08/01/2019

Marie Walewska - Deuxième partie


Le mariage

Les paroles prononcées par Eva Łączyńska ne relevaient pas du voeu pieux. A peine sa fille rentrée à la maison, qu’elle s’occupa de réaliser son projet de marier sa fille au plus vite avec un homme riche et influent. Il ne semble pas qu’il lui ait été difficile de le trouver. 


Château de Walewice

Suivons Maria, qui sera désormais Marie, dans ses confidences: « Quelques jours après mon retour sous le toit natal, un samedi qui se trouvait être la veille de la Pentecôte, elle me signifia l’ordre de me préparer une toilette soignée pour le lendemain car, disait-elle, nous irons entendre la messe à l’église paroissiale de Walewice et comme le comte de Walewski, seigneur du lieu a l’habitude d’inviter ses voisins à dîner au château, je présume que nous serons obligées d’y aller et je désire que vous paraissiez avec avantage. » (Fonds Marie Walewska )

Salle-à-manger de Walewice

Marie n'a vu dans cette proposition qu'une occasion de bien s'habiller et de s'amuser. Le comte Walewski avait 70 ans et était veuf depuis 15 ans, à cette période. Il avait de plus un petit-fils âgé de plus de 9 ans que Maria, raconte-t-elle toujours. Il avait la réputation de vivre retiré dans sa campagne. Sortant de son couvent, elle ne pouvait imaginer ce que sa mère tramait.

A peine au salon, « Les premiers préludes d’échanges passés, ma mère apercevant un piano dans le salon s’empressant de l’ouvrir pour produire ce qu’elle appelait mes talents. J’eus beau résister, il fallut se soumettre de bonne grâce et faire entendre mon répertoire de danses nationales qui bien mal joué sur un piano désaccordé n’en fut pas moins applaudi à grand bruit. » (Fonds Marie Walewska ) Mais Eva Łączyńska ne pouvait se contenter de ce premier effet «  Je suis fâchée de ne pas en savoir autant dit encore ma mère, à mon grand chagrin, vous l’auriez vue danser et c’est son triomphe, c’est là où elle excelle. »

« Et bien Madame, il ne tient qu’à vous de me procurer ce plaisir. Voulez-vous accepter un bal chez moi, je m’empresserai de vous l’offrir. Je le veux bien, répondit ma mère enchantée. C’est à des seigneurs riches comme vous l’êtes, Mr le comte, à donner des réunions aux pauvres voisins comme nous et faciliter aux mères la possibilité de produire leurs filles afin de les établir » Cette scène n’est pas sans rappeler « Orgueil et Préjugés » de Jane Austen, où Madame Bennett ayant cinq filles à marier, emploie un stratagème pour obtenir un bal de Me Bingley, qu’elle pressent comme un mari souhaitable pour sa fille aînée.  

Chargées de « cornet de bonbons, de nougat, de bouquets » elles quittèrent le château. Sur le chemin de retour la mère ne perdit pas de temps pour placer ses jalons. 

Façade de Walewice

« - Ma chère Marie, me dit ma mère, pendant que nous traversions la grande cour ainsi que les belles avenues du château, si vous pouviez régner ici, cela ne serait pas si mal. J’aurais une vieillesse heureuse et tranquille.

- Comment cela ma mère ( car je ne la comprenais pas
- Oh mon enfant, vois-tu, Mr W ( ainsi dans le texte) est vieux, cela est vrai mais aussi il est riche. En vous épousant, il serait tenu pas les usages du pays à vous faire de grands avantages, étant veuf et vous fille. Son caractère est bon, doux, vous en feriez tout ce que vous voudriez. Et ce beau château, ce parc, ce magnifique mobilier nous donneraient un grand bien-être. Vous pourriez aider vos frères, vos soeurs et me faire couler une vieillesse heureuse. »

Dans un premier temps Maria est incrédule, voire interdite. Eva Łączyńska insista : 
«  - Si vous vouliez mettre un peu de complaisance, de bienveillance, je suis plus que certaine que la semaine prochaine après le bal, il ne demanderait pas mieux que vous donner le titre de comtesse de W. et son beau château. 
  • Ah ! Que Dieu m’en préserve ! fut la réponse qui m’échappa.
  • A peine l’eus-je lancée qu’un vigoureux soufflet m’en fit repentir. Habituée à craindre et honorer ma mère, je ne répliquais plus. Mes larmes m’inondèrent tandis qu’elle continuait à m’accabler de reproches. »

S’il est vrai que les jeunes filles savaient que leur mari serait choisi par la famille, elles ne s’attendaient pas à épouser un vieux barbon. Le mariage était une loterie. Certaines tiraient le bon lot, d’autres pas. Marie avait conscience que la situation financière de sa famille n’en faisait pas un grand parti, malgré sa beauté, son instruction et son intelligence. Pas de dot et une situation mondaine écornée ! Sa mère lui reprocha alors d’être une charge pesante pour la famille, d’oublier qu’elle lui devait son éducation et qu’il valait mieux épouser un homme âgé mais riche que de vivoter. Mais les soixante-dix ans du comte Walewski était une idée à laquelle la jeune fille de quinze ans et demie ne pouvait se résigner. De plus, elle pensait que lui-même n’aurait pas cette idée ridicule.

Mais la magie d’un bal lui fit oublier ces préoccupations. Les bouquets, les guirlandes de fleurs, une robe en gaze lui permirent d’oublier comment et pourquoi ce bal était organisé. Et le jour du bal arriva. Eva Łączyńska insista avant le départ sur l’espoir qu’elle mettait en sa fille. C’était un grand bal avec de nombreux invités que le comte Walewski recevait, en tenue de chambellan du roi Stanislas Poniatowski. Il attendait Mare avec une impatience qu’il ne dissimula pas . « J’attendais impatiemment la reine de mon bal. » Marie était éblouie et embarrassée à la fois. Tant de monde, tant de compliments lui tournaient la tête.


