12/04/2019

Marie Walewska - Cinquième partie

Dans la vie de Napoléon, la rencontre avec Marie semblait un intermède. Lorsqu’il entre à Varsovie le 18 décembre, l’empereur arrivait de Prusse. Le 14 octobre 1806, il avait défait à Iéna et Auerstadt les armées prussiennes. Le 26 octobre, il était entré dans Postdam, où devant son tombeau il rend hommage à Frédéric II: « S’il était encore vivant, nous ne serions pas là aujourd’hui. » Le lendemain, il entre dans Berlin. 

Entrée de Napoléon dans Berlin par Charles Meynier


C’est là qu’il signera le 21 novembre le décret instaurant le blocus continental contre le Royaume-Uni. Pendant tout ce mois qu’il y passera, il recevra les nouvelles des victoires de ses généraux et de ses maréchaux, Ney, Davout, Soult, Bernadotte, Murat. Le prince de Hohenlohe, Blücher, alors lieutenant-général, le duc de Brunswick, le duc de Saxe-Weimarsont contrains à la réddition. L’armée impériale passe la Vistule et dix ans après le troisième partage de la Pologne, les Français sont donc accueillis en libérateurs du joug prussien.
Ce fut alors pour Napoléon, dans une atmosphère de fête qui dura un mois, la rencontre avec Marie Walewska.
Mais si les Prussiens étaient défaits, les Russes ne l’étaient pas. Il fallait continuer la guerre. Le 8 février 1807 eut lieu la bataille d’Eylau, une des plus meurtrières de l’histoire de la Grande Armée. Les Russes sont définitivement vaincus à Friedland, le 14 juin 1807.


Bataille de Friedland par Edouard Detaille (1891)
Le traité de Tilsit, entre la France, la Russie et la Prusse, est signé les 7 et 9 juillet 1807. Napoléon est de retour à Paris le 27 juillet. C’est la fin de la Quatrième Coalition.

Entrevue de Tilsit

Mais entre-temps, en Prussse Orientale entre les mois d’avril et de juin 1807, Napoléon réside au château de Finckenstein, propriété des Dohna-Schlobitten, aujourd’hui Kamieniec en Pologne. Il y signe le traité du même nom, le 4 mai 1807, avec la Perse, qui comme l’Empire Ottoman souhaitait se détacher de l’influence anglaise et de la menace russe.


Mirza-Mohammed-Reza-Qazvini reçu par Napoléon à Finckenstein par FrançoisMulard.
Mais le séjour à Finckenstein ne fut pas que diplomatique. A l’issue de la bataille d’Eylau, Napoléon avait écrit à Marie: « La bataille a duré deux jours et nous sommes restés maîtres du terrain. Mon coeur est avec toi; s’il dépendait de lui, tu serais citoyenne d’un pays libre. Souffres-tu comme moi de notre éloignement ? J’ai le droit de la croire; c’est si vrai que je désire que tu retournes à Varsovie ou à ton château ; tu es trop loin de moi. Aime-moi, ma douce marie, et aie foi en ton N. »


Bataille d’Eylau par Antoine Jean Gros
Il lui écrit encore le 17 mars : « J’ai reçu vos deux charmantes lettres ; les sentiments qu’elles expriment sont ceux que vous m’inspirez ; je n’ai été un jour sans désirer vous le dire. Je voudrais vous voir. Cela dépend de vous…Ne doutez jamais, Marie, de mes sentiments, vous seriez injuste, c’est un défaut qui vous irait mal. Mille baisers sur vos mains, et un seul sur votre charmante bouche. » A la lecture de cette lettre on comprend que les sentiments de Marieont changé. Elle est amoureuse de Napoléon. Et en avril 1807, Marie prend la décision de rejoindre l’empereur à Finckenstein. Quitter ainsi Varsovie pour le rejoindre, même si c’était dans le plus grand secret, était un acte de bravoure, c’était brûler ses derniers vaisseaux et défier la société aristocratique polonaise et ses conventions. Marie a prévenu son mari de la situation en lui faisant remarquer qu’il avait fait partie du complot pour le jeter dans les bras de Napoléon. Grand seigneur, le comte Walewski s’incline. Désormais, s’ils restent mariés devant la loi, ils vivront séparés.
Le paradoxe est que Marie se mettant au ban de la société n’en continua pas moins à être admirée, voire enviée. Elle est la maîtresse de l’homme le plus puissant d’Europe et chacun cherche à travers elle, bien en vain, le moyen d’obtenir les faveurs du grand homme.

Château de Finckenstein
Le château de Finckenstein est une superbe demeure du XVIIIe siècle, bâti dans l’esprit baroque entre 1716 et 1720 par le général-comte Albrecht Konrad Finck von Finckenstein, au milieu de près de 9000 hectares. En 1782, il passa par mariage dans la famille des comtes Dohna-Schlobitten, qui en furent propriétaires jusqu’en 1945, date à laquelle les Russes l’incendièrent.

