29/06/2019

Les mariages entre la Maison de France et la Maison d'Autriche - Première partie - Du Moyen-Age à la Renaissance


Rodolphe de Habsbourg, fondateur de la dynastie impériale

I° – Rodolphe de Habsbourg / Isabelle Capet dite de Bourgogne
Le premier mariage entre les deux dynasties fut avec le premier des Habsbourg à ceindre une couronne royale.
Rodolphe Ier de Habsbourg, roi des Romains ou Rodolphe IV de Habsbourg (1er mai 1218 – 15 juillet 1291) est roi des Romains de 1273 à sa mort. Premier membre de la maison de Habsbourg à monter sur le trône impérial, il est considéré comme le fondateur de la puissance de la dynastie. Presque un bandit de grand chemin, n’hésitant pas à rançonner qui passer sur ses territoires, il était un seigneur sans grande importance Mais en 1273, Rodolphe de Habsbourg est devenu un prince influent du Sud de l'Allemagne, mais il est loin d'être le plus puissant dans l'empire. C'est pour cette raison que les princes-électeurs l'élisent comme "roi de Germanie" ou "roi des Romains" écartant ainsi le roi de Bohême, Ottokar II, lui aussi candidat. En effet, outre les qualités militaires de Rodolphe, les électeurs étaient soucieux de ne pas porter au pouvoir un prince trop puissant afin de préserver leurs propres prérogatives et d'éviter tout risque de transmission héréditaire de la couronne. 
Selon la procédure qui était alors en vigueur, les princes-électeurs n'élisaient pas directement l'Empereur, mais le "Roi des Romains". Celui-ci devait alors entreprendre le voyage à Rome (le Römerzug) afin de se faire officiellement couronner par le pape. Rodolphe, roi pragmatique et ambitieux, préféra renoncer à cette expédition jamais dénuée de risques. Âgé de 55 ans, il craignait que le temps lui soit compté, il ne souhaitait pas non plus apparaître comme un vassal du pape et son absence aurait pu fragiliser son pouvoir dans une Allemagne qui sortait d'une période troublée. En droit, il n'a donc pas été empereur même si, dans les faits, tout le monde le considérait comme tel. Durant son règne, il étendit les possessions des Habsbourg de leur territoire suisse à l’Autriche et à ses dépendances.

Isabelle de Bourgogne
Il épouse en secondes noces, en 1284, Isabelle Capet (1270-1323), dite de Bourgogne, descendante de Hugues Capet à la dixième génération. Fille de Hugues IV Capet (1213-1272) duc de Bourgogne, fils de Eudes III Capet (1166-1218), duc de Bourgogne, fils de Hugues III Capet (1148-1192) duc de Bourgogne, fils de Eudes II Capet (1118-1162) duc de Bourgogne, fils de Hugues II Capet (1085-1143) duc de Bourgogne, fils de Eudes Ier Capet ( 1060-1103) duc de Bourgogne, fils de Henri Capet (1035-1074), duc de Bourgogne, fils de Robert Ier Capet (1011-1076) dues de Bourgogne, fils de Robert II Capet (972-1031) Roi des Francs, fils de Hugues Capet (939-996) premier roi de Francs.

Rodolphe a 66 ans et Isabelle 14 ans. Elle est beaucoup plus jeune que la plupart des enfants que Rodolphe a eu de sa première épouse Gertrude de Hohenberg. Ce second mariage est sans descendance. À la mort de Rodolphe le 15 juillet 1291, elle retourne à la Cour de Bourgogne où lui est conféré le titre de Dame de Vieux-Château. Elle se remarie avec Pierre IX de Chambly, seigneur de Neaufle. Le couple a au moins une fille : Jeanne de Chambly.

Ce fut le premier mariage bourguignon de la Maison d’Autriche.

II° – Charles Martel Capet, dit d’Anjou, roi de Hongrie / Clémence de Habsbourg dite de Hongrie


Charles d'Anjou
Charles d’Anjou, dit Martel, né le 8 septembre 1271, mort à Naples le 12 août 1295, fut roi titulaire de Hongrie de 1290 jusqu’à sa mort. Fils aîné de Charles II d’Anjou, roi de Sicile et de Jérusalem, comte de Provence, d’Anjou et du Maine et de Marie de Hongrie, sœur et héritière de Ladislas IV, roi de Hongrie, il fait ses premières armes en 1289 avec son père et Robert II d’Artois dans une expédition en Sicile contre Frédéric II d’Aragonroi de Sicile, ce qui lui valut d’être créé Prince de Salerne le 8 septembre 1829, par son père lors de son retour à Naples. Il est ensuite nommé Vicaire Général de Naples.
A la mort de son oncle maternel Ladislas IV de Hongrie, assassiné le 10 juillet 1290, sans fils pour lui succéder, son père Charles d’Anjou ’arme chevalier et proclame ses droits au trône de Hongrie en 1290 avec l’approbation du Pape, alors que les nobles hongrois avaient élu comme successeur de Ladislas un de ses cousins, André III Arpad. Sa mère est couronnée « reine de Hongrie » en 1291. Après une révolte contre André III, Charles Martel se proclame lui-même « Roi de Hongrie » à partir du 20 mars 1292  mais il semble n’avoir jamais été couronné. Le 28 juin 1295 , il renonce à ses droits sur les comtés d’Anjou et du Maine, qui deviennent la dot de sa sœur Marguerite. Charles Martel se contente du titre royal et ne cherche pas à se rendre en Hongrie pour en faire la conquête. Il meurt à Naples âgé de 24 ans la même année. Il descend de Hugues Capet à la 11ème génération

Clémence de Habsbourg
Il épouse le 8 janvier 1281 Clémence de Habsbourg, dite de Hongrie, née à Vienne en 1262 et inhumée en 1295 à Naples, fille du Roi des Romains Rodolphe Ier de Habsbourg et de son épouse Gertrude de Hohenberg. Elle est la mère de la reine de France, Clémence de Hongrie, ci-après.
Leur fils, Charles Ier Robert, a été roi de Hongriede 1308 à 1342.

III° – Louis X roi de France / Clémence de Habsbourg dite de Hongrie



Louis X le Hutin
Louis X, dit « le Hutin »,  né le 4 octobre 1289 à Paris, mort le 5 juin 1316 à Vincennes, est roi de Navarre de 1305 à 1316 (sous le nom de Louis Ier) et roi de France de 1314 à 1316, douzième de la dynastie dite des Capétiens directs. Il est le fils aîné du roi de France Philippe IV le Bel et de la reine Jeanne Ière de Navarre.
Marqué par l’hostilité de la noblesse aux réformes fiscales et de centralisation initiées par Enguerrand de Marigny, son règne fut bref mais intéressant par des mesures telle que le rachat de leur liberté par les serfs — ce qui constitue les premiers pas de l’abolition du servage —, abolition l’esclavage et réadmission les Juifs de France dans le royaume.
En 1305, Louis a épousé Marguerite de Bourgogne, avec laquelle il a eu une fille, Jeanne II. Marguerite est plus tard convaincue d’adultère et meurt en prison.

Clémence de Habsbourg, princesse de Hongrie
En 1315, Louis épouse Clémence de Hongrie (née en 1293 – morte le 13 octobre 1328 à Paris) la fille de Charles-Martel d’Anjou, roi de Hongrie, et de Clémence de Habsbourg, ci-dessus. Surnommée "Clémence l’orpheline", car ses parents sont morts de la peste alors qu’elle avait deux ans, elle est élevée par sa grand-mère Marie de Hongrie, fille du roi Etienne V de Hongrie.
Elle est la nièce du comte Charles de Valois qui épouse, en premières noces, Marguerite d’Anjou-Sicile, sœur de son père. Si elle est une capétienne par son père, Habsbourg par sa mère, elle est considérée avant tout comme une princesse étrangère à la maison de France.
Elle donne naissance à Jean Ier le Posthume quelques mois après la mort du roi. La mort de Jean conduit par la suite à une succession disputée sur le trône de France.
A la mort de son époux et de son fils, elle semble avoir perdu la raison et se mit à dilapider sa fortune. En 1318, rappelée à l’ordre par le pape, elle se rend à Avignon, puis entre chez les Dominicaines d’Aix-en-Provence. De retour à Paris, elle y meurt en 1318.

Après une longue période durant laquelle, il n’y eut pas d’alliance entre les Capétiens et les Habsbourg, arrive la période faste des grands mariages, qui établira définitivement la politique matrimoniale de la Maison d'Autriche.

IV° – Maximilien de Habsbourg archiduc d’Autriche, Empereur Romain / Marie Capet dite de Valois duchesse de Bourgogne

Maximilien de Habsbourg, archiduc d'Autriche
Empereur romain germanique
Maximilien d’Autriche ou Maximilien Ier (Wiener Neustadt, 22 mars 1459 – château de Wels, 12 janvier 1519) fut empereur des Romains de 1508 à sa mort. Dès les premières années de son règne, il réunit sous sa couronne, outre l’Autriche, les comtés de Tyrol et de Goritz (ce dernier acquis en 1500 à la mort du dernier comte de la dynastie homonyme), une partie importante des Etats bourguignons de Charles le téméraire.
Son règne est marqué par le rétablissement militaire et politique de la situation des Habsbourg et une modernisation de l’administration du Saint-Empire romain germanique.