Escalier de Walewice

Le comte Walewski ouvrit le bal avec Eva Łączyńska  et Marie eut pour cavalier un jeune homme «  de l’extérieur le plus distingué » qu’elle avait remarqué en arrivant mais dont elle n’avait pas compris le nom lors de sa présentation. Elle dans avec lui plusieurs polonaises de suite, séduite par l’esprit, l’aisance et l’allure du jeune homme dont le nom que le comte Walewski introduisit ainsi « Voici un oiseau de passage que j’arrêtai au vol pour vous présenter un partner ( sic) digne de vous : Comte Souvorov !…Je ne saurais rendre le bouleversement intérieur que je ressentis au retentissement de ce noms connu pour avoir figuré parmi les ennemis les plus acharnés de notre patrie. »


Arkady Souvorov, cousin de l’amoureux de Marie

En effet, probablement l’oncle du jeune homme, le comte Alexandre Souvorov (1730-1800) comte de Rymnik, prince d'Italie, comte du Saint-Empire romain germanique, généralissime au service de l'Empire russe, était un des militaires russes les plus honnis en Pologne. Il fut chargé par Catherine II d’écraser l’insurrection fomentée par Tadeusz Kościuszko. Il est le responsable du massacre de Praga, où rappelons-le,  le 4 novembre 1794 par le massacre de Praga, dont il a été parlé plus haut.


Salle de bal d'un château polonais

« En un mot, c’était un russe  ! Et mon coeur se soulevait contre cette origine. Je la voyais teinte du sang de mes compatriotes, oppressant ma terre natale. » » dit-elle en parlant du beau jeune homme. Et c’est avec horreur qu’elle regardait désormais celui qui lui avant plu portant un nom qui lui était odieux.  Le comte Souvorov de son côté avait été séduit et charmé par Marie et il prit son embarras pour de la timidité, normale chez une jeune fille bien élevée. 

A la fin du bal quand le comte Walewski la complimentait sur sa conquête, aimable mais sans doute un peu hypocrite, et qu’il lui vantait l’immense fortune du jeune homme, elle répliqua : « Il la doit sans doute aux confiscations de victimes nobles et dignes que son père a dépouillées . Fi! L’horreur, ne m’en parlez pas. » Toujours conciliant le comte Walewski lui vanta les mérites du jeune homme qui contrevenait à son père avait les meilleurs sentiments envers les Polonais. 
« - Ne le repoussez donc pas, Mademoiselle Marie, son admiration doit au moins lui valoir un bon accueil. 
Ah ! Monsieur, un Russe ne doit jamais s’attendre à un bon accueil de ma part. » 

Pour comprendre cette horreur des Russes, il faut se souvenir qu’ils avaient tué et son père et précipité sa famille dans la gêne. 

Marie Walewska par Lefèvre
Propriété de la famille Walewski

Le comte Walewski eut alors un jeu subtil. Il avança ses pions en disant : 

«- Si je me mettais sur les rangs avec lui, Mademoiselle Marie, hein, que diriez-vous ? Me donneriez-vous la préférence ?

- Laissons ce propos, Monsieur le comte.
- Non, non, je veux vous mettre au pied du mur et voir jusqu’où peut aller votre patriotisme…Si vous n’aviez d’autre chance qu’un vieillard compatriote et un jeune et aimable russe, lequel de nous…
- Certainement à mon compatriote, si je n’avais pas d’autre porte de sortie. »

Et elle n’avait pas d’autre porte de sortie. Souvorov, probablement intrigué par le long aparté entre Walewski et Marie, et surtout par sa froideur soudaine, tenta à nouveau de séduire la jeune fille.

Elle déclara « Je restais muette, froide et sèche, sans plus poser mes yeux sur les siens. J’avais peur de son regard. Il me paraissait porter le privilège de la fascination. Je l’avais éprouvé » 

Au moment où sa mère et elle montaient en voiture, Souvorov s’approcha et lui dit : «  Je serais trop malheureux si cette délicieuse soirée à laquelle j’avais si loin de m’attendre ici ne devait me laisser que des souvenirs ! Je n’eu ni le temps, ni la force de répondre, dégageant ma main qu’il pressait sur son coeur, je m’élançais dans la voiture avec l’élan de la crainte échappant au danger. »

Vue d'ensemble du château
Elle continue dans son récit « J’eus beau vouloir repousser l’image que j’entourais de toutes les haines de mon patriotisme, elle revenait sans cesse armée de tout son prestige de séduction, de ce regard que j’avais fixé à peine et qui me poursuivait avec toutes ces expressions d’amour, toutes ces promesses de bonheur et ferait palpiter mon coeur ! Inutilement en cherchais-je d’autres, je fus effrayé de n’y avoir vu personne, remarqué personne que lui seul ! Tout s’effaça jusqu’au souvenir de la fête, de la danse, du plaisir, tout excepté lui!. »

Aveu à peine en demie-teinte qu’elle n’avait pas été insensible au charme du beau russe au nom honni !

De retour à la maison est plus que troublée par cette rencontre inattendue, Marie se tourna vers la prière : « Mon Dieu, mon Père ne permet pas que je donne mon coeur et mes affections à un ennemi de ma patrie et de ma religion. » Elle cherche aussi des réponse à ses doutes dans la lecture de « L’imitation de Jésus-Christ. »