Château de Finckenstein
Napoléon fut impressionné par la beauté du lieu. Marie y arrive après un voyage épuisant, conduite par son frère Benedict, désormais colonel de l’armée impériale. Varsovie n’est distante que de 150 kilomètres mais le dégel avait commencé et les routes étaient embourbées. Elle est supposée y être incognito. Il semble que Napoléon n’ait pas vous que ses troupes connaissent la présence d’une femme à ses côtés. Il est aussi possible, et peut-être plus probable, qu’il n’ait pas voulu que l’impératrice Joséphine ait vent de sa liaison beaucoup plus sérieuse que les à-côtés qu’il s’était offert jusque-là. Joséphine et Marie seront les deux seules femme que Napoléon ait aimées. A travers Marie-Louise, ce sont les Habsbourg-Lorraine qu’il aima.

Château de Finckenstein aujourd'hui
La comtesse Potocka, toujours aussi mauvais langue raconta que Marie passait son temps dans la tristesse et la solitude. Elle y resta six semaines. Mais elle ni seule, ni triste, avec Napoléon à ses côtés. Napoléon lui a fait aménager un petit appartement à côté du sien et le couple mène l’existence heureuse de deux amoureux. Ils prennent leur petit-déjeuner au lit, prennent leur repas ensemble devant le feu de cheminée. Ils sont seuls au monde. Dans sa biographie de Marie Walewska, Christine Sutherland décrit ainsi sa chambre : « La chambre de Marie avait un joli lit à baldaquin avec de rideaux de damas rouge, un tapis épais et un grand poêle en porcelaine construit dans le mur. En face du lit une cheminée ; sa lueur joyeuse éclairait l’ensemble plutôt sombre. Le feu était entretenu par l’Empereur lui-même dont la chambre touchait celle de Marie. A côté, un petit salon, d’où une porte dérobée menait au cabinet de Napoléon. »

Probablement la chambre de Marie Walewska

Dans le film « Marie Walewska », interprétée par Greta Garbo, on peut voir les pièces originales car Clarence Brown, le réalisateur, avait filmé in situ en 1937.


De son côté Constant, le valet de chambre de Napoléon, raconte ce qu’il a vu : « Deux mois après, l’empereur, de son quartier-général de Finkenstein, écrivit à madame V…, qui s’empressa d’accourir auprès de lui. Sa Majesté lui fit préparer un appartement qui communiquait avec le sien. Madame V… s’y établit et ne quitta plus le palais de Finkenstein, laissant à Varsovie son vieil époux qui, blessé dans son honneur et dans ses affections, ne voulut jamais revoir la femme qui l’avait abandonné. Madame V… demeura trois semaines avec l’empereur, jusqu’à son départ, et retourna ensuite dans sa famille. Pendant tout ce temps, elle ne cessa de témoigner à Sa Majesté la tendresse la plus vive, comme aussi la plus désintéressée. L’empereur, de son côté, paraissait parfaitement comprendre tout ce qu’avait d’intéressant cette femme angélique, dont le caractère plein de douceur et d’abnégation m’a laissé un souvenir qui ne s’effacera jamais. Ils prenaient tous leurs repas ensemble; je les servais seul; ainsi j’étais à même de jouir de leur conversation toujours aimable, vive, empressée de la part de l’empereur, toujours tendre, passionnée, mélancolique de la part de madame V… Lorsque Sa Majesté n’était point auprès d’elle, madame V… passait tout son temps à lire, ou bien à regarder, à travers les jalousies de la chambre de l’empereur, les parades et les évolutions qu’il faisait exécuter dans la cour d’honneur du château, et que souvent il commandait en personne. Voilà quelle était sa vie, comme son humeur, toujours égale, toujours uniforme. Son caractère charmait l’empereur, et la lui faisait chérir tous les jours davantage.
A lire Constant, on est loin désormais d’Iphigénie sacrifiée pour sauver sa patrie, même si Marie conserve l’espoir d’obtenir ce qu’elle désir le plus, une Pologne libre.

Mais après trois semaines Marie dut quitter Finckenstein. Elle avait pu constater l’énergie de l’homme qu’elle aimait, qui durant le printemps 1807 n’écrivit pas moins de trois cents lettres sur tous les sujets concernant la guerre comme la vie civile. Les promesses de l’Empereurne sont pas toutefois tenues à la hauteur des espérances de Marie et de ses compatriotes. Ce n’est pas le Royaume de Pologne qui est rétabli dans son ancienne splendeur.
Lors de son séjour à Varsovie, Napoléon avait organisé l’état polonais en créant un comité gouvernemental, composé de sept personnalités de la haute aristocratie polonaise, auquel il avait adjoint cinq départements, Justice, Intérieur, Trésor, Guerre et Police. Il établit aussi la conscription.