Marie, duchesse de Bourgogne
Maximilien épouse en 1477 Marie de Bourgogne, née à Bruxelles le 13 février 1457 et morte en Flandre au château des ducs de Bourgogne à Bruges le 27 mars 1482, fut duchesse de Bourgogne, de Brabant, de Lothier, de Gueldre, de Limbourg et de Luxembourg, comtesse de Flandre, d’Artois, de Bourgogne, de Hainaut, de Hollande, de Zélande, de Namur, de Charolais et de Zutphen, marquise du Saint-Empire, dame de Frise, de Malines et de SalinsFille unique du duc de Bourgogne Charles le Téméraire (1433-1477), et d’Isabelle de Bourbon (1437-1465), elle passe l’essentiel de ses années de règne (1477-1482) à défendre ses droits à l’héritage de son père, disputé par le roi de France, Louis XI. Son mariage, en 1477, avec l’archiduc Maximilien d’Autriche oriente pour près de deux siècles la géopolitique de l’Europe. Elle est la mère de Philippe le Beau, donc la grand-mère de Charles Quint, de l’empereur Ferdinand Ier, de la reine Marie de Hongrie et de Bohême et d’Eléonore, reine du Portugal et reine de France, ci-après.
Par son père Marie de Bourgogne est une Valois, donc une capétienne, comme étant la descendante à la cinquième génération de Jean II le Bon, roi de France.
Leur fils Philippe Ier dit le Beau, époux de Jeanne la folle, a été roi de Castillemais est mort sans accéder à l’Empire.
Le mariage de Maximilien de Habsbourg et de Marie de Bourgogne a été à l’origine de la puissance formidable de la Maison d’Autriche, de par l’extension de ses territoires notamment en Flandres et la succession aux couronnes d’Espagne et de son empire colonial, le plus grand monde à l’époque, celui sur lequel le soleil ne se couchait jamais. "Alii bella gerant, tu felix Austria nubes", "Les autres font la guerre, toi, Heureuse Autriche, tu te marie" (A suivre)

14/05/2019

Marie Walewska - Sixième et dernière partie



Philippe Antoine, comte d'Ornano
Le 18 avril 1816, à Paris, était signé le contrat de mariage entre le comte Philippe d’Ornano (ci-dessus) et Marie Łączyńska , comtesse Walewska. Le 7 septembre 1816, le mariage était célébré à Bruxelles. Il avait fallu bien des événement pour en arriver à cet heureux évènement.
Entre 1813 et 1814, l’Empire s’est lentement désagrégé. La Campagne de Russie a pris fin le 14 décembre 1812. Elle aura duré près de six mois. La Grande Armée, composée de 680 000 hommes, dont 440 000 engagés en Russie, est défaite. Le 7 septembre 1812, la bataille de la Moscova ou de Borodino voit l’armée française victorieuse.
Napoléon et ses maréchaux à Borodino par Vassili Verechtchaguine.
Le 14 septembre Napoléon entre dans Moscou. De ce jour au 18 septembre Moscou est en feu. Le 18 octobre Napoléon ordonne la retraite. Du 26 au 29 novembre, c’est la bataille de la Bérézina. Les Français sont expulsés de Russie le 12 décembre 1812. Le sursaut national et l’hiver russes ont eu raison de la plus formidable armée de tous les temps.
La Bérézina par Janvier Suchodolski
« Parce que l’Allemagne était sans initiative et sans voix, parce que les princes obéissaient comme des préfets (…) l’empereur (…) eut le tort de méconnaître ce que le sentiment national, trop peu ménagé, avait amassé de ressentiments secrets dans le cœur des Allemands » (Mémoires de Jérôme Bonaparte, roi de Westphalie) Après la Campagne de Russie, c’est la campagne d’Allemagne.

Les ennemis de Napoléon s’organisent autour de la Russie.

Le 16 mars la Prusse, le 23 mars la Suède, le 11 août l’Autriche, le 14 octobre la Bavière se coalisent contre lui. Les alliés, souvent obligés, de Napoléon le quittent, la Bavière la première, puis la Saxe le 18 octobre, le Wurtemberg le 2 novembre, le Grand-duché de Bade le 20 novembre. Du 16 au 19 octobre 1813, c’est la bataille de Leipzig, dite la Bataille des Nations. Joseph Poniatowski y meurt, Duroc est mort à Bautzen le 22 mai 1813. Ils avenir été tous les deux les principaux acteurs de la rencontre de Napoléon et Marie Walewska.
Sans être totalement vaincu Napoléon est contraint à la retraite. Il a perdu 60 000 hommes, les Alliés en ont perdu 90 000. Il n’est plus le maître de l’Europe.

Marie, inquiète du sort de Napoléon, est à Spa. Elle ne rentre à Paris que lorsque Napoléon y retourne. Il l’appelle à Saint Cloud. Cette fois, il ne s’agit pas d’un rendez-vous amoureux. Il s’agit d’assurer de façon certaine l’avenir de leur enfant. Il augmente le majorat, il fait acheter un hôtel particulier à son nom, 48 rue de la Victoire. Le 8 février 1814, il écrit à Monsieur de La Bouillerie, Trésorier Général de l’Empire « J’ai reçu votre lettre relativement au jeune Walewska ( sic). Je vous laisse les mains libres. Faites ce qu’il faut mais faites-le de suite. Ce qui m’intéresse avant tout, c’est le sort de l’enfant; la mère viendra ensuite. »

Plan de l’hôtel du 48 rue de la Victoire
Napoléon a conscience que la fin approche, même s’il lui reste encore quelques victoires à gagner. Mais les Alliés, Royaume-Uni, Russie, Prusse, Autriche avancent et le 31 mars 1814, ils entrent dans Paris. Napoléon est contraint à l’abdication par ses maréchaux le 3 avril. Le même jour, il est déchu par le Sénat qui appelle les Bourbons. Le 11 avril est signé le Traité de Fontainebleau par lequel il conserve le titre d’Empereur mais ne règne plus que sur l’île d’Elbe.

Marie ne revoit pas l’empereur mais elle suit les nouvelles. « L’empereur est allé prendre le commandement des armées qui vont défendre le territoire envahi. Je n’ai pu lui dire au revoir. L’aura-t-il remarqué ? Moi, je suis bien nerveuse… » Elle assiste, en spectatrice au départ de Marie-Louise et du roi de Rome, qu’elle qualifie de « cher petit ».

Départ de Marie-Louise par Achille Martinet
Pendant tous les jours que dure la bataille de Paris, elle a du mal à accepter l’idée que son idole court à la catastrophe et qu’il va bientôt être déchu. Philippe d’Ornano, revenu à Paris pour chercher des munitions, la voit mais ne peut lui donner d’informations tant la situation est confuse. Avant l’abdication, elle cherche à le rejoindre à Troyes. Son frère lui montre la folie d’un acte. Comment traverser les lignes de bataille ? Elle accepte l’argument. De plus, Napoléon n’est plus à Troyes, il est à Fontainebleau. Après l’abdication, elle cherche à l’y rejoindre. Il refuse de la voir de suite car il ne veut voir personne. Constant dans ses mémoire raconte : « Son affliction était si vive de voir que l’Empereur ne la faisait pas demander que j’en pris pitié. Je rentrai dans la chambre de l’Empereur pour le prévenir de nouveau. Il ne dormait pas mais il était si profondément absorbé dans ses pensées qu’il ne me fit aucune réponse. Enfin le jour commençant à paraître, la comtesse craignant d’être vue par les gens de la maison, se retira la mort dans le coeur. Elle était partie depuis plus d’une heure quand l’Empereur se rappelant qu’elle attendait, la fit demander. Je dis à Sa Majesté ce qu’il en était; je ne lui cachais point le désespoir de la comtesse au moment de son départ. L’Empereur en fut vivement affecté. »
Elle essaiera de venir le voir à plusieurs reprises mais la présence des troupes ennemies l’en empêchèrent.
Tous, ou presque, ont abandonné l’Empereur, à commencer par son épouse et ceux dont il a fait la fortune et la gloire. Si les maréchaux et les grands serviteurs de l’empire ont dû leur position à leurs valeurs, qui se souviendrait de Marie-Louise, si elle n’avait pas été impératrice des Français. Marie reste fidèle. Elle sait qu’elle doit sa fortune à Napoléon mais plus encore une belle histoire d’amour et un enfant.

