06/04/2022

L'Aiglon - Première partie : La naissance d'un roi


Le roi de Rome par Gérard

Né  français, roi de Rome, il mourut autrichien, duc de Reichstadt.

Le 20 mars 1811, 101 coups de canons annoncent aux Parisiens la naissance de l’héritier tant attendu par Napoléon Ier.

La naissance n’a pas été facile. Il se présentait pas les pieds et non par la tête. A la question de savoir s’il faut sauver l’enfant ou la mère, l’empereur répondit  «Allons donc ! ne perdez pas la tête : sauvez la mère, ne pensez qu'à la mère».

Après 26 minutes de travail, «avec les ferrements», l'enfant vient au monde à 9h15 du matin. Mais on le croit mort : il reste près de 7 minutes sans donner aucun signe de vie. C’est la consternation générale autour du lit de Marie-Louise et l’on s'emploie à le frictionner, le mettre dans des serviettes chaudes, verser un peu d’eau de vie dans sa bouche. Enfin, l’enfant bouge. Le roi de Rome est vivant. 

«Eh bien Constant ! lance l'Empereur à son valet de chambre. Nous avons un gros garçon ! Mais il s'est fait joliment tirer l'oreille, par exemple…»

Présentation du roi de Rome

Tout prince se doit de venir au monde dans la gloire de son nom.

Le prince archichancelier, Cambacérès, duc de Parme, dicte l'acte de naissance que signent les deux témoins, Eugène de Beauharnais, vice-roi d’Italie et le grand-duc de Wurzbourg, oncle de Marie-Louise. Les prénoms donnés au nouveau-né sont significatifs : Napoléon, François pour son grand-père maternel, l’empereur d'Autriche), Charles, (pour son grand-père paternel, et Joseph, prénom de son parrain, roi des Espagne et des Indes.

 Cambacérès archi-chancelier de l'Empire, duc de Parme

Pourquoi fût-il créé roi de Rome, siège de la papauté ? Probablement en référence au titre de l’héritier de l’empereur germanique, qui était roi des Romains. Le Saint-Empire dissous, un titre était libre de titulaire.

L'ordre est donné de tirer les 101 coups de canons protocolaires pour la naissance d'un fils (21 prévus pour une fille), et dès le 22e coup tiré, le peuple parisien laisse éclater sa joie, «un long cri qui partit comme un mouvement électrique», rapporte la comtesse de Boigne, témoin de cette joie populaire.

La même procédure est exécutée dans les grandes villes et les ports de l'Empire, les flottes doivent être pavoisées. Les cloches du royaume, le bourdon de Notre-Dame en tête, sonnent sans arrêt du matin au soir, les Parisiens illuminent.

Voici comment Le Moniteur relate l’évènement : “Aujourd'hui 20 mars, à neuf heures vingt minutes du matin, l'espoir de la France a été rempli : S.M. l'Impératrice est heureusement accouchée d'un prince ; le roi de Rome et son auguste mère sont en parfaite santé.

 Le 19, entre huit et neuf heures du soir, S.M. ressentit les premières douleurs. Les princes et princesses de la famille, les princes grands-dignitaires, les ministres, les grands-officiers de la couronne, les grands-officiers de l'Empire et les dames et officiers de la maison, avertis par la dame d'honneur, se sont rendus au palais des Tuileries.

Depuis neuf heures jusqu'à six heures du matin, les douleurs se sont succédées avec des intervalles ; à six heures, elles se sont ralenties ; mais à huit elles ont repris avec le plus de vivacité, sans interruption, et se sont terminées par la plus heureuse délivrance.

L'EMPEREUR, qui pendant tout le travail, n'a pas cessé de prodiguer à l'Impératrice les soins les plus touchants, a montré à cet heureux instant la plus vive satisfaction, et sachant avec quelle impatience le peuple français attendait le moment où il pourrait partager sa joie, S.M. a donné l'ordre de faire tirer les salves de cent un coups de canon, qui devaient annoncer à la France ce grand évènement.

La naissance du roi de Rome, imagerie populaire

Dès que l'enfant a été présenté à S.M. l'Empereur, la gouvernante l'a présenté à S.A.S Mgr le prince archi-chancelier de l'Empire, qui avait assisté à l’accouchement.

S.A.S s'est rendue  immédiatement dans le salon de l'Impératrice, où elle a fait dresser par S.Exc M. le comte Regnaud de Saint-Jean-d'Angely, secrétaire de l'état de la famille impériale, le procès-verbal de la naissance et l'acte civil, qui a été signé, comme témoins, par S.A.I. Mgr. Le grand-duc de Wurtzbourg et S.A.I Mgr le prince Eugène, vice-roi d'Italie.

Ces formalités étant remplies, S.M. l'Empereur s'est rendu dans le salon, et a apposé sa signature sur les registres, qui ont été signés aussi par S.A.I. Madame Mère, S.M. le reine d'Espagne, S.M. la reine Hortense, S.A.I. Mme la princesse Pauline, S.A.I. Mgr le prince Borghèse, et S.A.I. Mgr le prince vice-roi d’Italie.

Signature de l'acte de naissance

Au même instant, le roi de Rome, suivi par le colonel-général de la garde de service, et précédé par les officiers de son service, a été porté par Mme la comtesse de Monstesquiou, gouvernante des enfants de France, dans son appartement.