Constitution du Grand-duché de Varsovie


Par le traité de Tilsit, legrand-duché, et non le royaume, se voit attribuer essentiellement les territoires pris par la Prusse à la Pologne lors des partages de 1793 et 1795 (provinces de Nouvelle-Prusse Orientale, de Nouvelle-Silésie et de Prusse -Méridionale) alors que la partie est de la Nouvelle-Prusse-Orientale : Bialystok, Bielsk Podalski et le nord de la Polésie sont concédés à la Russie. La Prusse conserve la plus grande partie de ses acquis de 1772 sauf les régions de Bydgoszcz, Chelmno et Grudziadz qui reviennent au duché. D’autre part, Danztig (Gdańsk), prise en mai 1807, redevient une ville libre théoriquement sous la protection conjointe de la Prusse et de la Saxe, en réalité protectorat français, avec des garnisons française et polonaise.
Le grand-duché de Varsovie a une superficie de 101 500 km² et est divisé en six départements. La couronne ducale est attribuée à Frédéric-Auguste Ier roi de Saxe, allié de Napoléon, membre d’une dynastie royale dont des membres ont occupé le trône de Pologne de 1709 à 1762, lui-même ayant refusé en 1791 d’être roi élu de Pologne.


Grand-duché de Varsovie de 1809 à 1814
En 1809, lors de la guerre de la Cinquième Coalition, l’Autriche sort de sa neutralité et attaque en Bavière et en Pologne. Jozef Poniatowski remporte la bataille de Raszyn (avril 1809) mais préfère ensuite évacuer Varsovie Les Autrichiens attaquent ensuite vers l’ouest. Violemment critiqué, Poniatowski se rachète en réussissant à prendre Lwow ; Varsovie est libérée en juin, Cracovie est prise le 15 juillet. La politique incertaine de la Russie, en principe alliée de la France mais qui hésite à attaquer les Autrichiens, permet aux Polonais d’étendre leur territoire national. Le traité de Schönbrunn, signé le 14 octobre 1809, attribue au duché la partie de la Galicie située à l’ouest du San, ainsi que Cracovie, Sandomierz et Lublin tandis que Lwow reste à l’Autriche et que la Russie obtient Tarnopol.

La superficie du duché passe à 155 000 km². Sa population est désormais de 4 300 000 habitants.

En 1812, les forces armées polonaises sont totalement sous le pouvoir de Napoléon, par l’intermédiaire du prince Poniatowski ministre de la guerre du duché, futur maréchal de France. Plus de 100 000 Polonais sont engagés contre les Russes. Ils espèrent alors que le duché redeviendra royaume et que les territoires lituaniens libérés par Napoléon lui seront réunis permettant la reconstitution de l’Union Pologne-Lituanie. Mais Napoléon n’est lié par aucune promesse.
Le duc, Frédéric-Auguste Ier, abandonne le pouvoir au Conseil des ministres et à la Diète du duché qui proclame, sans effet, la restauration du royaume de Pologne ainsi que la réunification avec le grand-duché de Lituanie. L’échec de la campagne de Russie oblige à revenir aux statuts du duché.

Frédéric-Auguste Ier, roi de Saxe, duc de Varsovie


À partir de mars 1813, le duché est occupé par les Russes. Le 14 mars 1813, Varsovie devient le siège d’un Conseil suprême provisoire créé par le tsar Alexandre pour le duché de Varsovie, dans lequel siègent seulement deux Polonais.
Le tsar, ayant l’intention de conserver des territoires précédemment prussiens ou autrichiens, est amené à composer avec tous les dirigeants polonais. Un rôle essentiel est alors joué par le prince Adam Czartoryski, partisan de l’alliance russe, mais le tsar obtient aussi l’appui d’hommes qui ont soutenu Napoléon.

Le retour de Napoléon de l’île d’Elbe oblige cependant le tsar à promettre des restitutions importantes à la Prusse.
Lors du Congrès de Vienne en 1815, le territoire du duché est divisé en trois parties : le royaume de Pologne( ou « royaume du Congrès »), attribué au tsar qui porte le titre de roi de Pologne– 128 000 km² (il conserve les acquis du traité de Schönbrunn, sauf Cracovie)  – le grand-duché de Posen ( Posnanie) , restitué au roi de Prusse (il deviendra une simple province prussienne en 1849 ) – 28 951 km²  – la ville libre de Cracovie (ou république de Cracovie) ancienne capitale royale de la Pologne, placée sous la protection des trois puissances (elle sera annexée par l’Autriche en 1846– 1 164 km². ( Sources Wikipédia)
C’en était fini des espoirs de la Pologne et de Marie. Mais malgré cela Marie n’en voulut pas à Napoléon, car il est probable que la patriote avait cédé la place à la femme amoureuse.

Château de Finckenstein  en 1866
Les hostilités avec la Russie reprenant, Napoléon est obligé de quitter Finckenstein, Marie l’ayant précédé de quelques semaines.