Des voisins de campagne vinrent en visite le lendemain et n’épargnèrent pas Marie en lui posant des questions sur ses intentions, sur ses résolutions car chacun supposait qu’elle ne pouvait refuser un tel parti, mais elle ne semblait pas changer d’avis.Pour elle un russe reste l’ennemi, aussi beau garçon et riche soit-il. Mais ce n’est pas sans un pincement au coeur qu’elle le dit. Le comte Walewski et le comte Souvorov vinrent aussi en visite. Marie était sur des épines car le jeune homme se montrait non seulement charmant mas attentif à l’histoire de la Pologne, à ses vicissitudes, à ses hommes célèbres. Lors d’une promenade dans le parc, il arriva ce que la jeune fille redoutait le plus. Il se déclara en lui disant : « Seriez-vous assez insensible, assez cruelle pour me refuser ? » Tremblante de la tête aux pieds, car elle savait sa réponse définitive, elle lui dit que « le soin de lui faire trouver le bonheur ne m’était pas réservé, que de trop grandes distances nous séparaient pour pouvoir nous rapprocher. » Souvorov insista et Marie en s’éloignant lui dit « Jamais, jamais! » Elle se réfugia dans sa chambre pour pleurer et prier. Sa mère l’y trouva sans un état effrayant et lui recommanda de dormir. Mais après une nuit agitée, elle était dans les mêmes dispositions. Son coeur était partagé entre l’amour qu’elle éprouvait pour Souvorov et ses devoirs envers sa patrie. Le comte Walewski vint aux nouvelles dès huit heures du matin et surtout en messager du jeune homme qui offrait sa fortune à Marie, lui promettait d’acheter une propriété en Pologne afin de ne pas la séparer des siens. Sa mère monta lui transmettre la demande en mariage. Elle lui dit le bien qu’elle pensait de Souvorov mais elle lui dit aussi qu’elle préfèrerait qu’elle épousât le comte Walewski mais qu’elle comprenait très bien que Marie lui préférât le jeune et beau Souvorov. Elle lui dit aussi que si elle ne l’acceptait pas, Walewski la demanderait en mariage et qu’elle souhaitait qu’il soit écouté. Eva Łączyńska allait droit au but. c’était l’un ou l’autre. Marie était libre de choisir mais elle devait choisir et pas question de refuser et l’un et l’autre. Marie, en fille obéissante finit par céder et elle choisit d’épouser Walewski, « Le bonheur n’est plus fait pour moi. J’y ai renoncé de mon plein gré. J’ai pris la raison pour guide etc elle se trouve en opposition avec mon coeur. »

Eva Łączyńska fût satisfaite de son consentement qui comblait ses espérances, sa fille mariée au gentilhomme le plus riche de la région, polonais de surcroît. Peu importait son âge, Marie allait régner sur le domaine de Walewice.



La jeune fille ouvrit enfin la lettre de Souvorov que sa mère lui avait apportée qui se terminait ainsi « Dictez des lois, je m’y soumettrai aveuglément. Patrie, fortune, avenir contre ton cour, ta main est un échange bien doux. » 
Le coeur brisé par son choix, Marie fut entre la vie et la mort pendant trois semaines. Quand elle revint à elle, elle trouva sa mère et le comte Walewski à son chevet. Ils avaient fait tout ce qu’il pouvait pour la soigner en appelant les meilleurs médecins de Varsovie. Mais la vue du comte raviva sa peine et elle mit trois mois à se remettre. Elle demanda des nouvelle de Souvorov. Il était reparti à Saint-Petersbourg dès le lendemain de son refus. 
« Je revins à la vie mais à regret. Je m’étonnais qu’un rayon de bonheur à peine entrevu, échappé aussitôt, ait vu décolorer et flétri mon existence, briser mon coeur si profondément. »
Le comte Walewski, en grand seigneur, lui offrit de reprendre sa parole et de la laisser libre d’épouser qui elle voulait. Mais ayant renoncé au bonheur d’aimer et d’être aimée, par son sentiment patriotique exacerbé, Marie refusa. Elle allait épouser le veux comte et se consacrer à celui qui ne souhaitait qu’être son ami. Souvorov ne reparut plus dans sa vie.

Armes des Colonna-Walewski

Le 17 juin 1804, Marie Łączyńska devint comtesse Walewska. Et c’est sous ce nom qu’elle passera à la postérité. 

« On me para (sic), on me conduisit à l’autel, on souleva ma main pour la placer entre celles de celui qui en obtenait l’acquisition. Je ne sais ni ce que je faisais, ni ce que je pensais, ni même ce qui se passait autour de moi alors. »

Eglise Sainte-Margaret à Kiernozia
où fut célébré le mariage
La tristesse et l’apathie de la mariée faisaient contraste avec le bonheur de son mari et de sa mère.


Intérieur de l'église
Ils partirent en voyage de noces, dans un classique tour d’Italie. A Rome, ils furent reçus dans l’aristocratie, le comte étant allié des Colonna. Son nom était en fait Colonna-Walewski. La relation famille entre les Walewski et les princes Colonna est loin d’être certaine. Pour Marie, il semble qu’ils étaient reçus en cousins. Mais dans ouvrage sur la descendance de Napoléon et Marie Walewski, il est dit que le nom Colonna attaché à Walewski prend racine dans l’histoire de la Pologne. Selon le comte Walewski, chef de la branche française, « Cette famille prétend, que le mot « kolumna » polonais aurait été attribué  en complément du patronyme d’un Walewski, par le roi polonais de l’époque, en remerciement de sa tenue irréprochable et ferme au combat, comme une colonne, contre des troupes ottomanes au XIVème siècle. » ( Communication personnelle faite à l’auteur). Les armes des Walewski sont décrites ainsi : « Coupé au 1. D’or à l’’aigle à deux têtes naissante de sable,, le vol étendu couronné d’or : au 2. D’azur à la colonne d’argent sommée d’une couronne d’or. » ( extrait du N° 635 des « Chercheurs et Curieux » de Juillet août 2005.)

Parente des Colonna ou non, la nouvelle comtesse entre dans une famille importante et fortunée de la grande noblesse polonaise, ordre auquel elle-même appartient mais au niveau de la petite noblesse. 