L'Empereur a reçu ensuite les félicitations des princes, princes grands-dignitaires, des ministres, des grands-officiers de la couronne et des grands-officiers de l'Empire.

S.M. a envoyé à l'instant le premier page au Sénat, et le second au corps municipal, pour les informer de la naissance du roi de Rome.

Des pages ont été aussi envoyés au Sénat d'Italie et aux corps municipaux de Milan et de Rome, pour leur porter cette nouvelle.

S. Exc. M. le comte de Ségur, grand-maître des cérémonies, a envoyé chez les ambassadeurs, M. le baron du Hamel, maître des cérémonies, et chez les ministres étrangers, M. d'Argainaratz, aide des cérémonies, pour leur annoncer cet évènement.

S. Exc. M. le duc de Cadore, ministre des relations extérieures, a dépêché de suite des courriers extraordinaires aux ambassadeurs et ministres de l'Empereur dans les cours étrangères, pour leur faire part de l'accouchement de l'Impératrice.

Les lettres aux princes et princesses, parents de l'Empereur et de l'Impératrice, ont été écrites de la main de l'Empereur, et portées par des officiers de sa maison.

S. Exc. M. le comte de Montalivet, ministre de l'intérieur, a envoyé des courriers dans les départements pour les informer de la naissance du roi de Rome ; LL. EExc. MM. le duc de Feltre et le comte de Decrès, ministres de la guerre et de la marine, ont envoyé des ordres dans les villes de guerre et dans les ports pour que les mêmes salves d'artillerie soient tirées et que les flottes soient pavoisées.


 Le "Divin enfant" par Prud’hon

S.A.S. Mgr. le prince de Neufchâtel et de Wagram, major-général de l'armée, a envoyé dans tous les pays et places occupés par les armées françaises, l'ordre de tirer les mêmes salves qu'à Paris.

Toute la nuit qui a précédé l'heureuse délivrance de l'Impératrice, les églises de Paris étaient remplies d'une foule immense de peuple qui élevait ses voeux au ciel pour le bonheur de LL. MM. Dès que les salves se firent entendre, on vit de toutes parts les habitants de Paris se mettre à leurs fenêtres, descendre à leurs portes, remplir les rues et compter les coups de canon, avec une vive sollicitude, ils se communiquaient leurs émotions, et ont laissé enfin éclater une joie unanime, lorsqu'ils ont vu que toutes leurs espérances étaient remplies, et qu'ils avaient un gage de la perpétuité de leur bonheur.

Le soir, le roi de Rome a été ondoyé dans la chapelle du palais des Tuileries, par S. EM. Mgr. le cardinal grand-aumônier, et le Te Deum a été chanté  présence des personnes dont il a été fait mention ci-dessus.

On rendra compte de cette cérémonie dans le prochain numéro.

Ce soir, il y a illumination générale.

Afin de répondre à l'empressement de la foule qui se présente continuellement au palais, pour avoir des nouvelles de la santé de S.M. l'Impératrice, et de son auguste enfant, il y aura tous les jours, depuis huit heures du matin jusqu'à huit du soir, un chambellan de service dans le premier salon du grand appartement, pour recevoir les personnes qui se présenteront, et leur donner connaissance du bulletin que les officiers de santé de la maison de S.M. remettront deux fois par jour.

La venue d’un héritier était attendue par Napoléon qui, avec l’Empire, avait institué un régime héréditaire. Aussitôt la grossesse de Marie-Louise confirmée, il s’attacha à préparer l’événement et se préoccupa de la constitution d’une Maison des Enfants de France. Tout comme pour son mariage avec Marie-Louise, Napoléon s’en remit aux traditions de l’Ancien Régime. Dès octobre, il chargea Ségur, grand maître des cérémonies, de recherches sur le cérémonial qui accompagnait les naissances royales. Pour la constitution de la Maison et plus précisément pour la nomination et les attributions de la gouvernante, on se référait ainsi à des actes du Régent, datés de 1722, nommant Anne Julie-Adélaïde de Melun, princesse de Soubise au poste de gouvernante des Enfants et petits-enfants de France. Si l’essentiel du texte était repris, l’empereur marqua tout de même son empreinte en ajoutant les mots « sous nos ordres ».”

L'impératrice et son fils

Le bébé est ondoyé par son grand-oncle, le cardinal Fesch, Grand Aumônier de l’Empire. Il sera baptisé à Notre-Dame en présence de 7200 invités, le 9 juin 1811. Après avoir embrassé trois fois son fils, Napoléon le prend et l'élève très haut dans le ciel, tandis que le chef des Hérauts crie par trois fois : «Vive le roi de Rome !»

Qui sont les aïeux du petit prince ?

Napoléon en 1811 par Jean-Urbain Guérin, portrait miniature à la gouache sur parchemin

Du côté de son père, il y a Charles Bonaparte, avocat à Ajaccio, décédé en 1784. Il y a Maria-Letizia Ramolino, sa grand-mère maternelle, à l’époque de la naissance de l’enfant, “Madame Mère”. Les Bonaparte sont certes de bonne naissance corse, avec une ascendance noble florentine, pas vraiment prouvée, mais bien utile. Mais rien à voir avec le côté  maternel. 

Charles Bonaparte

Marie-Letizia Ramolino, “Madame Mère”

Son grand-père est l’empereur d’Autriche, François I/II, dernier empereur romain germanique. Sa grand-mère est Marie-Thérèse de Bourbon de Naples, fille de la reine Marie-Caroline, soeur de Marie-Antoinette. Elle est décédée en 1807. L’empereur et l’impératrice d’Autriche sont cousins germains, petits-enfants de la Grande-Marie-Thérèse. 