Marie et Napoléon, imagerie populaire
Ne voulant pas rester à Varsovie, où elle était le centre de toutes les attentions et de tous les commérages, ni à Walewice, chez son mari avec laquelle elle a rompu, elle se réfugia à Kiernozia, dans la maison de son enfance. C’est à qu’elle apprit la victoire de Friedland. Mais la vie n’y est pas aussi simple qu’elle le souhaiterait car sa mère l’entoure d’attentions qui rappellent à la jeune femme sa situation adultère. Pour Eva Łączyńska, être la maîtresse de l’empereur vaut largement d’être la femme du comte Walewski, même si celui-ci n’est pas à négliger au cas où les choses tourneraient mal mais en attendant, il y a plus à gagner. Son fils Benedict a commencé à recueillir les fruits de son ralliement à Napoléon.
Marie passe par des moments de découragement et de doutes. Napoléon ne va-t-il pas l’oublier comme il a oublié ses promesses envers la Pologne. Elle aurait aimé le rejoindre à Dresde mais aucun ordre ne vint, pis encore Napoléon refusa qu’elle vienne. Il reste malgré tout amoureux dans sa correspondance : « Ma joie serait entière si tu étais ici, mais je t’ai dans mon coeur. L’Assomption est ta fête et mon anniversaire de naissance : c’est une double raison pour que nos âmes soient à l’unisson ce jour-là. Au revoir, ma douce amie, tu viendras me rejoindre. Ce sera bientôt, quand les affaires me laisseront la liberté de t’appeler. Crois à mon inaltérable affection. » Puis «  Marie, ma si chère Marie, ne doutez jamais de moi quoiqu’on vous dise…Votre présence me manque autant que la mienne peut vous manquer, mais la pensée que vous viendrez bientôt à Paris me fait goûter à quelque réconfort. »
Elle reçoit un bracelet en diamants et une miniature de Napoléon qu’elle portera épinglée à ses robes, signe évident de son amour qu’elle ne cache plus désormais. Les nouvelles reçues de Paris sont rassurantes, le projet de divorce entre Napoléon et Joséphine prend corps au désespoir de cette dernière et à la contrariété de Napoléon qui l’aime toujours. Mais le souci d’établir une dynastie passe avant tout. Son frère Louis a épousé lafille de Joséphine, Hortense, mariage malheureux s’il en fut, mais leur fils, Napoléon-Charles, peut être l’héritier du trône. Hélas pour Joséphine, il meurt.
Marie est au courant de tout mais ne se berce pas d’illusion sur son avenir en tant que femme de Napoléon. Catholique, même si son divorce, voire l’annulation de son mariage, pourrait facilement être obtenue, elle se refuse à cette solution. Au contraire, elle écrit « Sa Majesté aurait tort de divorcer. Ce qui a été noué sur la terre ne peut être dénoué que dans le ciel. »


Marie semble aussi avoir appris les incartades de Napoléon qui s’offre des moments de liberté conjugale avec les dames de la cour. Il semble que cela ne l’ait pas dérangée, ni suscité de jalousie de sa part. Son amour est au-delà et elle sait que celui de Napoléon l’est également.
Et ce d’autant qu’il la presse de le rejoindre : « Tu dois venir à Paris aussitôt que je m’y trouverai…Oui ma douce Marie, j’ai besoin de toi, J’ai besoin de retrouver les doux moments que nous avons connus à Finckenstein, ces moments de bonheur dont toi seul possèdes le secret… »

Il lui fait savoir que tout sera organisé pour qu’elle s’y sent à l’aise. Mais les obstacles sont là. Le divorce n’a pas été encore prononcé, la famille de l’Empereur est trop présente. Mais Marie cède enfin à sa demande. Elle se met enfin en route. Elle s’arrête à Dresde où elle est reçue par le roi. Sans être un voyage triomphal, c’est un voyage très confortable dans les pays sur lesquels règne son amant. Début février, elle arrive à Paris où elle est accueillie par son frère Benedict et par Duroc qui la mène à la demeure achetée pour elle, un hôtel particulier au 2 rue de la Houssaye.

Plan de l'Hôtel au 2 rue de La Houssaye
Le lendemain, Napoléon vint l’y retrouver. Il voudrait qu’elle soit officiellement présentée à la cour. Elle refuse. Elle n’est ni Madame de Montespan, ni Madame de Pompadour. Elle souhaite la discrétion et elle l’obtient. Elle se lie avec la princesse Borghèse, Pauline Bonaparte, qui est venue la trouver pour lui offrir son amitié queMarie a acceptée.
Elle sort peu, mais un soir, elle va à l’opéra avec Duroc, dissimulée au fond de la loge. En face d’elle dans la loge impériale se trouve Joséphine. Marie veut partir mais Duroc l’en empêche. Le lendemain, Napoléon lui rapporte que Joséphine lui a dit avoir «  été charmée d’apercevoir dans une loge la présence de la gracieuse Mme Walewska. » Les deux femmes, les seules à avoir été aimées par Napoléon, plus tard se lieront d’amitié.
En mars 1808, l’Empereur quitte Paris pour Bayonne afin d’y voir plus clair dans l’affaire d’Espagne qui semble plus difficile que prévue. Il demande à Marie de rester à Paris. Elle refuse et repart pour la Pologne. Les amants espèrent cette séparation de courte durée. Elle sera de seize mois. Marie est tantôt à Varsovie où elle est l’objet de la curiosité obséquieuse de la haute société, tantôt à Kiernozia, où elle est l’objet des l’indiscrétion de sa mère. Seules les lettres de son amant lui apportent du réconfort.
En plus des problèmes espagnols, Napoléon voit se dresser contre lui la Cinquième Coalition, formée en 1809 par le Royaume-Uni. L’Autriche, jusque là alliée de la France, rejoint les Anglais. Et ce furent les deux victoires d’Essling ou d’Aspern ( 20-22 mai 1809) et de Wagram (5-6 juillet 1809). L’archiduc Charles avait gagné sur le terrain lors de la première bataille, mais il ne sut pas exploiter son avantage. A Wagram, la victoire est complète.