Les Adieux de Fontainebleau par Horace Vernet
Le 20 avril, Napoléon quitte Fontainebleau pour l’île d’Elbe. Elle tente de le voir à nouveau. Ce même jour, elle a à débrouiller ses affaires personnelles, et surtout celle de son fils, que l’abdication de Napoléon a compliquées. Comment assurer l’avenir du majorat constitué à son profit, comment éviter la confiscation des biens situés dans le Royaume de Naples, qui semble être dans l’esprit de Murat. Elle décide de partir en Italie pour demander l’intervention de la reine de Naples, Caroline, avec laquelle elle a toujours eu de bons rapports. Bien entendu, elle voyage en grand équipage avec sa soeur et son frère Théodore. Elle va à Bologne pour rencontrer Elisa Bonaparte, ex-princesse de Lucques et Piombino, ex-grande-duchesse de Toscane. Elle passe si près de l’île d’Elbe qu’elle ne peut pas ne pas aller voir Napoléon. Le maître de l’Europe est désormais le maître d’une petite île méditerranéenne. Tout y est modeste voire mesquin, mais il y reste Majesté Impériale, avec le cérémonial qui va avec, ou presque.
Arrivée de Napoléon à l’île d’Elbe
De sa Grande Armée, il ne lui reste que six cent sept grenadiers, sous les ordres de Cambronne. La rente annuelle de deux millions de francs que Louis XVIII doit le verser, bien entendu n’arriva jamais. Mais malgré tout, il fait trembler encore ses ennemis.
De tout son entourage familial et amical, seules sa mère, sa soeur la princesse Borghèse et Marie Walewska vinrent le voir. Malgré ses déclarations de son intention de venir le voir, Marie-Louise ne vint pas. Ce n’étaient que mensonges, l’impératrice des Français était alors sous le charme du général comte Neipperg.
Le 4 août 1814, Theodore débarque à l’île d’Elbe porteur d’une lettre de sa soeur. Elle est à Florence et attend l’autorisation de venir le voir. Napoléon en est ému et le 9 août, il lui répond : « Marie, j’ai reçu votre lettre. J’ai parlé à votre frère. Allez à Naples arranger vos affaires ; en allant ou en revenant, je vous verrai avec l’intérêt que vous m’avez toujours inspiré et le petit dont on me dit tant de bien que j’en ai une véritable joie et me fait fort de l’embrasser – Adieu Marie, cent choses tendres. » Il l’attend donc, mais elle ne peut venir qu’incognito car Napoléon ménage la susceptibilité de son épouse. Si Marie arrivait de façon officielle, celai serait immédiatement rapporté des toutes les Cours et Marie-Louise l’apprendrait. Il est peu probable qu’elle en serait affectée.
Laetitia Ramolino-Bonaparte, Madame Mère
Madame Mère est aussi présente à l’île d’Elbe. Il est hors de question qu’elle soit mise au courant. La jolie et coquette Madame Bonaparte de l’Ancien Régime à cédé la place à la digne et Auguste Mère d’un empereur, de trois rois, d’une reine et de deux princesses. De plus elle est corse et très attachée au respect que l’on doit à sa famille, femme en premier. Napoléon est un homme marié, il ne peut recevoir sa maîtresse.
Marie débarqua à l’île d’Elbe le 1er septembre 1814. Napoléon est venue l’attendre sur le quai.

Demeure de Napoléon à l’île d’Elbe
On peut imaginer l’émotion de leurs retrouvailles. Ils se sont quittés six mois à peine, mais leur monde s’est écroulé autour d’eux. Mais cet écroulement est sans conséquence pour l’amour que Marie lui porte. Ils s’installent, avec la soeur et le frère de Marie, dans une sorte d’ermitage au dessus de la mer. Ils ne partagent pas la même chambre. Ont-ils eu seulement un rapport physique ? Selon Ali le Mameluk qui avait suivi Napoléon, oui.
Marie serait bien restée auprès de lui pour l’aider de son amour à supporter l’amertume de sa situation. Napoléon est heureux avec elle et leur fils, durant la durée de leur séjour.

Dans l’île d’Elbe s’est répandue la nouvelle que l’impératrice et le roi de Rome sont arrivés. Napoléon ne veut pas leur révéler qu’il s’agit de sa maitresse et de son fils adultérin. Il a peur du scandale que cela pourrait provoquer dans cette population catholique. Il faut donc que Marie parte. Son rêve de rester avec lui s’effondre.

Le 3 septembre 1814, Marie rembarque. Le dernier jour, comme pour oublier la détresse du moment, fut joyeux, du moins dans sa forme. Napoléon donna un dîner auquel il convia les officiers polonais de sa garde que Marie connaissait. On dansa. Le lendemain après une ultime promenade, il fallut se séparer. Marie a accepté cela comme elle a accepté le reste. Mais elle reste une femme humiliée. L’homme qu’elle aime l’a sacrifiée à un femme indifférente, au nom de conventions dont plus personne n’avait à faire dans la tourmente présente. Ils se reverront encore deux fois.

Les affaires du jeune Walewski se sont arrangées à Naples, grâce à l’intervention de Caroline, qui est séduite par son neveu. Durant ce séjour, Marie apprit la mort du comte Walewski, qui, s’il n’est plus son mari à l’état-civil, l’est encore devant Dieu. Cela n’empêche en rien de mener une existence mondaine. Elle séduit toujours. Il semble qu’elle ait pris son parti de sa séparation avec Napoléon. Peut-être a-t-elle commencé de cesser de l’aimer ?

Philippe d’Ornano lui écrit et elle lui répond. Sa fidélité ne peut que la réconforter. Elle doit bien avoir conscience qu’il y a plus que de l’amitié dans celle-ci. Marie est encore à Naples quand elle apprend que Napoléon a quitté l’île d’Elbe. Le rêve va-t-il renaître ? Elle part immédiatement pour Paris où elle arrivera début avril 1815.
Napoléon a fait à travers la France un retour triomphal. Louis XVIII a quitté la capitale, y oubliant ses pantoufles, ce qui l’ennuie beaucoup. Marie espère être appelée aux Tuileries. Elle n’ose y aller de son chef. La reine Hortense est alors l’intermédiaire entre les deux. Le 11 juin 1815, c’est au Palais de l’Elysée qu’elle voit l’Empereur pour la dernière fois. Napoléon se reproche devant elle de l’avoir si mal traitée, mais pouvait-il faire autrement, ajoute-t-il. Marie pleure et c’est en pleurant qu’elle le quitte. Cette fois, leur histoire d’amour est bien finie. Elle sait que même si Napoléon n’a pas accompli tous ses espoirs d’une Pologne libre, ses espoirs secrets de rester toujours près de lui, elle l’a aimé passionnément et il le lui a bien rendu, du moins au début.
Le 18 juin, c’est la bataille de Waterloo. Le 21 juin, Napoléon la reçoit encore une fois avec leur fils. Le 28 juin, c’est à La Malmaison qu’ils se voient pour la dernière fois. Joséphine est morte, Marie est vivante. Marie est prête à le suivre mais l’empereur ne change rien à son destin. Il avait épousé Joséphine par amour, il avait aimé Marie sans l’épouser, il avait épousé Marie-Louise par devoir mais tout était fini. Il se remettait en confiance dans les mains de ses ennemis et ne voulait entraîner Marie vers un avenir dont ils ignoraient tout. De ses deux fils, Alexandre Walewski fut le dernier sur lequel il posa les yeux.
La bataille de Waterloo par William Sadler
Marie fut malade pendant des semaines après cette entrevue. Une fois rétablie, elle alla en Hollande placer une partie des fonds de son fils, suivant la recommandation que lui avait fait Napoléon. Elle intervint aussi en faveur de Madame Mère et de Caroline Murat, ex-reine de Naples. Elle n’hésite pas à se compromettre aux yeux de la police du nouveau monarque pour celles qui auraient pu être sa belle-mère et sa belle-soeur. La grandeur d’âme de Marie transparait derrière ces gestes auxquels rien ne l’obligeait.
Recluse, elle refuse sa porte à Philippe d’Ornano, toujours constant voire encore plus amoureux. Quand il la voit enfin, il lui demande sa main. Elle refuse. Car si elle n’a plus aucun espoir de vivre avec Napoléon, envoyé à Sainte-Hélène, elle n’est pas prête à le remplacer dans son coeur. Mais Philippe d’Ornano n’était pas homme à s’avouer vaincu.
Philippe Antoine d’Ornano est né à Ajaccio le 17 janvier 1784. Sa mère était une Bonaparte et son père le descendant d’une des familles les plus illustres de Corse. Aide de camp de Berthier, il s’illustre à Ulm et à Iéna où il est officier d’ordonnance de l’empereur.
Il est fait comte de l’Empire en 1808 et prend part aux campagnes de la guerre d’Espagne. Il est un des plus jeunes généraux de brigade de l’Empire, à 27 ans. Commandant la 16e brigade de cavalerie légère au début de la campagne de Russie, il est fait général de division le 8 septembre 1812, après la bataille de la Moskowa et prend la tête de la division légère du 4e corps. Blessé et laissé pour mort à la bataille de Krasnoï, le 18 novembre 1812, il est retrouvé vivant par son aide de camp le lendemain et rentre en France. Après une convalescence rapide, il combat en Allemagne et prend le commandement de la cavalerie de la Vieille Garde après la mort du maréchal Bessières.
Lors de la campagne de France, il participe notamment à la bataille de Paris où il commande les unités de la Garde impériale stationnée dans la capitale. Après l’abdication de Fontainebleau, il accompagne Napoléon jusqu’à son embarquement pour l’île d’Elbe. Cousin de Napoléon, qui a fait de ce cavalier brillant l’un des généraux les plus dotés de l’Empire, il accepte le commandement des dragons de France sous la Première Restauration mais s’empresse de proposer ses services à l’Empereur lors de son retour aux Tuileries. Grièvement blessé à la poitrine au cours d’un duel avec le général Bonet, il n’exerce pas de commandement effectif lors de la campagne de Belgique. Il ne participera pas à la bataille de Waterloo. Arrêté le 20 novembre 1815 pour avoir pris en public la défense de Ney – « si j’avais cent hommes sûrs avec moi, j’irais délivrer le maréchal Ney dans sa prison » avait-il dit – il est libéré un mois plus tard et part en exil en Angleterre puis en Belgique. ( Sources : Wikipédia)
Marie est bouleversée par la nouvelle de son arrestation. Elle intervient auprès de Fouché et de Talleyrand, qui pour faire oublier leur passé, préfèrent rester neutres. Elle va trouver le duc Decazes, nouveau ministre de la Police et favori de Louis XVIII, qui lui accorde la libération d’Ornano.
Cette fois, les sentiments de Marie ont changé. Elle accepte la demande en mariage mais ils doivent se séparer car il est exilé. Elle devra le rejoindre en Belgique, où il a acheté une propriété à Liège.
Le contrat de mariage donne une idée de la disparité de fortune entre les époux, mais il permet surtout de savoir ce que possédait Marie et comment elle vivait. Outre ses effets personnels, le futur époux apporte 200 000 francs en argent comptant. La future épouse, outre ses effets personnels, bijoux, argenterie, meubles meublants, voitures estimés à 121 102 francs, elle apporte 750 000 Francs en argent comptant et rentes. La différence de fortune est considérable. Mis à part 100 000 florins polonais, recueillis dans la succession de son mari et 200 000 francs de dettes du comte Walewski qu’elle a acquittées. L’actif total est donc près de 700 000 Francs, auxquels il faut ajouter des rentes et des actions plus la jouissance de l’hôtel particulier 48 rue de la Victoire acheté par Napoléon pour son fils. Cet hôtel comprend un boudoir, une chambre à coucher, un petit salon bleu, au rez-de-chaussée, un salon vert, une salle à manger, diverses chambres et pièces de service, plus une écurie. Le contrat de mariage donne la description exacte de tous les meubles meublants, de toute l’argenterie, de tous ses bijoux, de tout le linge. Il est extraordinaire à lire car il donne une idée de l’ameublement aristocratique sous l’Empire.
Les premières pages du contrat de mariage
Philippe d’Ornano ne fait donc pas une mauvaise affaire mais ce n’est pas pour cela qu’il l’épouse. C’est par amour. Il est un homme bien comme toute sa vie l’a prouvé jusque là et le prouvera par la suite.
Dernière page du contrat de mariage avec la signature de Marie
Ils se marièrent donc à Bruxelles le 7 septembre 1816. Elle a trente ans, il en a trente-deux. Quand il apprit la nouvelle du mariage, Napoléon, déjà à Sainte-Hélène, semble y avoir été indifférent. De toutes façons, que pouvait-il faire ? Pleurer, se lamenter ? Ce n’était pas dans son caractère ni dans la conscience qu’il avait de sa dignité. On peut même penser qu’il en a été heureux pour elle.
Dans le contrat de mariage, il était prévu qu’ils vivent dans son hôtel à elle et qu’elles supporte la quasi totalité des frais du ménage. Mais le mari était exilé à la suite de sa défense de Ney, ils choisissent de s’installer à Liège, après leur voyage de noces passé à Spa car la santé de Marie était chancelante. C’est après son mariage avec Philippe d’Ornano qu’elle commença à rédiger ses mémoires, dont de nombreux passages sont relatés dans cet article. C’est un témoignage précieux sur sa personnalité.
Bien qu’enceinte, elle entreprend de se rendre sans son mari à Walewice. Il y va peut-être pour finir de régler la succession du comte Walewski. Toujours est-il que Philippe lui manque. Elle le lui écrit, à peine arrivée, le 24 janvier 1817: « Notre séparation me pèse d’un poids très lourd mais ce fardeau disparaît quand je réalise à quel point nous sommes unis…Mon mari à moi, si loin que tu sois, tu es toujours près de moi…Je ne peux pas te cacher que je me sens un peu faible. J’ai par moment des pressentiments qu’il m’arrivera quelque chose que je redoute… »
Le destin de Marie Łączyńska, comtesse Walewska, comtesse d’Ornano va bientôt être brisé. Elle reste encore quelques temps à Varsovie mais elle souffre dans sa grossesse. A son retour en Belgique, Philippe est effrayé de voir le changement survenu en elle. Elle a maigri, elle est pâle. La vie semble se retirer au moment même où elle connait le bonheur d’un amour accompli et partagé. Les médecins appelés par Philippe lui conseille le repos. Elle continue la rédaction de son journal dans lequel elle tente d’expliquer qu’elle a été victime des évènements qui l’ont conduite à être la maîtresse de Napoléon puis de finir par l’aimer. Elle a été patriote, nul ne peut en douter, elle a aimé Napoléon, nul ne peut en douter également. Elle aime Philippe d’Ornano qui lui a non seulement rendu l’honneur d’être une épouse respectée mais aussi l’entoure d’un amour immense.
Le 9 juin 1817, elle met au monde un garçon prénommé Rodolphe-Auguste, qu’elle décide d’allaiter. Cela l’épuise et la mène doucement vers sa fin. La sentant proche, elle demande à son mari de la ramener à Paris où ils arrivent début novembre 1817.
Le 11 décembre, elle meurt, probablement victime d’une néphrite que l’on ne savait pas soigner à l’époque. Elle avait trente et un ans. Selon sa demande, elle fut enterrée dans la caveau familial de Kiernozia.
Acte de décès reconstitué après l’incendie de l’Hôtel de Ville de Paris en 1871
Le fils de Marie raconte dans ses Mémoires : « Toute la maison fut plongée dans le désespoir mais la douleur du général d’Ornano dépassait tout ce qu’on peut imaginer. Ma mère était une des meilleures personnes ayant existé au monde. »  On le croit aisément à la lecture des événements de sa vie.