François Ier d'Autriche par Niedermann

Par son mariage autrichien, qui fut un mirage politique, Napoléon donnait à sa descendance le double sang des Habsbourg et des Bourbons. 

Marie-Thérèse de Bourbon de Naples par Elisabeth Vigée-Lebrun

La naissance du roi de Rome marque l’apogée de l’Empire. Dès 1811, les nuages s’accumulent et les orages s’annoncent. La campagne de Russie va bientôt débuter et avec elle la fin de la gloire napoléonienne. 

Tout à sa joie, Napoléon Napoléon constitue donc pour son fils une Maison sur le modèle de celle des enfants de Louis XVI. La gouvernante de l'héritier du trône est nommée à vie avec le rang des grands officiers de la Couronne.

Il a écrit à son beau-père: 

“Monsieur mon Frère et Beau-Père, hier 19, à sept heures après midi, l’Impératrice me fit demander de descendre chez elle. Je la trouvai sur sa chaise longue, commençant à sentir les premières douleurs. Elle se coucha à huit heures, et depuis ce moment jusqu’à six heures du matin elle a eu des douleurs assez vives, mais qui n’avançaient en rien sa délivrance, parce que c’étaient des douleurs de reins. Les gens de l’art pensèrent que cette délivrance pourrait tarder vingt-quatre heures ; ce qui me fit renvoyer toute la cour et dire au Sénat, au corps municipal et au chapitre de Paris, qui étaient assemblés, qu’ils pouvaient se retirer. Ce matin, à huit heures, l’accoucheur entra chez moi, fort affairé, me fit connaître que l’enfant se présentait par le côté, que l’accouchement serait difficile, et qu’il y aurait le plus grand danger pour la vie de l’enfant. L’Impératrice, fort affaiblie par les douleurs qu’elle avait essuyées, montra jusqu’à la fin le courage dont elle avait donné tant de preuves, et à neuf heures, la Faculté ayant déclaré qu’il n’y avait pas un moment à perdre, l’accouchement eut lieu dans les plus grandes angoisses, mais avec le plus grand succès. L’enfant se porte parfaitement bien. L’Impératrice est aussi bien que le comporte son état ; elle a déjà un peu dormi et pris quelque nourriture. Ce soir, à huit heures, l’enfant sera ondoyé. Ayant le projet de ne le faire baptiser que dans six semaines, je charge le comte Nicolaï, mon chambellan, qui portera cette lettre à Votre Majesté, de lui en porter une autre pour la prier d’être le parrain de son petit-fils.
Votre Majesté ne doute point que, dans la satisfaction que j’éprouve de cet événement, l’idée de voir perpétuer les liens qui nous unissent ne l’accroisse considérablement.”

La gouvernante était nommée à vie et avait le pas sur toutes les dames de la Cour. Napoléon cherchait une femme dont le nom, la naissance, les vertus ennobliraient encore la charge. Par le brevet du 22 octobre, il fixa son choix sur la comtesse de Montesquiou, née Louise Le Tellier de Louvois, femme du grand chambellan,  avec des ancêtres Noailles et Gontaut, familles illustres de l’ancienne noblesse.

La comtesse de Montesquiou dut constituer la Maison des Enfants de France, qui fut arrêtée au cours des premiers mois de 1811. Elle comprenait deux sous-gouvernantes, la comtesse de Boubers-Bernatre et la baronne de Mesgrigny, suivies des premières femmes de chambre, puis des femmes de la garde-robe, les nourrices, sans oublier la maison masculine avec les écuyers, le secrétaire mais aussi le médecin ordinaire et bien d’autres encore. 

Madame de Montesquiou, “Maman Quiou” 

Madame de Montesquiou gérait en fait un véritable ministère, très hiérarchisé. La Maison des Enfants de France renouait avec les fastes de l’Ancien Régime. Cela semblait normal pour l’héritier du grand empire français, par son père, monarque absolu, et petit-fils de France et d’Autriche par sa mère.

Madame de Montesquiou par Alexandre Menjaud

La layette du bébé fit également l’objet de toutes les attentions, avec 100 000 francs alloués au trousseau et 20 000 francs pour l’entretien de la garde-robe. Elle comprenait  42 douzaines de langes, 20 douzaines de brassières, 

Une brassière du Roi de Rome

26 douzaines de chemises, 50 douzaine de couches, 12 douzaine de fichus de nuit et de mouchoirs sans oublier les robes en batiste, en satin, ornée d’abeilles. Certaines pièces subsistent encore.

Facture de la layette par la Maison Minette à Paris

L’enfant devait être bien logé et avoir ses meubles. Là encore Madame de Montesquiou fut en charge de l’ameublement et du décor dans lequel allait vivre l’enfant. Dès la fin de novembre, elle se préoccupa des berceaux. Il en fallait au moins deux. Un premier fut commandé à Jacob-Desmalter. Il était destiné à l’appartement du roi de Rome à Saint-Cloud. Il est aujourd’hui conservé au château de Fontainebleau. 

Berceau du roi de Rome, en barcelonette 

Le second est commandé à Thomire, Duterme et Cie pour l’appartement des Tuileries. En bois d’if, il présente une ornementation riche évoquant le Tibre et la Seine. Ce berceau est également conservé à Fontainebleau. 