De retour à Walewice, le couple mena la vie qu’il s’était choisie, lui heureux d’être au bras d’une aussi jeune belle femme qu’il présenta à tout le monde, elle résignée « languissante, triste, apathique, puisant ma résignation dans la prière et mes exercices religieux. »

Enfin Marie revint à la vie grâce à la maternité. « Il me semble que j’avais quitté la vie pour moi et que c’était mon fils qui la recommençait. »

Le 13 juin 1805 naquit Antoine Basile Rodolphe Colonna-Walewski. Elle doublement attachée à son enfant tout d’abord en tant que mère et ensuite en tant que polonaise. Son fils aurait pu être russe si elle avait épousé Souvorov, mais il était polonais et elle en tirait de la fierté. Ses sentiments patriotiques s’étaient assoupies dans la léthargie de son mariage. Son fils les réveilla. 

Napoléon en 1806 par Franz Gherard von Kügelgen
En 1806, Napoléon, empereur depuis près de deux ans, est le centre d’attention des polonais qui mettent beaucoup d’espoir. Marie écrit : « Nous étions à l’époque où le vainqueur de l’Europe donnait des lois au monde comme aux souverains ! Disposait des états à sa volonté - élevant de nouvelles dynasties, rabaissant les anciennes ! Quel temps ! Plus propice pour nos espérance ! Aussi la fermentation était-elle générale ! Revendiquer nos droits, notre indépendance nationale, secouer un joug honteux, oppressif et illégitimes où nous tenaient les trois puissances réunies ! Il était le sauveur universel qui, filtrant depuis la haute classe jusqu’au peuple, faisait mousser les esprits…La France devint la patrie adoptive des proscrits, ainsi que de tous les nobles et dignes fils de la mère commune. » 


Alexandre Ier de Russie
par George Dawe
Les Polonais sont certains que Napoléon va leur venir en aide. Le 2 décembre 1805, à Austerlitz, n’avait-il pas battu à plate couture les troupes du tsar Alexandre Ier et de l’empereur d’Autriche,  François ? 

François de Habsbourg-Lorraine
Dernier empereur romain germanique
Premier empereur d'Autriche 
L’empereur des Français y avait révélé son génie militaire. Tous les espoirs sont donc permis aux Polonais. Beaucoup d’entre eux se mettent au service de la France. En 1806, à Iena, ce sont les Prussiens, troisième puissance occupante de la Pologne, qui sont vaincus par Napoléon.

Napoléon Ier passant en revue la Garde Impériale à Iéna
Par Horace Vernet
Marie Walewska, «  pénétrée d’une exaltation patriotique qui m’a occupée uniquement et ranimait ma vie » ne va pas tarder à rencontrer l’homme et le destin qui firent d’elle probablement la polonaise la plus connue de toute l’histoire.

« Napoléon, cet homme au bras de fer qui n’avait qu’à vouloir pour conquérir le monde - alors - après avoir humilié l’Autriche, anéanti la Prusse, agrandi la Bavière, la Westphalie, la Saxe et allait enfin s’occuper des destinées de la Pologne. Son arrivée attendue ardemment dans la capitale nous paraissait la fin de tous nos maux » 

Le couple Walewski s’était installé à Varsovie en septembre 1806, louant un hôtel particulier digne de leur fortune. Marie fit son entrée dans le grand monde, dans lequel, au mécontentement de son mari, elle ne se sentait pas à l’aise. Mais le grand événement en préparation, souhaité et attendu par toutes les classes sociales, était l’arrivée de Napoléon. 
Miniature de Marie Walewska
Par Marie-Victoire Jaquotot




12/12/2018

Marie Walewska


Première Partie
Une enfance studieuse dans un pays déchiré

Marie Walewska par Isabey
Un prénom et un nom qui prêtent immédiatement à rêver. Marie Walewska fut l’héroïne d’une grande histoire d’amour liée à une des plus grandes épopées de l’Histoire de France et à un des plus plus grands noms, Napoléon Ier.
Mais sa vie débuta simplement dans une famille de la noblesse polonaise. Maria Łączyńska naquit le 7 décembre 1786 à Grodno près de Kiernozia, le domaine familial, à une cinquantaine de kilomètres de Varsovie, dans une famille ancienne et respectée, les Łączyński mais dans une Pologne déchirée. 

Armes Łączyński

Comme il est difficile de séparer Marie de l’histoire de son pays, il convient de dire la situation de la Pologne à sa naissance. 

Le Royaume de Pologne dont la création date de 960 par l’accession au titre de prince de Pologne de Mieszko Ier. C’est donc une nation qui peut revendiquer une histoire aussi ancienne que celle de la France royale mais qui ne fut pas aussi unitaire. 

Plusieurs dynasties se succédèrent après les Piast, dynastie de Mieszko Ier, et les Przemysl, (960-1370)  ce furent les Capétiens d’Anjou-Sicile, avec Louis également roi de Bohême, dont la fille Hedwige, élue reine de Pologne en 1384, épousa Ladislas II Jagellon, Grand-duc de Lituanie.



Gisant de la reine Hedwige à Cracovie

Elle est devenue la patronne de la nation polonaise et a été canonisée par Jean-Paul II le 8 juin 1997
Le couple n’ayant pas d’enfants pour succéder au Royaume de Pologne, à la mort d’Hedwige en 1399, Ladislas conserva le trône de Pologne et y installa sa dynastie. Les Jagellon régnèrent jusqu’au décès de Sigismond II Auguste en 1572. Les souverains Jagellon étaient à la fois Grand-duc de Lituanie et roi de Pologne, les deux états restant séparés, jusqu’en 1569, par l’Union de Lublin ils furent unis sous le nom de République des Deux-Nations, la "Rzeczpospolita" . 

La Pologne en 1600
« Notre État est une république sous la présidence du roi », fut-il déclaré. La République comprenait principalement quatre nations : Lituaniens, Polonais, Ukrainiens et Biélorusses, appelés ensemble, Ruthènes. En 1569, la population de République comprend 11,5 millions d'individus, pouvant être répartis à peu près en  Polonais : 4,5 millions - Lituaniens : 0,75 millions - Ukrainiens : 3,5 millions - Biélorusses : 1,5 millions - Prussiens : 0,75 millions - Livoniens : 0,5 million. Il ne s’agissait donc pas, contrairement à ce qu’indique son nom, une union purement polono-lituanienne. C’est de cette période que date l’élection du souverain, choisi dans la Szlachta, la grande noblesse polonaise.