Ici repose Marie Laczinska, comtesse Walewska puis comtesse d’Ornano
L’amour de Napoléon et de Marie fut certainement un des épisodes les plus attachants de la vie de l’Empereur. Elle lui valut, à elle la gloire, une gloire qu’elle a chèrement payé car malgré son amour pour lui, elle portait sans cesse le remords d’avoir rompu les voeux de son premier mariage, elle se reprochait peut-être aussi ne pas avoir été capable de porter le destin de la Pologne comme cela lui avait été fait miroiter.
De ses deux amours, Marie eut deux enfants mais elle n’oublia pas son aîné, issu de sa première union.
Le général comte d’Ornano ne se remaria pas. Il reprend du service en 1828 comme commandant des 2e et 3e divisions militaires puis au jury du concours de Saint-Cyr Sous la monarchie de Juillet, il prend part à la répression en Vendée en 1832 et est fait pair de France. À la retraite pour raison de santé, il est élu député d’Indre-et-Loire le 7 janvier 1849 (il fut propriétaire du château de la Branchoire à Chambray-lès-Tours). Partisan de la politique du président de la République Louis-Napoléon Bonaparte et soutien du gouvernement dans l’affaire de l’expédition de Rome, il est réélu lors des élections de 1849. Grand-croix de la Légion d’honneur en 1850, il approuve le coup d’État du 2 décembre 1851. Membre de la commission consultative, il est couvert d’honneur, fait sénateur dès 1852, grand chancelier de la Légion d’honneur puis gouverneur des Invalides. Napoléon III le fait maréchal de France le 2 avril 1861, dernier des généraux de la Révolution et de l’Empire à accéder à cette distinction. Il meurt à Paris le 13 octobre 1863 et est enterré aux Invalides. Son nom figure sur l’arc de triomphe de l’Étoile, à Paris. ( Sources Wikipédia)

Comte Alexandre Colonna-Walewski en 1832
Alexandre Colonna-Walewski, comte de l’Empire, indéniablement reconnu comme fils de l’Empereur par un test ADN, eût une brillante carrière. A la mort de sa mère, la tutelle fut confiée à son oncle Teodor Michał Łączyński, dont elle avait toujours été proche. Il était un honnête homme et Alexandre n’eut qu’à se féliciter de son tuteur qui sut bien gérer sa fortune. Il entretint aussi toujours d’excellents rapports avec Philippe d’Ornano, son beau-père. Militaire, diplomate, homme politique, sa carrière se fit sous la Monarchie de Juillet et sous l’Empire à la tête duquel était son cousin germain, Napoléon III. Il fut marié deux fois. Sa première épouse était Lady Catherine Montagu, fille du comte Sandwich. Veuf, il se remaria avec Marie-Anne de Ricci, dont la mère était une princesse Poniatowska.

Comte Colonna-Walewski en 1865

La ressemblance avec Napoléon est frappante
De sa liaison avec la comédienne Rachel, il eut un fils naturel Alexandre-Antoine-Jean Colonna-Walewski, reconnu à sa naissance en 1844 et adopté par lui en 1860. Il mourut en 1868.
La comédienne Rachel
Son petit-fils André Colonna Walewski fondateur des taxis G7 à Paris fut le gendre de Léon Molinos un industriel important. La descendance masculine et féminine d’André Colonna Walewski est nombreuse de nos jours. Le Comte Alexandre Colonna Walewski est aujourd’hui le chef de famille.
Rodolphe-Louis d’Ornano, le dernier fils de Marie et unique fils de Philippe, né en 1817 est mort en 1865. Il a été Chambellan et Premier maître des cérémonies de l’Empereur Napoléon III, Préfet, député et Vice président du conseil général de l’Yonne. Il est l’ancêtre de Michel d’Ornano maire et député de Deauville.
Le fils aîné de Marie, le comte Antoine Colonna Walewski, mort à 30 ans, n’eut que des filles. Le nom des Walewski est perpétué en Pologne probablement par la descendance des fils des premiers mariages du comte. Mais s’il est aujourd’hui universellement connu, c’est par Marie Walewska.
L’auteur remercie le comte Colonna-Walewski pour son aide précieuse lors de la rédaction de ces articles. Ces articles sont dédiés à une fervente admiratrice de Walewska, ma mère.


12/04/2019

Marie Walewska - Cinquième partie

Dans la vie de Napoléon, la rencontre avec Marie semblait un intermède. Lorsqu’il entre à Varsovie le 18 décembre, l’empereur arrivait de Prusse. Le 14 octobre 1806, il avait défait à Iéna et Auerstadt les armées prussiennes. Le 26 octobre, il était entré dans Postdam, où devant son tombeau il rend hommage à Frédéric II: « S’il était encore vivant, nous ne serions pas là aujourd’hui. » Le lendemain, il entre dans Berlin. 