La bataille de Wagram par Horace Vernet
Les maréchaux Davout, Masséna, Bernadotte, les généraux Oudinot, Marmont, Bessières, Mc Donald, tous ceux qui font la gloire de l’empire sont aux côtés de Napoléon. Aux côtés de l’archiduc Charles, on compte le prince Frédéric-de Hohenzollern-Hechingen, le prince de Rosenberg-Orsini, le prince Jean-Joseph Ier de Liechtenstein. Les pertes autrichiennes furent de 41 250 hommes, dont 23 750 tués ou blessés, 10 000 disparus et 7 500 capturés, alors que les pertes françaises se chiffrèrent à 37 500 hommes, dont 27 500 tués ou blessés et 10 000 disparus ou capturés. Une bataille somme toute peu meurtrière. L’archiduc Charles demanda un armistice. La Cinquième Coalition se termina par le traité de Schönbrunn signé le 14 octobre 1809.


L'archiduc Charles à la bataille d'Essling
Constant raconte dans ses Mémoire la venue de Marie à Vienne, après cette longue séparation.
« Après la bataille de Wagram, en 1809, l'empereur alla demeurer au palais de Schœnbrunn. Il fit venir aussitôt madame V..., pour laquelle on avait loué et meublé une maison charmante dans l'un des faubourgs de Vienne, à peu de distance de Schœnbrunn. J'allais mystérieusement la chercher tous les soirs dans une voiture fermée, sans armoiries, avec un seul domestique sans livrée. Je l'amenais ainsi au palais par une porte dérobée, et je l'introduisais chez l'empereur. Le chemin, quoique fort court, n'était pas sans danger, surtout dans les temps de pluie, à cause des ornières et des trous qu'on rencontrait à chaque pas. Aussi l'empereur me disait-il presque tous les jours: «Prenez bien garde ce soir, Constant, il a plu aujourd'hui, le chemin doit être mauvais. Êtes-vous sûr de votre cocher? La voiture est-elle en bon état?» et autres questions de même genre, qui toutes témoignaient l'attachement sincère et vrai qu'il portait à madame V... L'empereur n'avait pas tort, au reste, de m'engager à prendre garde, car un soir que nous étions partis de chez madame V... un peu plus tard que de coutume, le cocher nous versa. En voulant éviter une ornière, il avait jeté la voiture dans le débord du chemin. J'étais à droite de madame V...; la voiture tomba sur le côté droit, de sorte que seul j'eus à souffrir de la chute, et que madame V..., en tombant sur moi, ne se fit aucun mal. Je fus content de l'avoir garantie. Je le lui dis, et elle m'en témoigna sa reconnaissance avec une grâce qui n'appartenait qu'à elle. Le mal que j'avais ressenti fut bientôt dissipé. Je me mis à en rire le premier, et madame V... ensuite, qui raconta notre accident à Sa Majesté aussitôt que nous fûmes arrivés. »
Schönbrunn
A Schönbrunn, Napoléon s’était installé dans les appartements de l’Empereur François, il dormait dans ce qui avait été la chambre de Marie-Thérèse et de François-Etienne, celle-même où son fils,  le roi de Rome, duc de Reichstadt,  mourra plus de vingt après. 

Schönbrunn, salon dit de Napoléon
Le couple retrouve son intimité de Finckenstein parfois dans la maison louée pour elle à Mödling, mais souvent au château dans un appartement aménagé spécialement où ils dorment ensemble. C’est à Schönbrunn, que fut conçu leur fils, Alexandre, qui deviendra le comte Colonna-Walewski. Au mois d’août Marie lui avait confié être enceinte. Napoléon en conçut une joie immense. Outre son amour pour Marie, il y avait la preuve qu’il n’était pas stérile. Le 15 décembre 1809, le divorce du couple impérial fut prononcé. Involontairement de sa part, la grossesse de Marie avait décidé l’Empereur à hâter le divorce.

Divorce de Napoléon et Joséphine par Henri-Frédéric Schopin
On pensa alors que Napoléon allait épouser Marie, qu’il qualifiait déjà de « son épouse polonaise ». Mais il n’en fut rien car comme il le déclara à son frère Lucien : « Vous riez de me voir amoureux ; oui je le suis en effet, mais toujours subordonnément à ma politique qui veut que j’épouse une princesse, quoique je préfèrerais bien couronner ma maîtresse. »

«  Je n'essaierai pas de raconter tous les soins, tous les égards dont l'empereur l’entoura. » écrivit Constant. Napoléon est heureux et il le montre. 