Le premier souverain élu fut Henri, duc d’Anjou. Mais il ne le resta pas longtemps, deux ans, car il fut appelé, sous le nom de Henri III, à succéder à son frère, Charles IX, sur le trône de France.

Parmi les souverains suivants, les plus connus furent Jean III Sobieski, le sauveur de Vienne, Stanislas Ier Leszczynski, père de la reine de France, Marie et Frédéric-Auguste III, duc de Saxe.


Jean III Sobieski par Jan Tricius

Stanislas II Poniatowski (1732-1798) fut le dernier roi de Pologne. Elu en 1764, grâce à Catherine II de Russie qui envoya troupe et argent pour soutenir la candidature de son amant, il ne sut pas établir l’équilibre politique qui aurait permis de sauver son royaume, en ayant pris parti pour la Russie. Enlevé, déchu, rétabli, le souverain fut incapable d’imposer les réformes nécessaires et fut incapable de résister aux appétits de ses voisins.

L'Autriche, la Russie et la Prusse décident d'intervenir militairement, en échange de concessions territoriales — une décision prise sans consulter ni le roi ni aucun des partis polonais - pour rétablir l’ordre en Pologne.

En fait de rétablissement d’ordre il s’en suivit trois  partages successifs.

Le premier le 5 août 1772, la Russie, la Prusse et l'Autriche signent un traité, ratifié par la Diète polonaise, qui ampute la Pologne-Lituanie du tiers de sa population et de 30 % de son territoire. La Russie reçoit les territoires biélorusses à l'est de la ligne formée par la Dvina et le Dniepr. Sont entre autres comprises les villes de Polotsk (ancienne capitale de la principauté), de Vitebsk, d'Orcha, de Moguilev et de Gomel. La Prusse obtient la riche région de la Prusse royale, peuplée d'Allemands à 90 %, avec la partie nord de la Grande-Pologne (Wielkopolska), peuplée de Polonais. L’Autriche obtient la Petite-Pologne (Malopolska), le Sud du bassin de la Vistule et l'Ouest de la Podolie.


Stanislas II Auguste Poniatowski, roi de Pologne grand-duc de Lituanie

Le deuxième partage de la Pologne-Lituanie est le résultat de la demande d'aide faite à la Russie le 24 avril 1792, par les grands magnats polonais, les Branicki, Rzewuski, Kossakowski, menés par le comte Stanislas Potocki, pour retourner à l'ancien ordre polonais qui leur assurait des privilèges, notamment celui de juridiction sur leurs paysans, abolissant ainsi la nouvelle constitution trop libérale à leurs yeux. 

Comte Stanislas Potocki (1755-1821)

Le 4 mai 1792, La Russie accepte et envoie des troupes, de même que la Prusse. Un accord entre ces deux pays aboutit au deuxième partage, ratifié par la diète polonaise. L'Autriche ne peut y participer, étant en guerre avec son ancien alliée, la France. La Russie reçoit l'essentiel de la Biélorussie lituanienne (la voïvodie de Minsk et partiellement la voïvodie de Navahroudak et celle de Brest-Litovsk) et l'Ouest de l'Ukraine. La Prusse obtient notamment les villes de Dantzig et Thorn, ainsi que le reste de la Grande-Pologne et une partie de la Mazovie.

Deuxième partage de la Pologne

Si ce partage ne semble pas poser problème à une partie de l’aristocratie, il n’en est pas de même pour la petite noblesse, la bourgeoisie et le peuple polonais en général. La révolte gronde et en 1794, Tadeusz Kościuszko conduit un soulèvement national. Tadeusz Kościuszko fut un héros des guerre d’indépendance des Etats-Unis et le héros des guerres contre les ennemis directs de son pays. 

Kościuszko par Kazimierz Wojniakowski

S’il réussit dans un premier temps à chasser les Russes de Vilnius et de Varsovie, l’aide apportée aux Russes par la Prusse et l’Autriche mit fin à l’insurrection brisé le 4 novembre 1794 par le massacre de Praga. Du côté russe il y eut 580 morts et 960 blessés. Du côté polonais on compta 6000 morts et blessés, 10 000prisonniers et entre 7000 et 20000 civils massacrés.

Massacre de la population de Praga par Aleksander Orłowski, 1810
Il est aujourd’hui un héros national en Pologne et en Lituanie.
La Russie, la Prusse et l'Autriche achèvent le démembrement du reste de la Pologne-Lituanie le 3 janvier 1795.
Le Congrès de Vienne en 1814 mit fin à l’espoir que Napoléon Ier avait suscité en créant le Grand-duché de Varsovie en 1807.
Catherine II meurt l'année suivant le partage. L'empereur romain germanique et le roi de Prusse sont désormais alliés contre la France révolutionnaire. Les légions polonaises naîtront d'ailleurs d'un ralliement de militaires derrière la France napoléonienne, ennemie de tous les pays qui ont pris part aux partages.
Malgré la fondation du duché de Varsovie par Napoléon, en 1807, le partage de la Pologne-Lituanie est confirmé après la chute de l'empereur par le Congrès de Vienne (1814-1815). La partie administrée par la Russie est agrandie.
La Pologne et la Lituanie ne retrouveront leur indépendance qu'à l'issue de la Première Guerre mondiale, et seront alors deux états séparés, alors qu'elles étaient unies depuis 1385.
Maria Łączyńska née en 1786, soit après le premier partage de la Pologne, a huit ans lors du soulèvement de Tadeusz Kościuszko et vécut le démembrement de son pays, à l’instar de son monde, comme une blessure personnelle. Ces évènements marqueront sa vie et seront les instruments de son destin. 