Entrée de Napoléon dans Berlin par Charles Meynier


C’est là qu’il signera le 21 novembre le décret instaurant le blocus continental contre le Royaume-Uni. Pendant tout ce mois qu’il y passera, il recevra les nouvelles des victoires de ses généraux et de ses maréchaux, Ney, Davout, Soult, Bernadotte, Murat. Le prince de Hohenlohe, Blücher, alors lieutenant-général, le duc de Brunswick, le duc de Saxe-Weimarsont contrains à la réddition. L’armée impériale passe la Vistule et dix ans après le troisième partage de la Pologne, les Français sont donc accueillis en libérateurs du joug prussien.
Ce fut alors pour Napoléon, dans une atmosphère de fête qui dura un mois, la rencontre avec Marie Walewska.
Mais si les Prussiens étaient défaits, les Russes ne l’étaient pas. Il fallait continuer la guerre. Le 8 février 1807 eut lieu la bataille d’Eylau, une des plus meurtrières de l’histoire de la Grande Armée. Les Russes sont définitivement vaincus à Friedland, le 14 juin 1807.


Bataille de Friedland par Edouard Detaille (1891)
Le traité de Tilsit, entre la France, la Russie et la Prusse, est signé les 7 et 9 juillet 1807. Napoléon est de retour à Paris le 27 juillet. C’est la fin de la Quatrième Coalition.

Entrevue de Tilsit

Mais entre-temps, en Prussse Orientale entre les mois d’avril et de juin 1807, Napoléon réside au château de Finckenstein, propriété des Dohna-Schlobitten, aujourd’hui Kamieniec en Pologne. Il y signe le traité du même nom, le 4 mai 1807, avec la Perse, qui comme l’Empire Ottoman souhaitait se détacher de l’influence anglaise et de la menace russe.


Mirza-Mohammed-Reza-Qazvini reçu par Napoléon à Finckenstein par FrançoisMulard.
Mais le séjour à Finckenstein ne fut pas que diplomatique. A l’issue de la bataille d’Eylau, Napoléon avait écrit à Marie: « La bataille a duré deux jours et nous sommes restés maîtres du terrain. Mon coeur est avec toi; s’il dépendait de lui, tu serais citoyenne d’un pays libre. Souffres-tu comme moi de notre éloignement ? J’ai le droit de la croire; c’est si vrai que je désire que tu retournes à Varsovie ou à ton château ; tu es trop loin de moi. Aime-moi, ma douce marie, et aie foi en ton N. »


Bataille d’Eylau par Antoine Jean Gros
Il lui écrit encore le 17 mars : « J’ai reçu vos deux charmantes lettres ; les sentiments qu’elles expriment sont ceux que vous m’inspirez ; je n’ai été un jour sans désirer vous le dire. Je voudrais vous voir. Cela dépend de vous…Ne doutez jamais, Marie, de mes sentiments, vous seriez injuste, c’est un défaut qui vous irait mal. Mille baisers sur vos mains, et un seul sur votre charmante bouche. » A la lecture de cette lettre on comprend que les sentiments de Marieont changé. Elle est amoureuse de Napoléon. Et en avril 1807, Marie prend la décision de rejoindre l’empereur à Finckenstein. Quitter ainsi Varsovie pour le rejoindre, même si c’était dans le plus grand secret, était un acte de bravoure, c’était brûler ses derniers vaisseaux et défier la société aristocratique polonaise et ses conventions. Marie a prévenu son mari de la situation en lui faisant remarquer qu’il avait fait partie du complot pour le jeter dans les bras de Napoléon. Grand seigneur, le comte Walewski s’incline. Désormais, s’ils restent mariés devant la loi, ils vivront séparés.
Le paradoxe est que Marie se mettant au ban de la société n’en continua pas moins à être admirée, voire enviée. Elle est la maîtresse de l’homme le plus puissant d’Europe et chacun cherche à travers elle, bien en vain, le moyen d’obtenir les faveurs du grand homme.

Château de Finckenstein
Le château de Finckenstein est une superbe demeure du XVIIIe siècle, bâti dans l’esprit baroque entre 1716 et 1720 par le général-comte Albrecht Konrad Finck von Finckenstein, au milieu de près de 9000 hectares. En 1782, il passa par mariage dans la famille des comtes Dohna-Schlobitten, qui en furent propriétaires jusqu’en 1945, date à laquelle les Russes l’incendièrent.

Château de Finckenstein
Napoléon fut impressionné par la beauté du lieu. Marie y arrive après un voyage épuisant, conduite par son frère Benedict, désormais colonel de l’armée impériale. Varsovie n’est distante que de 150 kilomètres mais le dégel avait commencé et les routes étaient embourbées. Elle est supposée y être incognito. Il semble que Napoléon n’ait pas vous que ses troupes connaissent la présence d’une femme à ses côtés. Il est aussi possible, et peut-être plus probable, qu’il n’ait pas voulu que l’impératrice Joséphine ait vent de sa liaison beaucoup plus sérieuse que les à-côtés qu’il s’était offert jusque-là. Joséphine et Marie seront les deux seules femme que Napoléon ait aimées. A travers Marie-Louise, ce sont les Habsbourg-Lorraine qu’il aima.

Château de Finckenstein aujourd'hui
La comtesse Potocka, toujours aussi mauvais langue raconta que Marie passait son temps dans la tristesse et la solitude. Elle y resta six semaines. Mais elle ni seule, ni triste, avec Napoléon à ses côtés. Napoléon lui a fait aménager un petit appartement à côté du sien et le couple mène l’existence heureuse de deux amoureux. Ils prennent leur petit-déjeuner au lit, prennent leur repas ensemble devant le feu de cheminée. Ils sont seuls au monde. Dans sa biographie de Marie Walewska, Christine Sutherland décrit ainsi sa chambre : « La chambre de Marie avait un joli lit à baldaquin avec de rideaux de damas rouge, un tapis épais et un grand poêle en porcelaine construit dans le mur. En face du lit une cheminée ; sa lueur joyeuse éclairait l’ensemble plutôt sombre. Le feu était entretenu par l’Empereur lui-même dont la chambre touchait celle de Marie. A côté, un petit salon, d’où une porte dérobée menait au cabinet de Napoléon. »

Probablement la chambre de Marie Walewska

Dans le film « Marie Walewska », interprétée par Greta Garbo, on peut voir les pièces originales car Clarence Brown, le réalisateur, avait filmé in situ en 1937.


De son côté Constant, le valet de chambre de Napoléon, raconte ce qu’il a vu : « Deux mois après, l’empereur, de son quartier-général de Finkenstein, écrivit à madame V…, qui s’empressa d’accourir auprès de lui. Sa Majesté lui fit préparer un appartement qui communiquait avec le sien. Madame V… s’y établit et ne quitta plus le palais de Finkenstein, laissant à Varsovie son vieil époux qui, blessé dans son honneur et dans ses affections, ne voulut jamais revoir la femme qui l’avait abandonné. Madame V… demeura trois semaines avec l’empereur, jusqu’à son départ, et retourna ensuite dans sa famille. Pendant tout ce temps, elle ne cessa de témoigner à Sa Majesté la tendresse la plus vive, comme aussi la plus désintéressée. L’empereur, de son côté, paraissait parfaitement comprendre tout ce qu’avait d’intéressant cette femme angélique, dont le caractère plein de douceur et d’abnégation m’a laissé un souvenir qui ne s’effacera jamais. Ils prenaient tous leurs repas ensemble; je les servais seul; ainsi j’étais à même de jouir de leur conversation toujours aimable, vive, empressée de la part de l’empereur, toujours tendre, passionnée, mélancolique de la part de madame V… Lorsque Sa Majesté n’était point auprès d’elle, madame V… passait tout son temps à lire, ou bien à regarder, à travers les jalousies de la chambre de l’empereur, les parades et les évolutions qu’il faisait exécuter dans la cour d’honneur du château, et que souvent il commandait en personne. Voilà quelle était sa vie, comme son humeur, toujours égale, toujours uniforme. Son caractère charmait l’empereur, et la lui faisait chérir tous les jours davantage.
A lire Constant, on est loin désormais d’Iphigénie sacrifiée pour sauver sa patrie, même si Marie conserve l’espoir d’obtenir ce qu’elle désir le plus, une Pologne libre.

Mais après trois semaines Marie dut quitter Finckenstein. Elle avait pu constater l’énergie de l’homme qu’elle aimait, qui durant le printemps 1807 n’écrivit pas moins de trois cents lettres sur tous les sujets concernant la guerre comme la vie civile. Les promesses de l’Empereurne sont pas toutefois tenues à la hauteur des espérances de Marie et de ses compatriotes. Ce n’est pas le Royaume de Pologne qui est rétabli dans son ancienne splendeur.
Lors de son séjour à Varsovie, Napoléon avait organisé l’état polonais en créant un comité gouvernemental, composé de sept personnalités de la haute aristocratie polonaise, auquel il avait adjoint cinq départements, Justice, Intérieur, Trésor, Guerre et Police. Il établit aussi la conscription.

Constitution du Grand-duché de Varsovie


Par le traité de Tilsit, legrand-duché, et non le royaume, se voit attribuer essentiellement les territoires pris par la Prusse à la Pologne lors des partages de 1793 et 1795 (provinces de Nouvelle-Prusse Orientale, de Nouvelle-Silésie et de Prusse -Méridionale) alors que la partie est de la Nouvelle-Prusse-Orientale : Bialystok, Bielsk Podalski et le nord de la Polésie sont concédés à la Russie. La Prusse conserve la plus grande partie de ses acquis de 1772 sauf les régions de Bydgoszcz, Chelmno et Grudziadz qui reviennent au duché. D’autre part, Danztig (Gdańsk), prise en mai 1807, redevient une ville libre théoriquement sous la protection conjointe de la Prusse et de la Saxe, en réalité protectorat français, avec des garnisons française et polonaise.
Le grand-duché de Varsovie a une superficie de 101 500 km² et est divisé en six départements. La couronne ducale est attribuée à Frédéric-Auguste Ier roi de Saxe, allié de Napoléon, membre d’une dynastie royale dont des membres ont occupé le trône de Pologne de 1709 à 1762, lui-même ayant refusé en 1791 d’être roi élu de Pologne.