Berceau du roi de Rome

De son côté, la mairie de Paris fit présent à l’empereur, le 5 mars 1811, d’un somptueux berceau dessiné par Prudhon et réalisé par Thomire et Odiot. En argent doré, nacre, velours, soie et tulle c’est une véritable pièce d’orfèvrerie, il coûta la somme de 152 289 francs. 

Berceau  du roi de Rome, projet par Percier et Fontaine


Cette pièce fut par la suite envoyée à Vienne, où il se trouve toujours, à la demande de Marie-Louise. 

Berceau conservé à Vienne

En-dehors des berceaux, Madame de Montesquiou commanda un ensemble de meubles et objets destinés à l’enfant comme des commodes, des lits pliants, des bibliothèques portatives. L’orfèvre Biennais fut chargé de réaliser une vaisselle en argent.

L’enfant était largement pourvu. Bien plus que ses cousins Habsbourg ou Bourbons !

Les lieux dans lesquels devait vivre l’héritier de l’Histoire étaient nombreux.

Aux Tuileries le roi de Rome habitait au rez-de-chaussée, de la façade Est de l'aile Sud du palais, une suite d'enfilade de dix pièces. Il eut son appartement à Compiègne, à l’Elysée, à Rambouillet et à Meudon, dans l’ancienne demeure du Grand Dauphin, fils de Louis XIV.

Napoélon avait aussi envisagé de lui faire construire un palais sur la colline de Chaillot, jamais réalisé. 



Projet du Palais de Chaillot

Soucieuse de former l’enfant, dès son plus jeune âge, à la lecture, la comtesse de Montesquiou, appelée par lui « maman Quiou » souhaita débuter au plus tôt l'apprentissage de la lecture ; elle fit appel à la méthode mise au point par Madame de Genlis pour l'éducation des enfants du duc de Chartres. 

Méthode d’apprentissage de la lecture par l’abbé Alexandre Bertaud

On lui constitua une bibliothèque. On l’abonna à plusieurs journaux comme Le Moniteur, Le Journal de l'Empire, La Gazette de France. De nombreux ouvrages sont commandés pour lui donner une solide éducation religieuse, morale, historique et militaire, comme les Anecdotes chrétiennes, les Anecdotes militaires, les Figures de la Bible, les Fastes de la Nation française et des puissances alliées, les vues des Ports de mer de France, le Dictionnaire historique des Grands Hommes. 

L’armée ne fut pas oubliée. Il apprit à distinguer les uniformes. Madame de Montesquiou lui offrit pour son premier anniversaire « un cavalier lancier polonais roulant et mouvant ».

Canon sur son affût et attelage acquis pour le Roi de Rome.

Il eut aussi droit dès décembre 1811, à « un piano à trois octaves, boîte en acajou et touches en ivoire ». 

Rien n’était assez beau pour l’espoir de la nouvelle dynastie et de son empire. 

Mais la réalité vécue par la France, les Français et leur empereur était bien loin de ce rêve d’un père atteint de démesure. Napoléon ne connut son fils que très peu. Entre les campagnes de Russie (11 novembre 1811- 8 mai 1812) d’Allemagne (19 décembre 1812-14 avril 1813) et de France ( 10 novembre 1813-24 janvier 1814) il n’eut l’occasion de jouer avec lui que quelques fois.

Le roi de Rome endormi sur les genoux de son père par Charles de Steuben

Tout s’accélera. Le temps d’Austerlitz, de Wagram et de tant de victoires n’était plus. A l’entrée des Alliés dans Paris, l’impératrice et le roi de Rome étaient à Rambouillet. L’empereur était à Fontainebleau.


Premier acte d'abdication de Napoléon 

Le 12 avril 1814, après que Napoléon eut essayé vainement de lui conserver sa couronne, le jeune prince n’était plus roi de Rome, l’empire français avait disparu et les Bourbons, ses cousins, étaient de nouveau sur le trône de France.

Par le traité de Fontainebleau du 11 avril 1814, Napoléon François Joseph Charles Bonaparte, Sa Majesté, le roi de Rome, était devenu Son Altesse sérénissime le prince de Parme, Plaisance et Guastalla.

L’Empereur d’Autriche François I est arrivé à Paris le vendredi 15 avril. Dès le lendemain, François II va voir sa fille accompagné de Metternich. Marie-Louise, accompagnée de Mme de Montesquiou et de son fils, descend l’escalier du palais pour accueillir son père. En l’apercevant, elle fond en larmes, avant même de l’avoir embrassé et lui jette vivement le petit Roi dans les bras. C’est là un muet reproche que doit comprendre l’Empereur François I en serrant sur son cœur son petit-fils qu’il voit pour la première fois et dans ces circonstances si douloureuse pour la mère. Son émotion est réelle . Il le regarde avec tendresse et promet de veiller sur lui. " Il est bien de mon sang qui coule dans ses veines” dit-il. Puis il écrit à son beau-fils : “Monsieur mon frère et cher beau-fils, la tendre sollicitude que je porte à l’Impératrice, ma fille, m’a engagé à lui donné un rendez-vous ici. J’y suis arrivé il y a peu d’heures et je ne suis que trop convaincu que sa santé a prodigieusement souffert depuis que je ne l’avais vue.Je me suis décidé à lui proposer de se rendre pour quelques mois dans le sein de sa famille. Elle a trop besoin de calme et de repos et Votre Majesté lui a donné trop de preuves de véritable attachement pour que je ne sois pas convaincu qu’elle partagera mes vœux à cet égard et qu’elle approuvera ma détermination. Rendue à la santé, ma fille ira prendre possession de son pays, ce qui la rapprochera naturellement du séjour de Votre Majesté. Il serait superflu, sans doute, que je donnasse à Votre Majesté que son fils fera partie de ma famille et que, pendant mon séjour dans mes Etats, il partagera les soins que lui voue sa mère.”