Marie  Łączyńska enfant



La famille des Łączyński, noble sans être une famille de magnats, est ancienne et a compté dans l’histoire de la Pologne. On trouve des  Łączyński occupant des fonctions importantes à différentes période de l’histoire de la Pologne. Au début du XVIe siècle Samuel Łączyński est un compagnon du roi Sigismond Ier. Lors d’un duel à  l’épée et à la hache, il tranche la tête de son adversaire. Et il reçut les félicitations du monarque. A la fin du XVIe siècle Jérôme Łączyński, plus sociable, est un juriste reconnu. 


Kiernozia, la propriété des  Łączyńsk i aujourd’hui 
Kiernozia en 1945 après le passage des troupes soviétiques

Au XVIIIe siècle, le père de Maria, Mathieu Łączyński a remis en état le domaine familial de Kiernozia et l’a fait prospérer. La maison dite château n’est en réalité qu’une grande demeure, comme il en existe tant dans la campagne polonaise mais la famille jouit d’une bonne aisance. Au second partage de la Pologne, Łączyński prend fait et cause pour l’insurrection. Il considère qu’en sa qualité de seigneur de sa province, - il était starost de Gostyń - descendant d’une famille de soldats intrépides et de fiers polonais, son devoir est de montrer l’exemple aux paysans et aux petits propriétaires fonciers.

A la bataille de Maciejowice, le 10 Octobre 1794, qui oppose les Polonais, commandés par   Tadeusz Kościuszko et les Russes commandés par  le général Souvorov, Mathieu Łączyński frappé d’une balle en plein coeur meurt. Il est enterré dans la crypte de la chapelle familiale à Kiernozia avec les honneurs militaires. Maria vécut alors son premier chagrin qui ancra dans son coeur la haine de l’occupant russe. 

Les terres de Kiernozia furent comprises dans la partie de la Pologne attribuée à la Russie.

La veuve de Mathieu Łączyński, Eva Zaborowska, la mère de Maria, bien qu’issue d’une famille riche, se trouve confrontée à la gestion d’un domaine, ce dont elle n’a aucune idée. Elle est à la tête d’une famille de sept enfants Maria, Benedict Joseph, Jérôme, Théodore, Honorata, Catherine et Ursule-Thérèse. 

Elle est rapidement dépassée par cette gestion et laisse les bâtiments du domaine se dégrader. les récoltes sont mauvaises, les fermiers ne paient plus leurs loyers. La famille désormais pauvre court à la ruine.

Elle engage pour s’occuper de ses enfants un professeur, qui l’aidera aussi à régler certains des problèmes du domaine, Nicolas Chopin, dont le fils Frédéric fut le compositeur que nous connaissons tous. Français, originaire de Lorraine, Nicolas Chopin, fils d’un charron viticulteur, fut remarqué par l’intendant d’un grand seigneur de la suite de Stanislas Leszczynski, roi de Pologne devenu duc de Lorraine. En 1787, à l’âge de 16 ans, Nicolas Chopin suivit son protecteur, Adam Weydlich.  Il était brillant et excellent musicien. Il s’intégra rapidement à son nouveau pays et y fit une véritable ascension sociale dans la bourgeoisie intellectuelle de Pologne. Après avoir été précepteur dans la famille de Maria et chez la comtesse Skarbek où il rencontra sa femme, issue de la petite noblesse, il devint professeur de français au lycée à Varsovie, puis à l’école élémentaire des officiers et ingénieurs de l’artillerie. Il était unanimement respecté par la société polonaise à laquelle il s’était agrégé au point de se considérer lui-même comme polonais.


Nicolas Chopin (1771-1844)

Son entrée en 1795 dans la famille Łączyński fut une chance pour tous. Il eut à enseigner le français et la  musique aux enfants. Grâce à lui Maria parlera un français parfait. Mais il s’occupa aussi de remettre de l’ordre dans les finances de la famille. Il passa six ans avec eux. 

Malgré l’aide de Nicolas Chopin, et en dépit de ses conseils, elle continua un train de vie dispendieux bien au-dessus de ses capacités financières. Elle envoya son fils aîné à Paris, son fils Théodore dans le meilleur établissement de Varsovie. Sa fille Maria, ainsi qu’une de ses sœurs, fut placée à Notre-Dame de l’Assomption à Varsovie. Maria y fut une élève studieuse, bien adaptée à la vie quasi monacale menée par les élèves. Foi ardente, élans romantiques font partie de la personnalité qu’elle se forge au cours de ces années. Son frère Benedict, devenu officier dans l’Armée française, lui apprend à connaître le nouveau Premier Consul de la France, Napoléon Bonaparte. Issu de la Révolution française, s’attaquant aux vieux royaumes européens, ne serait-il pas celui qui un jour pourrait libérer la Pologne du joug russe ? Maria veut le croire. Le sort de son pays la préoccupe et elle veut se consacrer à sa libération.

Son éducation est une réussite. Elle danse bien, elle est naturellement gracieuse et distinguée, elle est musicienne et elle est jolie. La mère supérieure de son couvent la décrit ainsi : « Marie est intelligente et studieuse, avec une douceur de caractère qui la fait aimer de tous ici. Elle est peut-être un peu trop introspective pour son bien; quoique timide et réservée de nature, elle a des sentiments violents, passionnés même, particulièrement en ce qui concerne la religion et le tragique état actuel de notre pays »

En effet, n’avait-elle pas dit pas un jour  : «  Que de fois dès ma plus tendre enfance n’ai-je pas pleuré amèrement en écoutant les récits des malheurs de notre infortuné pays ! L’usurpation étrangère, les horreurs exercées à Praga, l’humiliation d’une nation dont je faisais partie soulevaient tout mon être d’indignation. » (Mémoires - Fonds Marie Walewska - Fondation des archives historiques de l'Abbaye de Saint-Maurice )