Grand-duché de Varsovie de 1809 à 1814
En 1809, lors de la guerre de la Cinquième Coalition, l’Autriche sort de sa neutralité et attaque en Bavière et en Pologne. Jozef Poniatowski remporte la bataille de Raszyn (avril 1809) mais préfère ensuite évacuer Varsovie Les Autrichiens attaquent ensuite vers l’ouest. Violemment critiqué, Poniatowski se rachète en réussissant à prendre Lwow ; Varsovie est libérée en juin, Cracovie est prise le 15 juillet. La politique incertaine de la Russie, en principe alliée de la France mais qui hésite à attaquer les Autrichiens, permet aux Polonais d’étendre leur territoire national. Le traité de Schönbrunn, signé le 14 octobre 1809, attribue au duché la partie de la Galicie située à l’ouest du San, ainsi que Cracovie, Sandomierz et Lublin tandis que Lwow reste à l’Autriche et que la Russie obtient Tarnopol.

La superficie du duché passe à 155 000 km². Sa population est désormais de 4 300 000 habitants.

En 1812, les forces armées polonaises sont totalement sous le pouvoir de Napoléon, par l’intermédiaire du prince Poniatowski ministre de la guerre du duché, futur maréchal de France. Plus de 100 000 Polonais sont engagés contre les Russes. Ils espèrent alors que le duché redeviendra royaume et que les territoires lituaniens libérés par Napoléon lui seront réunis permettant la reconstitution de l’Union Pologne-Lituanie. Mais Napoléon n’est lié par aucune promesse.
Le duc, Frédéric-Auguste Ier, abandonne le pouvoir au Conseil des ministres et à la Diète du duché qui proclame, sans effet, la restauration du royaume de Pologne ainsi que la réunification avec le grand-duché de Lituanie. L’échec de la campagne de Russie oblige à revenir aux statuts du duché.

Frédéric-Auguste Ier, roi de Saxe, duc de Varsovie


À partir de mars 1813, le duché est occupé par les Russes. Le 14 mars 1813, Varsovie devient le siège d’un Conseil suprême provisoire créé par le tsar Alexandre pour le duché de Varsovie, dans lequel siègent seulement deux Polonais.
Le tsar, ayant l’intention de conserver des territoires précédemment prussiens ou autrichiens, est amené à composer avec tous les dirigeants polonais. Un rôle essentiel est alors joué par le prince Adam Czartoryski, partisan de l’alliance russe, mais le tsar obtient aussi l’appui d’hommes qui ont soutenu Napoléon.

Le retour de Napoléon de l’île d’Elbe oblige cependant le tsar à promettre des restitutions importantes à la Prusse.
Lors du Congrès de Vienne en 1815, le territoire du duché est divisé en trois parties : le royaume de Pologne( ou « royaume du Congrès »), attribué au tsar qui porte le titre de roi de Pologne– 128 000 km² (il conserve les acquis du traité de Schönbrunn, sauf Cracovie)  – le grand-duché de Posen ( Posnanie) , restitué au roi de Prusse (il deviendra une simple province prussienne en 1849 ) – 28 951 km²  – la ville libre de Cracovie (ou république de Cracovie) ancienne capitale royale de la Pologne, placée sous la protection des trois puissances (elle sera annexée par l’Autriche en 1846– 1 164 km². ( Sources Wikipédia)
C’en était fini des espoirs de la Pologne et de Marie. Mais malgré cela Marie n’en voulut pas à Napoléon, car il est probable que la patriote avait cédé la place à la femme amoureuse.

Château de Finckenstein  en 1866
Les hostilités avec la Russie reprenant, Napoléon est obligé de quitter Finckenstein, Marie l’ayant précédé de quelques semaines.


Marie et Napoléon, imagerie populaire
Ne voulant pas rester à Varsovie, où elle était le centre de toutes les attentions et de tous les commérages, ni à Walewice, chez son mari avec laquelle elle a rompu, elle se réfugia à Kiernozia, dans la maison de son enfance. C’est à qu’elle apprit la victoire de Friedland. Mais la vie n’y est pas aussi simple qu’elle le souhaiterait car sa mère l’entoure d’attentions qui rappellent à la jeune femme sa situation adultère. Pour Eva Łączyńska, être la maîtresse de l’empereur vaut largement d’être la femme du comte Walewski, même si celui-ci n’est pas à négliger au cas où les choses tourneraient mal mais en attendant, il y a plus à gagner. Son fils Benedict a commencé à recueillir les fruits de son ralliement à Napoléon.
Marie passe par des moments de découragement et de doutes. Napoléon ne va-t-il pas l’oublier comme il a oublié ses promesses envers la Pologne. Elle aurait aimé le rejoindre à Dresde mais aucun ordre ne vint, pis encore Napoléon refusa qu’elle vienne. Il reste malgré tout amoureux dans sa correspondance : « Ma joie serait entière si tu étais ici, mais je t’ai dans mon coeur. L’Assomption est ta fête et mon anniversaire de naissance : c’est une double raison pour que nos âmes soient à l’unisson ce jour-là. Au revoir, ma douce amie, tu viendras me rejoindre. Ce sera bientôt, quand les affaires me laisseront la liberté de t’appeler. Crois à mon inaltérable affection. » Puis «  Marie, ma si chère Marie, ne doutez jamais de moi quoiqu’on vous dise…Votre présence me manque autant que la mienne peut vous manquer, mais la pensée que vous viendrez bientôt à Paris me fait goûter à quelque réconfort. »
Elle reçoit un bracelet en diamants et une miniature de Napoléon qu’elle portera épinglée à ses robes, signe évident de son amour qu’elle ne cache plus désormais. Les nouvelles reçues de Paris sont rassurantes, le projet de divorce entre Napoléon et Joséphine prend corps au désespoir de cette dernière et à la contrariété de Napoléon qui l’aime toujours. Mais le souci d’établir une dynastie passe avant tout. Son frère Louis a épousé lafille de Joséphine, Hortense, mariage malheureux s’il en fut, mais leur fils, Napoléon-Charles, peut être l’héritier du trône. Hélas pour Joséphine, il meurt.
Marie est au courant de tout mais ne se berce pas d’illusion sur son avenir en tant que femme de Napoléon. Catholique, même si son divorce, voire l’annulation de son mariage, pourrait facilement être obtenue, elle se refuse à cette solution. Au contraire, elle écrit « Sa Majesté aurait tort de divorcer. Ce qui a été noué sur la terre ne peut être dénoué que dans le ciel. »


Marie semble aussi avoir appris les incartades de Napoléon qui s’offre des moments de liberté conjugale avec les dames de la cour. Il semble que cela ne l’ait pas dérangée, ni suscité de jalousie de sa part. Son amour est au-delà et elle sait que celui de Napoléon l’est également.
Et ce d’autant qu’il la presse de le rejoindre : « Tu dois venir à Paris aussitôt que je m’y trouverai…Oui ma douce Marie, j’ai besoin de toi, J’ai besoin de retrouver les doux moments que nous avons connus à Finckenstein, ces moments de bonheur dont toi seul possèdes le secret… »

Il lui fait savoir que tout sera organisé pour qu’elle s’y sent à l’aise. Mais les obstacles sont là. Le divorce n’a pas été encore prononcé, la famille de l’Empereur est trop présente. Mais Marie cède enfin à sa demande. Elle se met enfin en route. Elle s’arrête à Dresde où elle est reçue par le roi. Sans être un voyage triomphal, c’est un voyage très confortable dans les pays sur lesquels règne son amant. Début février, elle arrive à Paris où elle est accueillie par son frère Benedict et par Duroc qui la mène à la demeure achetée pour elle, un hôtel particulier au 2 rue de la Houssaye.

Plan de l'Hôtel au 2 rue de La Houssaye
Le lendemain, Napoléon vint l’y retrouver. Il voudrait qu’elle soit officiellement présentée à la cour. Elle refuse. Elle n’est ni Madame de Montespan, ni Madame de Pompadour. Elle souhaite la discrétion et elle l’obtient. Elle se lie avec la princesse Borghèse, Pauline Bonaparte, qui est venue la trouver pour lui offrir son amitié queMarie a acceptée.
Elle sort peu, mais un soir, elle va à l’opéra avec Duroc, dissimulée au fond de la loge. En face d’elle dans la loge impériale se trouve Joséphine. Marie veut partir mais Duroc l’en empêche. Le lendemain, Napoléon lui rapporte que Joséphine lui a dit avoir «  été charmée d’apercevoir dans une loge la présence de la gracieuse Mme Walewska. » Les deux femmes, les seules à avoir été aimées par Napoléon, plus tard se lieront d’amitié.
En mars 1808, l’Empereur quitte Paris pour Bayonne afin d’y voir plus clair dans l’affaire d’Espagne qui semble plus difficile que prévue. Il demande à Marie de rester à Paris. Elle refuse et repart pour la Pologne. Les amants espèrent cette séparation de courte durée. Elle sera de seize mois. Marie est tantôt à Varsovie où elle est l’objet de la curiosité obséquieuse de la haute société, tantôt à Kiernozia, où elle est l’objet des l’indiscrétion de sa mère. Seules les lettres de son amant lui apportent du réconfort.
En plus des problèmes espagnols, Napoléon voit se dresser contre lui la Cinquième Coalition, formée en 1809 par le Royaume-Uni. L’Autriche, jusque là alliée de la France, rejoint les Anglais. Et ce furent les deux victoires d’Essling ou d’Aspern ( 20-22 mai 1809) et de Wagram (5-6 juillet 1809). L’archiduc Charles avait gagné sur le terrain lors de la première bataille, mais il ne sut pas exploiter son avantage. A Wagram, la victoire est complète.