Il écrit en même temps à Metternich : “L’important est d’éloigner Napoléon de la France et plût à Dieu qu’on l’envoyât le plus loin possible. Aussi avez-vous eu raison de ne pas différer la signature du Traité jusqu’à mon arrivée à Paris car ce n’est que par ce moyen qu’on peut mettre fin à la guerre. Je n’approuve pas le choix de l’île d’Elbe comme résidence de Napoléon, on la prend à la Toscane, on dispose en faveur d’étrangers d’objets qui conviennent à ma famille. C’est un fait qu’on ne peut admettre pour l’avenir. Napoléon reste trop près de la France et de l’Europe. Du moment que Mme l’Archiduchesse est séparée de son mari, elle appartient à son père et seulement lui peut et a le droit de la prendre sous sa protection… “. “Madame l’archiduchesse” ! Il n’y a plus d’impératrice des Français

Départ de Marie-Louise des Tuileries

Caulaincourt raconte les derniers moments de Marie-Louise en France, à Rambouillet : “Elle me reçut avec une grande bonté, pleura beaucoup, parla longtemps de l’Empereur et avec attendrissement. Elle me parut disposée à tout faire pour emplir ses intentions et le rejoindre, le consoler dans sa mauvaise fortune, adoucir son sort par ses soins et son empressement se réunir à lui. Aller aux eaux d’Aix en Savoie et le suivre s’il était forcé de partir avant paraissait son désir…Je fus voir le Roi de Rome : ce moment fut aussi bien pénible pour moi. Mme la comtesse de Montesquiou, comme une bonne mère ne le quittait pas. Pauvre enfant ! Moins d’un an avant, il fixait sur lui les regards du monde, huit jours ne s’étaient pas écoulés qu’il était encore l’espoir de notre malheureuse France ! Quelle destinée ! Quel sera son sort ?. Je baisai religieusement la main du royal enfant et me retirai. Je rentrai chez l’Impératrice pour prendre les derniers ordres.”

Le 23 avril 1814, Marie-Louise, nouvelle duchesse de Parme, quittait la France avec son fils qui n’était plus roi de Rome, pour rejoindre momentanément Vienne et l’y laisser. Il devint alors membre à part entière de l’Archi-Maison d’Autriche. 

Dernier portrait en France

21/02/2022

Un Palais Rose en banlieue - deuxième partie - Après le comte, la marquise

  





La marquise Casati


Si Robert de Montesquiou fut considéré comme un original, que dire de la marquise Casati qui lui succéda au Palais Rose. Il faisait figure d’enfant de chœur à côté d’elle. Il faut dire qu’il était loin d’avoir sa fortune. 




La marquise Casati avec sa fille


Née à Milan le 23 janvier 1881, fille d'un industriel milanais d'origine autrichienne, Luisa Amman, dispose d'une fortune considérable. Sa soeur et elle furent considérées comme les plus riches héritières d’Italie. En 1900, elle épouse le marquis Camillo Casati Stampa di Soncino, issu d'une famille de la noblesse lombarde remontant au XIe siècle. Malgré la naissance d'une fille, Cristina, le mariage ne tient pas longtemps. Cristina épousera Francis Hastings, 16ème comte de Huntingdon, dont elle divorcera en 1943. Il existe encore des descendants.  



Cristina Casati, comtesse de Huntingdon


La jeune marquise Casati n'est guère prédisposée au rôle d'épouse et de mère. En 1903, Luisa rencontre Gabriele D'Annunzio avec lequel elle entretiendra une longue liaison. Sa métamorphose commence. Elle donne dès lors libre cours à son caractère excentrique, menant une vie fastueuse et dispendieuse, arborant des tenues de plus en plus originales, inattendues, insensées même, devenant l'inspiratrice et la protectrice de nombreux artistes. Officiellement séparée de son mari en 1914 - le divorce, ne sera prononcé qu'en 1924 - Luisa obtient néanmoins le droit de conserver le titre et le nom sous lesquels elle a acquis sa  notoriété. 



Palazzo dei Leoni à Venise

Aujourd'hui la Fondation Peggy Guggenheim


Installée à Venise depuis 1910, Luisa quitte en 1924 son Palais sur le Grand Canal (l'actuel musée Peggy Guggenheim)  pour s’installer au Vésinet, où elle avait été plusieurs fois l'invitée de Robert de Montesquiou. Raffolant des serpents - son boa ne la quitte pas - ,elle s'entoure aussi volontiers de panthères, voire de tigres. Elle fit d’ailleurs aménager une grande cage à reptiles chauffée dans le jardin d’hiver à l’ouest du grand salon. 



La marquise et son boa


Luisa aménage dans l’Ermitage, le pavillon du palais Rose, un véritable musée à sa gloire, exposant les quelque cent trente peintures, sculptures, dessins et photographies que les plus grands artistes de l'époque lui ont consacré. Boldini, Augustus John, Van Dongen, Romaine Brooks et Zuloaga ont fait son portrait. 




