septembre 1814, peu de jours avant l’ouverture du Congrès de Vienne. Elle avait eu le temps de revoir sa petite-fille, Marie-Louise, arrivée à Vienne fin avril 1814, avec son fils l’ex-roi de Rome.  
Le roi de Rome par Thomas Lawrence
Elle lui reprocha d’avoir abandonné Napoléon, son mari  malgré tout,  mais elle apprécia son arrière-petit-fils, François, roi de Rome puis duc de Reichstadt. Elle est enterrée dans la Crypte des Capucins à Vienne.
Le 27 novembre 1814, Ferdinand IV épousa Lucia Migliacio duchesse de Floridia. Elle avait 44 ans, il en avait 63. Le mariage fut déclaré morganatique. Ferdinand avait abandonné le pouvoir à son fils. Il mourut le 4 janvier 1825. Elle mourut quinze mois après lui.
Des soeurs de Marie-Antoinette, Marie-Caroline fut celle qui eut la vie la plus mouvementée. Elle sut prendre une part active à la politique de son pays. On peut regarder l’ensemble de son règne et celui de son mari, comme plutôt positif 
Avec elle finit la série des grands mariages politiques de Marie-Thérèse. Les mariages suivants ne furent plus que des alliances entre cousins. 

Armes de Marie Caroline
IV -  Ferdinand de Bourbon, duc de Parme et Marie-Amélie de Habsbourg-Lorraine, archiduchesse d’Autriche

Ferdinand de Bourbon naquit à Parme le 20 janvier 1751. Il est le frère cadet d’Isabelle, épouse de Joseph II. Il est donc lui aussi petit-fils de deux rois. Mais son père n’est que duc de Parme. 


Ferdinand Ier duc de Parme
par Ferrari
Il perd sa mère à l’âge de sept ans et son père à l’âge de quatorze ans. Il devint souverain jeune.

La France et l'Espagne mettent tout en œuvre pour organiser le mariage de Ferdinand. Guillaume du Tillot, Premier ministre toujours en exercice, exprime sa préférence pour Marie Béatrice d'Este, fille du duc de Modène Hercule III : à la mort de celui-ci, les deux duchés auraient été réunis entre les mains de Ferdinand et Parme aurait un accès à la mer. Le duc de Choiseul propose Mademoiselle, la princesse d'Orléans, princesse du sang, particulièrement riche, mais l'Espagne repousse cette proposition. Pour sa part, l'empereur Joseph II calcule que si le duché reste sans héritier, il pourrait juridiquement faire retour aux possessions autrichiennes.  

L’archiduchesse Marie-Amélie, par Martin van Meyrtens
La France et l'Espagne tergiversant, la cour de Vienne fait converger les avis de tous en proposant l'archiduchesse Marie-Amélie, fille de l'impératrice Marie-Thérèse d'Autriche et du défunt empereur François Ier et sœur de l'empereur Joseph II, veuf inconsolable d'Isabelle, de la reine Marie-Caroline de Naples et de Marie-Antoinette la future reine de France et épouse de Louis XVI
Le 21 juin 1769, Ferdinand, âgé de 18 ans demande officiellement la main de Marie-Amélie âgée de 23 ans. Une fois obtenue la dispense papale nécessaire en raison de leur proche parenté, le mariage est célébré à Vienne par procuration le 27 juin 1769. Marie-Amélie n'a pas eu l'autorisation d'épouser le duc Charles II Auguste de Palatinat-Deux-Ponts qu'elle aimait.
Elle quitte donc l'Autriche le 1er juillet 1769 et arrive à Mantoue le 16 juillet, accompagnée de son frère l'empereur Joseph. Ferdinand va à leur rencontre accompagné du duc Sforza-Cesarini et du duc Grillo. Au cours d'une cérémonie, l'évêque confirme le mariage le 19 juillet dans le Palazzo Ducale de Colorno ; s'ensuivent fêtes et spectacles. Le couple ducal rejoint Parme le 24 au matin. 
Ferdinand n’eut pas une vie de souverain tranquille. La France, l’Espagne et l’Autriche s’arrogent le doit de contrôler son duché, en imposant des ministres à leurs soldes.
Il eut à affronter la Révolution française dont il se déclara l’ennemi à la mort de son cousin, Louis XVI et de sa belle-soeur, Marie-Antoinette. Il eut ensuite à subir les dictats de Bonaparte, premier consul. On lui imposa puis lui retira le grand-duché de Toscane. Il mourut le 9 octobre 1802, peut-être victime d’une empoisonnement 
Il avait donc épousé sa belle-soeur. 
Née le 26 février 1746, L’archiduchesse Marie-Amélie est le huitième enfant de François-Etienne de Lorraine et de Marie-Thérèse de Habsbourg. Comme pour Joseph II, à sa naissance, la position politique de ses parents est loin d’être assurée, même si ses parents sont l’un empereur et l’autre “roi de Hongrie et de Bohême”.
Elle grandit à la cour de Vienne des Habsbourg-Lorraine entre la Hofburg et Schönbrunn.  Considérée comme séduisante, l’archiduchesse est un peintre de talent, possède une jolie voix de soprano. Elle a aussi quelques talents d’écriture.  
L’archiduchesse Marie-Amélie, duchesse de Parme
Elle souffre toutefois de l’attitude de sa mère qui ouvertement lui préfère ses aînées, l’intelligente Marie-Christine et la belle Marie-Elisabeth. Ses sapeurs cadettes Marie-Josèphe, Marie-Caroline et Marie-Antoinette sont ses compagnes auprès desquelles elle trouve une véritable affection.
Toutes ses soeurs ont été mariées avant l’âge de seize ans, elle à vingt-deux ans attend toujours de voir son destin matrimonial scellé. 
Cependant, considérée comme une jolie femme pleine de vivacité et très appréciée des Viennois, l'archiduchesse a enfin rencontré un homme de son âge avec qui elle connaît un sentiment partagé,  Charles-Auguste, prince héritier du duché de Deux-Ponts.  