La bataille de Wagram par Horace Vernet
Les maréchaux Davout, Masséna, Bernadotte, les généraux Oudinot, Marmont, Bessières, Mc Donald, tous ceux qui font la gloire de l’empire sont aux côtés de Napoléon. Aux côtés de l’archiduc Charles, on compte le prince Frédéric-de Hohenzollern-Hechingen, le prince de Rosenberg-Orsini, le prince Jean-Joseph Ier de Liechtenstein. Les pertes autrichiennes furent de 41 250 hommes, dont 23 750 tués ou blessés, 10 000 disparus et 7 500 capturés, alors que les pertes françaises se chiffrèrent à 37 500 hommes, dont 27 500 tués ou blessés et 10 000 disparus ou capturés. Une bataille somme toute peu meurtrière. L’archiduc Charles demanda un armistice. La Cinquième Coalition se termina par le traité de Schönbrunn signé le 14 octobre 1809.


L'archiduc Charles à la bataille d'Essling
Constant raconte dans ses Mémoire la venue de Marie à Vienne, après cette longue séparation.
« Après la bataille de Wagram, en 1809, l'empereur alla demeurer au palais de Schœnbrunn. Il fit venir aussitôt madame V..., pour laquelle on avait loué et meublé une maison charmante dans l'un des faubourgs de Vienne, à peu de distance de Schœnbrunn. J'allais mystérieusement la chercher tous les soirs dans une voiture fermée, sans armoiries, avec un seul domestique sans livrée. Je l'amenais ainsi au palais par une porte dérobée, et je l'introduisais chez l'empereur. Le chemin, quoique fort court, n'était pas sans danger, surtout dans les temps de pluie, à cause des ornières et des trous qu'on rencontrait à chaque pas. Aussi l'empereur me disait-il presque tous les jours: «Prenez bien garde ce soir, Constant, il a plu aujourd'hui, le chemin doit être mauvais. Êtes-vous sûr de votre cocher? La voiture est-elle en bon état?» et autres questions de même genre, qui toutes témoignaient l'attachement sincère et vrai qu'il portait à madame V... L'empereur n'avait pas tort, au reste, de m'engager à prendre garde, car un soir que nous étions partis de chez madame V... un peu plus tard que de coutume, le cocher nous versa. En voulant éviter une ornière, il avait jeté la voiture dans le débord du chemin. J'étais à droite de madame V...; la voiture tomba sur le côté droit, de sorte que seul j'eus à souffrir de la chute, et que madame V..., en tombant sur moi, ne se fit aucun mal. Je fus content de l'avoir garantie. Je le lui dis, et elle m'en témoigna sa reconnaissance avec une grâce qui n'appartenait qu'à elle. Le mal que j'avais ressenti fut bientôt dissipé. Je me mis à en rire le premier, et madame V... ensuite, qui raconta notre accident à Sa Majesté aussitôt que nous fûmes arrivés. »
Schönbrunn
A Schönbrunn, Napoléon s’était installé dans les appartements de l’Empereur François, il dormait dans ce qui avait été la chambre de Marie-Thérèse et de François-Etienne, celle-même où son fils,  le roi de Rome, duc de Reichstadt,  mourra plus de vingt après. 

Schönbrunn, salon dit de Napoléon
Le couple retrouve son intimité de Finckenstein parfois dans la maison louée pour elle à Mödling, mais souvent au château dans un appartement aménagé spécialement où ils dorment ensemble. C’est à Schönbrunn, que fut conçu leur fils, Alexandre, qui deviendra le comte Colonna-Walewski. Au mois d’août Marie lui avait confié être enceinte. Napoléon en conçut une joie immense. Outre son amour pour Marie, il y avait la preuve qu’il n’était pas stérile. Le 15 décembre 1809, le divorce du couple impérial fut prononcé. Involontairement de sa part, la grossesse de Marie avait décidé l’Empereur à hâter le divorce.

Divorce de Napoléon et Joséphine par Henri-Frédéric Schopin
On pensa alors que Napoléon allait épouser Marie, qu’il qualifiait déjà de « son épouse polonaise ». Mais il n’en fut rien car comme il le déclara à son frère Lucien : « Vous riez de me voir amoureux ; oui je le suis en effet, mais toujours subordonnément à ma politique qui veut que j’épouse une princesse, quoique je préfèrerais bien couronner ma maîtresse. »

«  Je n'essaierai pas de raconter tous les soins, tous les égards dont l'empereur l’entoura. » écrivit Constant. Napoléon est heureux et il le montre. 

La question du lieu de l’accouchement est épineuse. Il conviendrait qu’elle accouche à Varsovie, dans un ultime sursaut pour sauver les apparence, qui de toutes façons ne trompent plus personne. Mais tous les deux souhaitent qu’elle accouche à Paris. Elle n’a pas envie de le quitter et lui non plus. Mais Varsovie l’emporte. Avant de quitter Vienne, pressentant que rien ne serait plus comme avant, Marie remet à Napoléon une bague avec une boucle de ses cheveux et une inscription :
« Quand tu cesseras de m’aimer, n’oublie pas que je t’aime. »
Napoléon arrive à Paris le 26 novembre 1809. Il expédie son divorce avec Joséphine. Marie n’est en rien responsable de sa décision. Nul ne peut lui reprocher d’avoir été l’instrument de la séparation entre les époux. Jamais elle ne lui a demandé de quitter Joséphine pour elle. Joséphine le savait comme elle savait que Napoléon désirait une union plus prestigieuse. Elle ne lui en a jamais vraiment voulu.

De Schönbrunn Napoléon avait envoyé demandé au tsar, Alexandre 1er, de lui accorder la main de sa soeur cadette, la grande-duchesse Anna. Bien que tenté de céder, le tsar dût s’incliner devant le refus absolu de sa mère, née Sophie-Dorothée de Wurtemberg, qui avait été avec la comtesse du Nord lors de son voyage en France en 1782. Il ne deviendrait pas le beau-frère de Napoléon malgré le gage que celui-ci lui donnait de ne pas faire renaître la Pologne, contrairement à ce qu’il avait promis à Marie. 

Qu’à cela ne tienne, Napoléon reçoit une offre encore plus brillante de la part de Metternich : une archiduchesse d’Autriche, la fille aînée de l’empereur François, Marie-Louise. La demande  en  mariage est faite officiellement le le 7 mars 1810. Il est célébré par procuration en Autriche le 11 mars 1810,  consommé le 27 mars et célébré officiellement en France le 2 avril. 

Dès février, les tractations du mariage étaient connues en Europe et c’est à Kiernozia que Marie apprend la nouvelle. Il n’y a pas de relation de la manière dont elle l’accepta. Mais on peut la supposer résignée et malgré tout amoureuse. Comme celui de la Pologne, le sort de Marie est scellé. Son pays ne renaîtra pas et elle n’épousera pas le père de son enfant. Elle n’avait jamais d’ailleurs songé à devenir impératrice des Français. 

Les sentiments de Napoléon ne sont pas à son honneur. Il abandonne Joséphine, à laquelle il devait malgré tout beaucoup. Il a des maîtresses en plus de Marie « son épouse polonaise ». Alors il peut le faire, il ne l’épouse pas, malgré l’amour qu’il lui déclare. Il épouse Marie-Louise « un ventre » séculaire, dont il tombe amoureux. 

Alexandre Florian Joseph nait à Walowice le 4 mai 1810. Il est reconnu avec élégance par Athanase Walewski, qui évite ainsi d’entraîner sa femme dans le scandale d’avoir officiellement un enfant adultérin, fût-il fils d’empereur. Il portera donc le nom de Colonna Walewski.
Le 21 février 1810, avait écrit à Marie : « Chère et honorée femme, Walewice m’est de plus en plus à charge, mon âge et mon état de santé m’interdisent toute activité. J’y suis donc venu pour la dernière fois afin de signer l’acte par lequel mon fils aîné en devienne propriétaire. Je vous conseille de vous entendre avec lui, afin de régler les formalités liées à la naissance l’enfant que vous attendez. Elle seront facilitées si ce Walewski naît à Walewice. Tel est aussi l’avis de mon fils aîné et je vous en informe. Je le fais conscient de remplir mon devoir et en priant Dieu qu’il vous protège. » Le fils aîné est certainement Jean-Joseph comte Colonna-Walewsk née en 1765 de sa première union avec Marie Madeleine Eva Tyzenhauzow.   Il a donc 45 ans à l’époque. 

Acte de naissance d'Alexandre Florian Joseph Walewski
Le comte Walewski avait peut-être attendu la nouvelle du remariage de Napoléon avec l’archiduchesse Marie-Louise pour offrir son nom à l’enfant. Peut-être avait-il aussi espéré que Marie devienne impératrice ? Mais devant la réalité, il sut se montrer gentilhomme.

Napoléon apprend la naissance de son fils alors qu’il est en voyage en Belgique. Il envoie immédiatement vingt mille francs en or pour Alexandre, des dentelles de Bruges et une édition ancienne des oeuvres de Corneille pour Marie, le tout accompagné d’un billet affectueux. Mais Marie-Louise, dont Napoléon a raconté plus tard  : « Elle aimait bien au reste, avec ses seins ou de quelques manières, tenter d’éveiller mes sens », occupe ses pensées et répond parfaitement à ses attentes sexuelles. 