Maria Walewska par Marie-Victoire Jaquotot en 1811
miniature

Quand à 17 ans, Maria retourne à Kiernozia, c’est une belle jeune femme, aux formes parfaites, aux yeux bleus magnifiques. Elle est ainsi décrite en 1810 : « Teint éblouissant de blancheur…yeux d’un bleu azur…sourire ravissant…qui fit voir deux rangs de perles éclatantes dans la plus gracieuse et la plus fraîche bouche du monde. » (Fonds Marie Walewska )


Sa mère lui déclare alors « Marie a embelli. Dieu veuille lui trouver un mari bientôt. ce serait une charge de moins » (Fonds Marie Walewska )

08/11/2018

« Les oubliées de la victoire. Les femmes dans la guerre de 1914. »

En ce centenaire de la victoire de la Première Guerre Mondiale, il convient de se rappeler que les femmes si elles ont largement contribué à l'effort de guerre à l'arrière, elles ont aussi été au front.




Pour Martine Gasquet, « Face à l’injustice de l’Histoire qui n’a retenu de la guerre de 1914 que l’héroïsme de ses soldats, il est temps de rappeler le rôle essentiel des femmes durant ce conflit. Les hommes partis au front, la France se tourne vers celles qui les ont silencieusement accompagnés jusqu’alors. Dans l’anonymat le plus complet, les femmes accomplissent des travaux physiques hors du commun. Les immenses terres agricoles sont désormais entre leurs mains afin que la nation ne meure pas de faim. Les industriels ne pourraient pas faire face aux besoins en armement sans les munitionnettes et leurs douze heures de présence quotidienne dans les usines.
Sur le devant des tribunes, des personnalités fortes voient le jour. Féministes et pacifistes décrient les horreurs et le non-sens des combats. Certaines d’entre elles, telle Edith Warthon, inventeront un journalisme de guerre en se rendant dans les zones d’occupation.
La souffrance des soldats est si grande que des femmes courageuses, à l’image de la reine Élisabeth de Belgique, mettent toute leur énergie à sauver des vies et réussissent même à convaincre les états-majors de l’absolue nécessité d’utiliser les « petites Curie » sur les champs de bataille. Leur détermination les conduira jusque dans les premières lignes de tir que Marthe Richard, aviatrice hors pair, survolera dans son appareil.
Dans le jeu de la guerre apparaît aussi un nouveau métier : l’espionnage. Mais bien loin de l’image sulfureuse de Mata Hari, Louise de Bettignies invente le maillage de la Résistance. Victorieuses, mais oubliées : la réalité de l’Histoire s’exprime dans ce paradoxe. La femme moderne peut enfin naître. »

Voici quelques unes des  héroïnes dont la mémoire est évoquée par Martine Gasquet.


Louise de Bettignies
1880-1918
Louise Marie Henriette Jeanne de Bettignies, née le 15 juillet 1880 à St-Amand-les-Eaux, morte le 27 septembre 1918 à Cologne, est un agent secret français qui espionna, sous le pseudonyme d’Alice Dubois, pour l’armée britannique.
Née dans une famille noble du nord de la France, elle fit d’excellentes études et apprit à maîtriser parfaitement l’anglais, l’allemand et l’italien.
On lui offrit d’être la gouvernante des enfants Hohenberg, fils de l’archiduc François-Ferdinand, poste qu’elle refusa.
Dès octobre 1914, elle décida de faire de la résistance à l’occupant allemand de la ville de Lille. Mgr Charost, évêque de Lille, lui demanda de transporter du courrier en France libre. elle voyagea sous le pseudonyme d’Alice Dubois. Dès lors, formée à l’espionnage, par les services secrets britanniques, elle organisa un vaste réseau de renseignement dans le nord de la France pour le compte de l’armée britannique. Elle sauva la vie de plus d’un millier de soldats britanniques. Elle transmit au gouvernement français l’information d’une gigantesque attaque préparée par les Allemands à Verdun pour le début 1916. Elle ne fut pas vue.
Le 20 octobre 1915, elle fut arrêtée par les Allemands près de Tournai. Condamnée à mort, sa peine fut commuée en prison à perpétuité et transférée à la prison de Siegburg où elle fut mise à l’isolement dans un cachot noir et humide. On lui refusa les soins exigés par sa santé. elle mourut le 27 septembre 1918 d’un abcès pleural. Elle fut rapatriée en France le 21 février 1920. Elle reçut à titre posthume, la croix de la Légion d’Honneur, la Croix de Guerre avec palme, la médaille militaire anglaise et fut faite officier de l’Ordre de l’Empire Britannique.




Edith Cavell
1865-1915
Edith Louisa Cavell, née le 4 décembre 1865 en Angleterre et décédée le 12 octobre 1915 en Belgique, est un infirmière britannique fusillée par les Allemands pour avoir permis l’évasion de centaines de soldats alliés de la Belgique alors sous occupation allemande.
Agent secret britannique, elle a abandonnée son activité pour aider les soldats alliés à passer de la Belgique vers les Pays-Bas, grâce à un réseau d’évasion organisé par les Belges. Les membres du réseau furent arrêtés en juillet 1915. Edith Cavell ne se défendit pas lors de son procès admettant ce qui lui était reproché. Malgré une campagne internationale en sa faveur, elle fut fusillée. Selon le pasteur luthérien qui l’a assistée, elle “a professé sa foi chrétienne et, en cela, elle était heureuse de mourir pour son pays…Elle est morte en héroIne.” Le roi george V assista au service célébré à Westminster lors du transfert de ses cendres.