Boldini - Augustus John - Man Ray


Balla, Barjansky et Epstein l'ont sculptée. Man Ray, Beaton et de Meyer l'ont photographiée. Elle a fait danser Nijinski et Isadora Duncan dans ses salons. Elle a influencé des cinéastes et des écrivains tels que Vincente Minnelli, Tennessee Williams, Jack Kerouac et Maurice Druon. Elle fut le symbole de l’art futuriste. “Je veux être une oeuvre d’art vivante” était sa devise.


«Une morte entra. Sa taille souple se moulait dans un satin blanc qui l'enroulait comme un suaire à la longue traîne, un massif d'orchidées cachait sa poitrine. Ses cheveux étaient roux, son visage livide d'albâtre, veiné de vert, disparaissait, dévoré par deux yeux énormes dont un cerne noir atteignait presque la bouche teinte en rouge, si foncé qu'elle semblait une barre de sang coagulé. Elle portait un tout jeune léopard dans ses bras. C'était la marquise Casati» (Cité in Louis Chaumeil, Van Dongen, Pierre Cailler Editeur, Genève, 1957, p. 164.) 




Vêtue de blanc en 1920


Inspirée par deux icônes féminines qu'elle admirait, Sarah Bernhard et la comtesse de Castiglione, elle a teint ses cheveux d'un rouge ardent, a fortement mis en valeur ses yeux avec du maquillage noir et a même utilisé des gouttes de belladone pour dilater les pupilles. Elle a gardé sa peau diaphane sous des couches de poudre. Elle a modifié le décor de ses maisons. Brocarts, tentures, dorures furent remplacés par une décoration futuriste en noir et blanc 





Intérieur redécoré


Un soir la marquise Casati fit le tour de Venise avec un léopard en laisse en diamants  et une servante africaine portant une torche pour que tout le monde puisse la voir.  Elle a transformé la Place Saint Marc en salle de bal, avec des “esclaves” habillés de rouge enchaînés les uns aux autres pour empêcher la foule d'entrer. En 1913, à l’ambassade de France à Rome, elle arriva vêtue d’or, flanquée de domestiques nus qui avaient été peints de la même couleur, avec un paon en laisse.


En 1922, Man Ray l'a représentée sur une photo «magique», avec des yeux doubles: une paire pour voir et une paire pour être vue. Et c’est le souvenir que l’on garde d’elle. 

D’Annunzio disant d’elle qu’elle était «aussi insaisissable qu’une ombre dans le Hadès». Et Jean Cocteau de dire que son allure n’était pas dans la beauté ou la surprise mais dans le choc provoqué.



Marquise Casati, photo de Man Ray


Dans son numéro du 1er septembre 1927, Vogue (Paris) raconte une fête au palais Rose : 

“Dans les jardins décorés et éclairés suivant la tradition vénitienne au XVIIIe siècle, la marquise Casati vient d'évoquer pour nous, avec une poésie infinie, le personnage étrange et magique de Cagliostro. Habillé d'or et d'argent, botté d'or, un masque d'or sur les yeux, la main droite posée sur sa longue épée, ce personnage fantastique, qu'il nous fut donné d'admirer dans cette soirée magique au Palais Rose, est évoqué par Drian.
Nous ne vîmes rien de plus évocateur et poétique à la fois que la fête Cagliostro donnée par la Marquise Casati dans son Palais Rose, au Vésinet.  

La marquise en Cagliostro


C'était tout le faste des fêtes vénitiennes du XVIIIe siècle. La décoration des jardins, la livrée nombreuse, l'art savant des lumières, tout cela organisé et voulu, comme à la grande époque, nous valut une inoubliable soirée. Sous un arbre immense, Cagliostro (la Marquise Casati), en un merveilleux costume d'or et d'argent, entouré du Cardinal de Rohan et de la Camargo, saluait au passage les Ombres du Passé que le « Squelette » (Mister A. Stopfford) appelait du fond du jardin. Un jet de lumière les inondant au sortir de l'antre obscur nous permit de voir Cléopâtre, Diane de Poitiers, Béatrice d'Este, Lord Byron, etc. défiler en des costumes merveilleux.  



La marquise Casati reçoit

lI y eut aussi un défilé en carrosse, de la Reine Marie-Antoinette (la Vicomtesse Jean de Segonzac) et du Comte d'Artois (Pierre Meyer), puis l'arrivée tardive du serpent que quatre Egyptiens apportèrent, roulé au fond d'un sarcophage, — mais quand, pour le souper, on rentra dans les salons, on put crier son admiration au serpent de jais noir qu'était la Duchesse de Gramont, née Ruspoli ; on put voir et féliciter le Doge Mocenigo, en habit (le Comte de Beaumont) promenant sa robe de Doge. La Comtesse Thérèse d'Hinnisdal fut une Diane de Poitiers un peu mystique, ce qui lui valut à nos yeux un attrait nouveau. Casanova (The honourable Mrs Reginald Fellowes) si mince et si frêle, nous présenta le grand conquérant presque enfant, mais qu'importe, puisqu'il était, en elle, idéal de grâce. Le Comte Gautier-Vignal fut un Hamlet impressionnant, Lady Colebrooke un Pierre Le Grand plein de force et de grandeur. La Marquise de Lubersac, très belle en Béatrice d'Este. Puis nous vîmes le Cardinal de Richelieu, Ninon de Lenclos, etc. etc. 