La question du lieu de l’accouchement est épineuse. Il conviendrait qu’elle accouche à Varsovie, dans un ultime sursaut pour sauver les apparence, qui de toutes façons ne trompent plus personne. Mais tous les deux souhaitent qu’elle accouche à Paris. Elle n’a pas envie de le quitter et lui non plus. Mais Varsovie l’emporte. Avant de quitter Vienne, pressentant que rien ne serait plus comme avant, Marie remet à Napoléon une bague avec une boucle de ses cheveux et une inscription :
« Quand tu cesseras de m’aimer, n’oublie pas que je t’aime. »
Napoléon arrive à Paris le 26 novembre 1809. Il expédie son divorce avec Joséphine. Marie n’est en rien responsable de sa décision. Nul ne peut lui reprocher d’avoir été l’instrument de la séparation entre les époux. Jamais elle ne lui a demandé de quitter Joséphine pour elle. Joséphine le savait comme elle savait que Napoléon désirait une union plus prestigieuse. Elle ne lui en a jamais vraiment voulu.

De Schönbrunn Napoléon avait envoyé demandé au tsar, Alexandre 1er, de lui accorder la main de sa soeur cadette, la grande-duchesse Anna. Bien que tenté de céder, le tsar dût s’incliner devant le refus absolu de sa mère, née Sophie-Dorothée de Wurtemberg, qui avait été avec la comtesse du Nord lors de son voyage en France en 1782. Il ne deviendrait pas le beau-frère de Napoléon malgré le gage que celui-ci lui donnait de ne pas faire renaître la Pologne, contrairement à ce qu’il avait promis à Marie. 

Qu’à cela ne tienne, Napoléon reçoit une offre encore plus brillante de la part de Metternich : une archiduchesse d’Autriche, la fille aînée de l’empereur François, Marie-Louise. La demande  en  mariage est faite officiellement le le 7 mars 1810. Il est célébré par procuration en Autriche le 11 mars 1810,  consommé le 27 mars et célébré officiellement en France le 2 avril. 

Dès février, les tractations du mariage étaient connues en Europe et c’est à Kiernozia que Marie apprend la nouvelle. Il n’y a pas de relation de la manière dont elle l’accepta. Mais on peut la supposer résignée et malgré tout amoureuse. Comme celui de la Pologne, le sort de Marie est scellé. Son pays ne renaîtra pas et elle n’épousera pas le père de son enfant. Elle n’avait jamais d’ailleurs songé à devenir impératrice des Français. 

Les sentiments de Napoléon ne sont pas à son honneur. Il abandonne Joséphine, à laquelle il devait malgré tout beaucoup. Il a des maîtresses en plus de Marie « son épouse polonaise ». Alors il peut le faire, il ne l’épouse pas, malgré l’amour qu’il lui déclare. Il épouse Marie-Louise « un ventre » séculaire, dont il tombe amoureux. 

Alexandre Florian Joseph nait à Walowice le 4 mai 1810. Il est reconnu avec élégance par Athanase Walewski, qui évite ainsi d’entraîner sa femme dans le scandale d’avoir officiellement un enfant adultérin, fût-il fils d’empereur. Il portera donc le nom de Colonna Walewski.
Le 21 février 1810, avait écrit à Marie : « Chère et honorée femme, Walewice m’est de plus en plus à charge, mon âge et mon état de santé m’interdisent toute activité. J’y suis donc venu pour la dernière fois afin de signer l’acte par lequel mon fils aîné en devienne propriétaire. Je vous conseille de vous entendre avec lui, afin de régler les formalités liées à la naissance l’enfant que vous attendez. Elle seront facilitées si ce Walewski naît à Walewice. Tel est aussi l’avis de mon fils aîné et je vous en informe. Je le fais conscient de remplir mon devoir et en priant Dieu qu’il vous protège. » Le fils aîné est certainement Jean-Joseph comte Colonna-Walewsk née en 1765 de sa première union avec Marie Madeleine Eva Tyzenhauzow.   Il a donc 45 ans à l’époque. 

Acte de naissance d'Alexandre Florian Joseph Walewski
Le comte Walewski avait peut-être attendu la nouvelle du remariage de Napoléon avec l’archiduchesse Marie-Louise pour offrir son nom à l’enfant. Peut-être avait-il aussi espéré que Marie devienne impératrice ? Mais devant la réalité, il sut se montrer gentilhomme.

Napoléon apprend la naissance de son fils alors qu’il est en voyage en Belgique. Il envoie immédiatement vingt mille francs en or pour Alexandre, des dentelles de Bruges et une édition ancienne des oeuvres de Corneille pour Marie, le tout accompagné d’un billet affectueux. Mais Marie-Louise, dont Napoléon a raconté plus tard  : « Elle aimait bien au reste, avec ses seins ou de quelques manières, tenter d’éveiller mes sens », occupe ses pensées et répond parfaitement à ses attentes sexuelles. 