Charles II Auguste, duc des Deux-Ponts (1746-1795)
Mais si Marie-Thérèse et son fils apprécient le jeune prince, ils considèrent qu'une telle union serait indigne d'une archiduchesse : le prince est destiné à régner sur une minuscule principauté rhénane aux confins de l'Empire et de la France. Il ne fait même partie du Collège Électoral et pire il n'est même pas catholique. Ses espérances de succéder à son lointain cousin l'Électeur de Bavière ne sont pas établies. Le mariage est donc refusé. A sa mort toutefois, en 1795, son frère Maximilien Joseph deviendra Electeur puis roi de Bavière. 
Fidèle sa politique matrimoniale, Marie-Marie-Thérèse se tourne une fois de plus vers les Bourbons et porte son intérêt vers Ferdinand Ier. Ferdinand est plus jeune que Marie-Amélie de six ans et, d'une grande piété confinant parfois à la bigoterie - il aurait aimé être moine - il apparaît aux yeux de l'Europe des Lumières comme présentant quelques signes de déséquilibre mental. 
C’est contre sa volonté que Marie-Amélie est mariée à Ferdinand. 
Le mariage est célébré à Vienne par procuration le 27 juin 1769 et confirmé le mariage le 19 juillet dans le Palais ducal de Colorno, qui est suivi de réceptions et de spectacles. Le couple ducal rejoint Parme le 24 au matin.
Devenue duchesse de Parme,  elle veut substituer l'influence autrichienne à celle de la France et de l'Espagne, ce qui inquiète toutes les cours européennes. 
Palais ducal de Colorno près de Parme
Les relations entre le duché de Parme, la France, l’Espagne et l’Autriche, ses puissances tutélaires, se détériorent, en grande partie sous l’influence de la nouvelle duchesse. Veut-elle leur faire payer à tous ce mariage qu’on lui a imposé ?
Il semble que les Parmesans l’aient appréciée. 
La famille ducale de Parme vers 1755
par Giuseppe Baldrighi
Marie-Amélie est restée très proche de ses sœurs cadettes, Marie-Caroline, reine de Naples et de Sicile et Marie-Antoinette, reine de France. Elle échangera avec cette dernière une importante correspondance et la dernière lettre écrite par Marie-Antoinette depuis sa prison – et transmise secrètement – sera pour Marie-Amélie. Comme sa soeur, Marie-Caroline, le destin du couple royal français fera d’elle une adversaire acharnée de la Révolution française. 
Bien qu'ayant gardé la neutralité dans la guerre opposant la France à l'Autriche, le duché est occupé par les troupes de Bonaparte en 1796 puis en 1801. 
Tandis qu'un royaume d'Étrurie est créé de toutes pièces par le futur Napoléon pour le prince héritier de Parme alors en Espagne, Ferdinand meurt en laissant la présidence du conseil de régence à sa femme; On soupçonnera un ministre francophile d'avoir empoisonné le duc. La régence dure peu. Quelques jours plus tard, le 22 octobre 1802, le conseil de régence est dispersé par les troupes françaises et le duché annexé. 
Marie-Amélie et sa famille partent pour l'Autriche. Elle meurt en 1804 à Prague quelques mois après sa fille aînée et son fils, le roi d'Étrurie.  
Les enfants princiers de Parme
par Johan Joseph Zoffany
De son union, le couple ducal a neuf enfants dont quatre survivent à l’enfance. Caroline 1770-1804) devenue princesse Maximilien de Saxe, Louis Ier, roi d’Etrurie ( 1773-1803) qui épouse  sa cousine germaine Marie-Louise de Bourbon, infante d’Espagne, Marie-Antoinette ( 1774-1841) et Charlotte (1777-1813) toutes les deux moniales. 
Louis Ier roi d'Etrurie
par Goya
Les enfants de Marie-Amélie parent les prénoms de ses soeurs et non de ses parents ou grands-parents comme le voulait la tradition.
L’union de Marie-Amélie et de Ferdinand ne fut pas heureuse. Elle ne faisait aucun effort pour cacher son déplaisir à ce mariage. Leur vie privée respective fut scandaleuse, même selon les critères libertins de l’époque. Elle s’était entourée de beaux officiers, passant ses nuits dehors à jouer et probablement à tromper son mari. Il la trompait avec des femmes issues de la paysannerie. Elle n’était pas aimée de la noblesse parmesane. Mais généreuse avec le peuple, elle en était aimée.
Personnalité contrastée, Marie-Amélie fut la victime de la stratégie matrimoniale de sa mère, ce qu’elle ne lui pardonna pas. 
Couple ducal de Parme en 1769