La reine de la nuit en 1922

Créer un personnage et le faire revivre à nos yeux n'est pas chose aisée, mais reconstituer une atmosphère de plusieurs siècles passés, vous donner la sensation que vous êtes, vous spectateur, un personnage qui rêve parce que vous voyez se mouvoir autour de vous les corps de ceux qui, depuis de longs jours, sont passés dans un autre royaume, voilà un art supérieur et que possède comme aucun autre de nos contemporains, la belle Marquise Casati dont l'intelligence égale la fantaisie.

Lequel d'entre nous a oublié la fête donnée par elle sur la place Saint-Marc, à Venise, il y a quelques années ? Pas davantage nous ne pourrons effacer de notre esprit la fête magique Cagliostro à laquelle nous avons été conviés cette année dans le merveilleux décor du Vésinet. Ce Palais Rose reste pour nous l'expression d'une âme comblée, qu'un désir constant d'harmonie rend indifférente au monde extérieur, pour ne s'orienter que vers les sphères plus hautes où l'être supérieur veut se réaliser.

Lady Colebrooke, évoquant Pierre Le Grand, merveilleusement maquillée, donnait une impression de grandeur remarquable. La Comtesse Thérèse d'Hinnisdal, dans un admirable costume du grand artiste italien Caramba, évoquait Diane de Poitiers. On ne pouvait avoir plus de distinction et d'allure. La Marquise de Chabannes, née Béthune, en Cléopâtre, portait un costume seyant à merveille à son type : lamés d'or, broderies et bijoux admirables, le tout composé par Caramba.” 


Quand elle donnait des dîners, elle les éclairait parfois par les seules ampoules dont été constitué son collier. 


Avec son style de vie extravagant, la marquise Casati a gaspillé son énorme fortune, ayant accumulé des dettes égales à 25 millions d'euros aujourd'hui. En 1932, ruinée, elle abandonne le Palais rose aux créanciers. L'extraordinaire collection est dispersée et le Palais hypothéqué puis vendu.   







La marquise Casati non déguisée et presque naturelle


A Londres où elle s’est exilée, fuyant ses créanciers, elle se promenait en  ville vêtue de robes de velours en lambeaux, de chapeaux voilés et de gants léopard. Les yeux maquillés au cirage à chaussures, le vrai étant trop cher. La marquise Casati est décédée en 1957, enterrée dans une cape léopard, avec le bien-aimé chien pékinois qu'elle avait embaumé à ses pieds. Son héritage se perpétue, à travers sa renommée et le travail d'artistes et de créateurs du monde entier, qui célèbrent cette icône féminine, héroïne audacieuse et irrévérencieuse.



Luisa Casati par Romaine Brooks




Luisa casati en 1920 par Van Dongen



Comme elle l'aurait sûrement souhaité, l'héritage artistique et culturel important de Luisa Casati continue d'être reconnu à ce jour. Les œuvres d'art majeures et inspirées par elle continuent de fournir des pièces maîtresses provocantes pour des expositions importantes dans le monde entier. Le sens de la mode innovant de Casati est aujourd'hui d'une pertinence majeure, qui reste une ressource constante pour les grands designers débutants du monde entier. Il s'agit notamment de John Galliano, Karl Lagerfeld, Tom Ford, Alexander McQueen, Alberta Ferretti et Dries Van Noten.



Collection John Galliano pour Dior

La propriété est divisée en huit lots pour la vente. Le premier lot comprenant le palais Rose et l’Ermitage, est acquis par Olivié Scrive-Masure en 1938. Avec sa famille, il tente de reconstituer la propriété telle que laissée par Montesquiou, faisant disparaître les traces du passage de la marquise Casati. Il rachète quatre lots supplémentaires. En 1948, Olivié 

Scrive-Masure cède le Palais Rose à la Société Nouvelle du Palais Rose dont il est l’actionnaire majoritaire, et se réserve l’Ermitage. 

Les Scrive sont une famille originaire de Lille, ayant fait fortune dans l’industrie textile, tout au long du XIXe siècle. Ils ont largement contribué à la prospérité de la région. La famille atteint un niveau de prestige qui les met au rang des plus grands noms de la finance et de l’industrie. Ainsi ils reçurent dans leur hôtel particulier de Lille Charles X roi de France, Louis-Philippe, roi des Français, et la reine Marie-Amélie, les souverains belges, Léopold Ier et Louise. Napoléon III vint aussi. Mais leur cercle n’était pas que royal. Ils reçurent Victor Hugo, Chopin, Saint-Saëns, Massenet, Alfred Cortot et tant d’autres. Don Bosco, bien connu pour son activité caritative d’enseignement, vint aussi.

En achetant le Palais Rose, Olivié Scrive-Masure et son épouse s’inscrivaient dans la ligne de leur famille qui possédait déjà de nombreuses demeures, châteaux historiques et hôtels particuliers. Ils y installèrent un train de maison, qui, comme disent les membres actuels de sa famille en s’en souvenant, était digne de Downton Abbey.