Mais il n’en oublie pas Marie pour autant : « Si votre santé est bien rétablie, je désire que vous veniez sur la fin de l’automne à Paris où je désire vous voir. Ne doutez jamais de l’intérêt que je vous porte et des sentiments que vous me connaissaient » Il  charge Théodore, le frère de Marie d’aller la chercher. Homme désintéressé, il restera un ami fidèle pour sa soeur et plus tard un oncle aimant et attentif pour le neveu qui vient de naître. 

Marie Walewska
En novembre, ils quittent Walowice, en grand équipage. Marie emmène avec elle, ses deux enfants, les deux nièces de son mari et une nuée de domestiques. Ils remplissent trois voitures à eux tous. 
Le vieux mari reste à Walovice bien évidemment, peut-être un peu dépité de voir la belle jeune femme qu’il s’était choisi pour la fin de ses jours, lui échapper pour toujours. 
Marie trouve une installation préparée pour elle. Elle ne s’installera pas à Paris mais à Boulogne, au 7 rue de Montmorency dans un bel hôtel particulier, entre cour et jardin, de deux étages sur rez-de-chaussée. Sa chambre est au premier meublée d’acajou : lit, toilette, secrétaire, bureau. Elle comporte en outre quatre fauteuil, deux bergères, une méridienne. Mais elle a conservé son hôtel de la rue de la Houssaye., dont elle est propriétaire alors que la maison de Boulogne est louée et le loyer, comme l’ensemble des dépenses, est réglé par la cassette personnelle de l’empereur. 

Demeure de Marie Walewska au 7 rue de Montmorency à Boulogne
Boulogne est près de Saint-Cloud, une des résidences favorites de l’empereur. Il rend visite à Marie à un rythme dont nous ignorons tout. Il la reçoit parfois aux Tuileries. Même si cela n’est plus la passion du début, les deux amants éprouvent une grande tendresse l’un pour l’autre. Et Marie devient une vraie parisienne. Il n’est plus question pour elle de rester recluse. Elle sort dans la société impériale, elle va aux bals donnés par la princesse Borghèse. Elle voit aussi la reine Hortense, séparée de son marie, Louis Bonaparte, roi de Hollande, qui, comme elle met un enfant naturel au monde. Le pères est Charles de Flahaut et l’enfant sera le futur duc de Morny. 
Pauline Bonaparte, princesse Borghèse
Marie accepte les présents qui lui sont faits par l’empereur, elle ne jette plus à terre les diamants, elle trouve naturel le train de vie somptueux qui lui est fait. Mais cette vie n’est pas que fêtes, il y a aussi les contraintes imposées par Napoléon. Il lui impose la discrétion de leur relation. Personne ne doit savoir et pourtant tout le monde sait. Lorsque Marie séjourne à Varsovie, l’ambassadeur de France « regarda comme son devoir de la traiter en fac-similé d’impératrice. Elle eut le pas sur toutes ces dames. Aux dîners d’apparat elle fut toujours servie la première, occupa la place d’honneur et reçut tous les hommages et les marques de respect ! Ce qui choqua visiblement les douairières et donna de l’humeur à leurs maris…Elle s’était prodigieusement formée pendant son séjour en France, elle avait pris un aplomb modeste, difficile à soutenir dans la position équivoque où elle se trouvait. Ayant à ménager Marie Louise, fort jalouse, dit-on, Madame Walewska sut au milieu de Paris faire douter des rapports secrets qu’elle avait conservés avec l’empereur. » ( Mémoires de la comtesse Potocka) 

Marie doit aussi supporter d’être présentée à l’impératrice. On peut aisément imaginer le peu de plaisir qu’elle prit à cette cérémonie. Mais Napoléon tenait à l’étiquette et si elle devait assister aux soirées de la cour, elle devait avoir été présentée. Comme les aristocrates de son époque, elle voyage en grand train, emportant avec une fois cent cinquante robes. Elle fréquente les stations thermales à la mode. 

Elle fait l’admiration de ceux qui l’approchent tant par sa beauté que par son maintien et sa gentillesse. Les Polonais de passage ou en exil trouvent toujours du secours chez elle. La comtesse Potocka, qui n’a besoin d’aucun secours, voit aussi « Madame Walewska une des créatures les plus attachantes de son époque. »

Peut-on dire qu’elle est devenue la coqueluche de Paris ? On se presse chez Gérard pour voir le portrait qu’il a fait d’elle. 

Au milieu de ce tourbillon mondain, elle s’occupe de ses enfants. Mais la fête impériale va bientôt s’achever. Le tsar a décidé de reprendre les hostilités. Marie et les Polonais de Paris sentent bien le danger que cela représente pour leur patrie. Kosciusko, le héros de l’indépendance, toujours vivant est reçu par Marie. Il l’étreint et prenant l’écharpe aux couleurs de la Pologne qu’elle porte au bras, il l’embrasse le morceau d’étoffer et l’envoie en Pologne. 