Princesse Marie de Croÿ
1875-1968
S.A.S. Marie Elisabeth Louise de Croÿ, princesse de Croÿ et de Solre, est née à Londres le 26 novembre 1875 et morte à Saint-Benin-d’Azy est une aristocrate belge qui, aux côtés d’Edith Cavell, organisa un réseau de résistance et de renseignement contre l’armée allemande. Elle a été arrêtée, déportée à la prison de Sieburg et condamnée à dix ans de travaux forcés. Les interventions du roi d’Espagne et de Mgr Pacelli, alors noce apostolique, lui auraient permis d’être libérée, ce qu’elle refusa car ses compagnes de prison, dont la baronne Marthe Boël, ne pouvaient bénéficier de la même faveur. 
Admise à l’hôpital de Bonn, le 4 août 1917, elle fut libérée le 13 novembre 1918. Elle était très liée avec la reine Elisabeth de Belgique et la reine Marie de Grande-Bretagne. Durant la deuxième Guerre Mondiale, elle eût le même comportement héroïque. Elle fut faite chevalier de l’Ordre de Léopold et de l’ordre de la Légion d’Honneur. 


Marie Marvingt
1875-1963
Marie Félicité Elisabeth Marvingt est née le 20 février 1875 à Aurillac et morte le 14 décembre 1963 à Laxou.
Infirmière, licenciée en Lettre, parlant sept langues, elle fut un pionnière de l’aviation et l’un des meilleures alpinistes du début du XXe siècle. Elle est aussi la femme la plus décorée de France, avec trente décorations dont la Légion d’Honneur et la Croix de Guerre avec Palmes.
Déguisée en homme, elle a participé à plusieurs actions militaires dans les tranchées. Découverte, elle fut renvoyée, mais avec l’aval du maréchal Foch elle fut intégrée dans le 3ème Régiment de Chasseurs alpins dans les Dolomites italiennes et oeuvra pour l’évacuation et la prise en charge des blessés, en terrain montagnard, intervenante volontaire de la Croix-Rouge.
En 1915, elle effectua sa première opération de bombardement d’une caserne allemande à Metz, première femme au monde à être engagée dans l’aviation militaire à effectuer des missions de combat aérien.

Marie Curie
1867-1934
Marie Skłodowska-Curie n’est pas à présenter. Elle est une des gloires de la recherche scientifique mondiale .
En 1914, dès la déclaration de guerre, avec l’aide de la Croix-Rouge, elle participe à la conceptions de dis-huit unités chirurgicales mobiles, des ambulances radiologiques, surnommées “le petites Curies”. Ces véhicules se rendant au plus près des champs de bataille, évitant ainsi aux blessés la longueur et les aléas d’un transport, permettent de prendre des radiographies des malades, utiles à déterminer la position des éclats d’obus et de balles, facilitant ainsi l’opération chirurgicale.
La première unité mobile a été  construite par elle en empruntant la voiture de la princesse de Polignac. Elle a aussi participé à al création de 150 potes fixes de radiologie dans les hôpitaux militaires.
Née le 7 novembre 1867 à Varsovie, elle est morte au sanatorium de sancellemoz, en Savoie, le 4 juillet 1934.
Elle a obtenu deux prix Nobel, événement dont la presse française ne fit pas mention en ces périodes de xénophobie, alors que l’étudiante polonaise est aujourd’hui une des gloires de la France et repose au Panthéon. 

Anne de Rochechouart de Mortemart, duchesse d'Uzès
1847-1933
Née le 10 février 1847 à Paris et décédée au château de Dampierre le 3 février 1933, la duchesse d'Uzès fut une des femmes les plus remarquables de son époque.
Pionnière de l'automobile, Maître d'équipage, membre pour un temps de la Société Protectrice des Animaux, amie de Louise Michel, elle eut aussi sa part dans la Première Guerre Mondiale. Elle constitua, sur l'intervention du chirurgien militaire Maurice Marcille,  convaincu de la nécessité de soigner au plus vite certaines plaies de guerre, un centre de soins mobile, constitué de 3 à 4 camions transportant 4 équipes chirurgicales, 4 tables d’opération et du matériel de radiologie ; cette structure “autochirugicale”, permettait d’opérer jusqu’à 60 blessés par jour au plus près du front. 
Elle présida après la guerre l'Œuvre dite des bons-enfants (protection des veuves et orphelins de la guerre 14-18). Elle fut faite Officier de la Légion d'Honneur.

Elisabeth de Wittelsbach, duchesse en Bavière, reine des Belges
1876-1965
La reine Elisabeth, fille du grand ophtalmologue, Théodore de Wittelsbach, duc en Bavière, et de Marie-Josèphe de Bragancee, infante du Portugal, est la nièce de l'impératrice Elisabeth, cousine germaine de l'impératrice Zita mais surtout épouse d'Albert Ier, roi des Belges, "le roi-soldat", avec lequel elle constitua un couple remarquable. Elle fut aussi surnommée "la reine-infirmière".
L'action des souverains pendant la Première Guerre Mondiale leur vaut une admiration justifiée.
Si elle ne travailla pas tous les jours comme infirmière, comme le dit la légende, elle ne fut pas moins active dans les soins donnés aux blessés et un réconfort par son soutien moral constant. Elle servit aussi d'agent de liaison entre son époux et le gouvernement britannique.
Née le 25 juillet 1876 à Possenhofen, elle est donc une princesse allemande. Horrifiée par l'attitude des armées de Guillaume II avec le consentement de ce dernier, elle prononça les mots célèbres "Entre eux et moi, un rideau de fer est tombé". Expression désormais utilisée mondialement. 
Elle est morte à Laeken, le 23 novembre 1965.
Avec ses idées sociales avancées, sa grande liberté d'esprit, son amour et sa pratique de musique, la reine Elisabeth est un des personnages féminins le plus remarquable dans le cercle des familles royales.

La liste de ces grandes dames qui toutes participèrent directement à l'effort de guerre, engagées dans la lutte contre la barbarie des armées impériales allemandes, est longue et ne saurait être limitée à ces quelques noms.

La lecture de l'ouvrage permettra à ceux que cela intéresse d'en savoir plus sur elles.



« Les oubliées de la victoire. Les femmes dans la guerre de 1914. », Martine Gasquet, Editions Giletta, 2015, 240 p.