Mais il n’en oublie pas Marie pour autant : « Si votre santé est bien rétablie, je désire que vous veniez sur la fin de l’automne à Paris où je désire vous voir. Ne doutez jamais de l’intérêt que je vous porte et des sentiments que vous me connaissaient » Il  charge Théodore, le frère de Marie d’aller la chercher. Homme désintéressé, il restera un ami fidèle pour sa soeur et plus tard un oncle aimant et attentif pour le neveu qui vient de naître. 

Marie Walewska
En novembre, ils quittent Walowice, en grand équipage. Marie emmène avec elle, ses deux enfants, les deux nièces de son mari et une nuée de domestiques. Ils remplissent trois voitures à eux tous. 
Le vieux mari reste à Walovice bien évidemment, peut-être un peu dépité de voir la belle jeune femme qu’il s’était choisi pour la fin de ses jours, lui échapper pour toujours. 
Marie trouve une installation préparée pour elle. Elle ne s’installera pas à Paris mais à Boulogne, au 7 rue de Montmorency dans un bel hôtel particulier, entre cour et jardin, de deux étages sur rez-de-chaussée. Sa chambre est au premier meublée d’acajou : lit, toilette, secrétaire, bureau. Elle comporte en outre quatre fauteuil, deux bergères, une méridienne. Mais elle a conservé son hôtel de la rue de la Houssaye., dont elle est propriétaire alors que la maison de Boulogne est louée et le loyer, comme l’ensemble des dépenses, est réglé par la cassette personnelle de l’empereur. 

Demeure de Marie Walewska au 7 rue de Montmorency à Boulogne
Boulogne est près de Saint-Cloud, une des résidences favorites de l’empereur. Il rend visite à Marie à un rythme dont nous ignorons tout. Il la reçoit parfois aux Tuileries. Même si cela n’est plus la passion du début, les deux amants éprouvent une grande tendresse l’un pour l’autre. Et Marie devient une vraie parisienne. Il n’est plus question pour elle de rester recluse. Elle sort dans la société impériale, elle va aux bals donnés par la princesse Borghèse. Elle voit aussi la reine Hortense, séparée de son marie, Louis Bonaparte, roi de Hollande, qui, comme elle met un enfant naturel au monde. Le pères est Charles de Flahaut et l’enfant sera le futur duc de Morny. 
Pauline Bonaparte, princesse Borghèse
Marie accepte les présents qui lui sont faits par l’empereur, elle ne jette plus à terre les diamants, elle trouve naturel le train de vie somptueux qui lui est fait. Mais cette vie n’est pas que fêtes, il y a aussi les contraintes imposées par Napoléon. Il lui impose la discrétion de leur relation. Personne ne doit savoir et pourtant tout le monde sait. Lorsque Marie séjourne à Varsovie, l’ambassadeur de France « regarda comme son devoir de la traiter en fac-similé d’impératrice. Elle eut le pas sur toutes ces dames. Aux dîners d’apparat elle fut toujours servie la première, occupa la place d’honneur et reçut tous les hommages et les marques de respect ! Ce qui choqua visiblement les douairières et donna de l’humeur à leurs maris…Elle s’était prodigieusement formée pendant son séjour en France, elle avait pris un aplomb modeste, difficile à soutenir dans la position équivoque où elle se trouvait. Ayant à ménager Marie Louise, fort jalouse, dit-on, Madame Walewska sut au milieu de Paris faire douter des rapports secrets qu’elle avait conservés avec l’empereur. » ( Mémoires de la comtesse Potocka) 

Marie doit aussi supporter d’être présentée à l’impératrice. On peut aisément imaginer le peu de plaisir qu’elle prit à cette cérémonie. Mais Napoléon tenait à l’étiquette et si elle devait assister aux soirées de la cour, elle devait avoir été présentée. Comme les aristocrates de son époque, elle voyage en grand train, emportant avec une fois cent cinquante robes. Elle fréquente les stations thermales à la mode. 

Elle fait l’admiration de ceux qui l’approchent tant par sa beauté que par son maintien et sa gentillesse. Les Polonais de passage ou en exil trouvent toujours du secours chez elle. La comtesse Potocka, qui n’a besoin d’aucun secours, voit aussi « Madame Walewska une des créatures les plus attachantes de son époque. »

Peut-on dire qu’elle est devenue la coqueluche de Paris ? On se presse chez Gérard pour voir le portrait qu’il a fait d’elle. 

Au milieu de ce tourbillon mondain, elle s’occupe de ses enfants. Mais la fête impériale va bientôt s’achever. Le tsar a décidé de reprendre les hostilités. Marie et les Polonais de Paris sentent bien le danger que cela représente pour leur patrie. Kosciusko, le héros de l’indépendance, toujours vivant est reçu par Marie. Il l’étreint et prenant l’écharpe aux couleurs de la Pologne qu’elle porte au bras, il l’embrasse le morceau d’étoffer et l’envoie en Pologne. 

Elle évite de parler politique avec Napoléon. Elle sent combien il est ombrageux et elle ne va pas ajouter de l’indiscrétion à ses soucis.

En avril 1812, la « Grande Armée » est prête à entrer en campagne. Malgré ses soucis Napoléon songe à Marie, à assurer son avenir et celui de son enfant, Alexandre, qui lui ressemble. Le 5 mai 1812, il constitue un majorat en sa faveur, avec l’attribution du titre de comte de l’Empire. 


Armes d’Alexandre Florian Joseph Colonna Walewski, Comte de l’Empire
Le titre et le majorat sont transmissibles héréditairement en premier à l’héritier mâle et à défaut à ses filles.  « transmissible à la descendance directe et légitime, naturelle ou adoptive ». Marie en sera usufruitière jusqu’à la majorité de son fils, puis elle recevra une rente annuelle de cinquante mille francs. 

Cette donation comporte d’immenses domaines dans le royaume de Naples qui rapportent à eux seuls la somme annuelle de 170 000 francs. 

Marie Walewska par Gérard en 1812
Marie n’est toujours pas divorcée du comte Walewski et les affaires de ce dernier vont mal. Il est couvert de dettes et Marie craint que cette situation ne vienne obérer la fortune de son fils, officiellement le fils du comte. Il s’agit donc de divorcer. La demande en divorce est introduite par marie le 18 juillet 1812, au motif qu’elle a été contrainte par sa famille à l’épouser - le même motif serait valable en cas de demande d’annulation - le comte Walewski ne faisant aucun opposition, le divorce est prononcé le 24 août. Dans le règlement du divorce, elle obtient la moitié des biens de ce dernier, à la condition de constituer un majorat en faveur de leur fils commun. Elle s’engage à élever les deux enfants, ce qui ne dut pas lui être difficile au vu de son amour maternel. 

L’inquiétude pour Napoléon est présente dans son esprit. Elle est tenue au courant de la campagne de Russie. Elle est toujours en Pologne lors de  l’incendie de Moscou. Napoléon, rentrant en France, s’arrête à Varsovie. Marie est à Walewice. Certains prétendent qu’ils se sont vus alors. Mais rien n’est moins sûr. Conscient du danger, Napoléon lui ordonne de quitter la Pologne et de rentrer à Paris, ce qu’elle fait en janvier 1813. Elle y trouve une atmosphère d’exubérance mondaine. Paris ne réalise pas la gravité de la situation et Napoléon ne veut surtout pas d’affolement. Marie paraît à la cour de l’impératrice Marie-Louise, sans doute sur l’ordre de l’empereur mais elle reçoit la plus surprenante des invitations. L’impératrice douairière Joséphine l’invite à venir la voir en compagnie de son fils à La Malmaison. Même si Marie ne fut pour rien dans le divorce impérial, on peut imaginer que Joséphine n’avait aucun plaisir à entendre parler d’elle. Marie hésitait et la reine Hortense sut la convaincre d’accepter. Elle y reviendra. Selon un témoin de l’époque, la première dame de l’impératrice, « L’Impératrice témoignait beaucoup d’amitié à madame Walewska. Devant tout le monde, elle vantait ses qualités exceptionnelles et affirmait que cette bonne personne n’était pour rien dans ses malheurs. Elle lui faisait des cadeaux et comblait son fils de joujoux. Et se montrait frappée de sa ressemblance avec l’Empereur. » ( Mémoires de Mademoiselle d’Arvaillon) Il est difficile de dire si Napoléon fut contrarié ou non du rapprochement entre les deux seules femmes qu’il ait vraiment aimées.

Joséphine à La Malmaison en 1812
Pris par d’autres soucis, pris par le désir de ne pas déplaire à son épouse, une Habsbourg-Lorraine, la mère de son fils, l’héritier du trône, l’empereur délaisse Marie. Elle a vingt-sept ans. Elle est dans tout l’éclat de sa beauté, elle est une femme épanouie mais elle est probablement frustrée de ne voir son amant que rapidement et entre deux de ses soucis. Elle a des admirateurs qui l’entourent et lui font savoir son admiration. Mais elle n’en a cure car elle est fidèle. 



Mais le 2 mai 1813, elle reçoit une lettre d’un nouvel admirateur : « Ma profonde gratitude ne vous est pas seulement due pour m’avoir reçu avec tant de grâce charmante, pour m’avoir consacré votre temps ; le sentiment que vous m’inspirez me fait votre obligé plus encore. Ne le partageriez vous jamais qu’il m’aurait donné des heures d’un ineffable douceur, auxquelles il me semble interdite demander davantage…J’attendrai. » C’est ainsi que Philippe d’Ornano, général, comte d’Empire et parent de l’empereur - sa mère Isabelle Bonaparte était la cousine germaine de Charles-Marie Bonaparte, père de Napoléon - se déclarait.