Elle évite de parler politique avec Napoléon. Elle sent combien il est ombrageux et elle ne va pas ajouter de l’indiscrétion à ses soucis.

En avril 1812, la « Grande Armée » est prête à entrer en campagne. Malgré ses soucis Napoléon songe à Marie, à assurer son avenir et celui de son enfant, Alexandre, qui lui ressemble. Le 5 mai 1812, il constitue un majorat en sa faveur, avec l’attribution du titre de comte de l’Empire. 


Armes d’Alexandre Florian Joseph Colonna Walewski, Comte de l’Empire
Le titre et le majorat sont transmissibles héréditairement en premier à l’héritier mâle et à défaut à ses filles.  « transmissible à la descendance directe et légitime, naturelle ou adoptive ». Marie en sera usufruitière jusqu’à la majorité de son fils, puis elle recevra une rente annuelle de cinquante mille francs. 

Cette donation comporte d’immenses domaines dans le royaume de Naples qui rapportent à eux seuls la somme annuelle de 170 000 francs. 

Marie Walewska par Gérard en 1812
Marie n’est toujours pas divorcée du comte Walewski et les affaires de ce dernier vont mal. Il est couvert de dettes et Marie craint que cette situation ne vienne obérer la fortune de son fils, officiellement le fils du comte. Il s’agit donc de divorcer. La demande en divorce est introduite par marie le 18 juillet 1812, au motif qu’elle a été contrainte par sa famille à l’épouser - le même motif serait valable en cas de demande d’annulation - le comte Walewski ne faisant aucun opposition, le divorce est prononcé le 24 août. Dans le règlement du divorce, elle obtient la moitié des biens de ce dernier, à la condition de constituer un majorat en faveur de leur fils commun. Elle s’engage à élever les deux enfants, ce qui ne dut pas lui être difficile au vu de son amour maternel. 

L’inquiétude pour Napoléon est présente dans son esprit. Elle est tenue au courant de la campagne de Russie. Elle est toujours en Pologne lors de  l’incendie de Moscou. Napoléon, rentrant en France, s’arrête à Varsovie. Marie est à Walewice. Certains prétendent qu’ils se sont vus alors. Mais rien n’est moins sûr. Conscient du danger, Napoléon lui ordonne de quitter la Pologne et de rentrer à Paris, ce qu’elle fait en janvier 1813. Elle y trouve une atmosphère d’exubérance mondaine. Paris ne réalise pas la gravité de la situation et Napoléon ne veut surtout pas d’affolement. Marie paraît à la cour de l’impératrice Marie-Louise, sans doute sur l’ordre de l’empereur mais elle reçoit la plus surprenante des invitations. L’impératrice douairière Joséphine l’invite à venir la voir en compagnie de son fils à La Malmaison. Même si Marie ne fut pour rien dans le divorce impérial, on peut imaginer que Joséphine n’avait aucun plaisir à entendre parler d’elle. Marie hésitait et la reine Hortense sut la convaincre d’accepter. Elle y reviendra. Selon un témoin de l’époque, la première dame de l’impératrice, « L’Impératrice témoignait beaucoup d’amitié à madame Walewska. Devant tout le monde, elle vantait ses qualités exceptionnelles et affirmait que cette bonne personne n’était pour rien dans ses malheurs. Elle lui faisait des cadeaux et comblait son fils de joujoux. Et se montrait frappée de sa ressemblance avec l’Empereur. » ( Mémoires de Mademoiselle d’Arvaillon) Il est difficile de dire si Napoléon fut contrarié ou non du rapprochement entre les deux seules femmes qu’il ait vraiment aimées.

Joséphine à La Malmaison en 1812
Pris par d’autres soucis, pris par le désir de ne pas déplaire à son épouse, une Habsbourg-Lorraine, la mère de son fils, l’héritier du trône, l’empereur délaisse Marie. Elle a vingt-sept ans. Elle est dans tout l’éclat de sa beauté, elle est une femme épanouie mais elle est probablement frustrée de ne voir son amant que rapidement et entre deux de ses soucis. Elle a des admirateurs qui l’entourent et lui font savoir son admiration. Mais elle n’en a cure car elle est fidèle. 



Mais le 2 mai 1813, elle reçoit une lettre d’un nouvel admirateur : « Ma profonde gratitude ne vous est pas seulement due pour m’avoir reçu avec tant de grâce charmante, pour m’avoir consacré votre temps ; le sentiment que vous m’inspirez me fait votre obligé plus encore. Ne le partageriez vous jamais qu’il m’aurait donné des heures d’un ineffable douceur, auxquelles il me semble interdite demander davantage…J’attendrai. » C’est ainsi que Philippe d’Ornano, général, comte d’Empire et parent de l’empereur - sa mère Isabelle Bonaparte était la cousine germaine de Charles-Marie Bonaparte, père de Napoléon - se déclarait.