Plaque commémorative du séjour du général de Gaulle


Le Palais Rose, après ses moments de folies et ses déboires connut une période de calme, interrompue toutefois le 11 mai 1940 par l’arrivée du colonel de Gaulle, qui s’y installa pour trois nuits recevant ainsi, à l’Ermitage, l’hospitalité des Scrive-Masure, du 12 au 15 mai. Il venait d’être nommé général de brigade à titre temporaire. Il  fait allusion à ce passage au Vésinet dans le premier chapitre du Tome 1 de ses Mémoires de Guerre. Il écrit : « ...Le 11 mai, je reçois l'ordre de prendre le commandement de la 4e Division cuirassée, qui, d'ailleurs, n'existe pas, mais dont les éléments, venus de points très éloignés, seront mis, peu à peu, à ma disposition. Du Vésinet, où est d'abord fixé mon poste, je suis appelé, le 15 mai, au Grand Quartier Général pour y recevoir ma mission ». Le commandement lui-même avait été installé à la Villa Beaulieu, voisine. C’était au lendemain de l’attaque allemande qui conduisit à la déroute de l’armée française, puis à l’armistice de la “clairière de Rethondes” et à l’appel du 18 juin 1940. 




Charles de Gaulle


Sans vraiment entrer dans l’histoire de France, le Palais Rose reçut un de ses acteurs principaux au XXe siècle.


A la mort d’Olivier Scrive-Masure en 1955, sa veuve continua d’habiter l’Ermitage. En 1972, les héritiers vendent l’Ermitage à Mr Arnaud d’Aboville. En 1981, le Palais Rose, lui, est vendu par la Société Nouvelle du Palais Rose à Maurice Blumental et son épouse Geneviève Leroy, qui l’année suivante rachètent l’Ermitage reconstituant la propriété d’origine. Ils entreprirent d'importantes transformations tant sur les façades Nord, Ouest et Sud du bâtiment qu'à l'intérieur de celui-ci, confiées à l’architecte parisien Jean-Louis Cardin.

En 1988, après l'inscription du Palais Rose sur l'inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques, le 11 juillet 1986, ils procédèrent au réaménagement de la bibliothèque du comte de Montesquiou. La distribution originelle, que l'on connaît notamment grâce aux photographies Montesquiou et Scrive, fut entièrement remodelée. A la fin des années 1990 il a été acheté par la SCI Palais Rose qui a demandé une enquête à l’agence GRAHAL, spécialisée dans les études historiques et documentaires dans le cadre d’opérations de réhabilitation ou de restructuration d’un patrimoine immobilier en vue  du classement comme monument historique.

Débute alors le chantier qui va durer six ans, durant lequel Emad Khashoggi à la tête de sa société, la COGEMAD, va entièrement rénover et agrandir le palais Rose, tout en conservant le niveau noble tel que répertorié dans l’inventaire supplémentaire.  

Façade arrière aujourd’hui 

Le niveau inférieur a été décaissé de 1,20m pour en augmenter la hauteur sous plafond d’origine, qui était de 2,10m seulement, pour pouvoir accueillir, non plus les services domestiques mais des appartements privés. Les ouvertures ont été agrandies. Il y a eu un décaissement supplémentaire pour l’ajout d’un niveau en sous-sol, éclairé par des puits de lumières. Ce niveau accueille aujourd’hui un espace de loisirs constitué d’une salle de sport, une salle de cinéma, une piscine, une salle de jeu et un garage.



La piscine

Les anciens décors ont été restaurés en faisant appel à des artisans spécialistes des Monuments Historiques, doreurs, sculpteurs, ébénistes, marbriers et tailleurs de pierre ont ainsi restauré l’ensemble des décors grâce à l’usage des techniques traditionnelles propres à chaque spécialité. Une nouvelle cage d’escalier monumentale de 25 mètres carrés servant de liaison entre les différents niveaux, a été créée. L’Ermitage a aussi été restauré. L’ensemble, bien entendu, bénéficie aujourd’hui de tout l’appareillage domotique le plus sophistiqué.  


La galerie d’entrée


Emad Khashoggi appartient à une famille du Moyen-Orient ayant une riche histoire : un grand-père médecin personnel du roi d’Arabie, un oncle, sulfureux marchand d’armes, une tante ayant épousé puis divorcé d’un homme d’affaire égyptien et dont elle eu un fils, Dodi Al-Fayed, le dernier amour de la princesse Diana, dont Emad est le cousin germain.


La COGEMAD a construit ou restauré un certain nombre de demeures de grand luxe, à Paris ou à Cannes. Le palais Rose du Vésinet est sa plus belle réalisation, car la plus fidèle à l’esprit de son constructeur et à celui de son premier occupant, même si l’ameublement reflète moins de fantaisie.


 




Les salons




La salle-à-manger




Détail d'ornementation


La demeure est aujourd’hui en vente pour la modique somme de 48 millions d’euros. Il n’est pas certain que le nom de ses prestigieux précédents propriétaires parlent aux nouveaux acquéreurs. Mais peu importe, à la différence de son parent de l’avenue Foch, il est encore debout et continuera à alimenter les rêves de grandeur de son propriétaire comme il a alimenté les rêves du comte Robert de Montesquiou, qui prirent fin quand ses amis , d’Annunzio, Rubistein, Debussy, Colette et bien d’autres, lassés d’aller si loin de Paris, refusèrent ses invitations 

 




Une invitation de Robert de Montesquiou


et les folies animalières et carnavalesques, voire grotesques, de la marquise Casati.



                                                                Habillée en fontaine


Avec son léopard



Le classicisme retrouvé